jeudi 28 mai 2015 - par Dwaabala

Le Panthéon du Résistant inconnu

Mes grands-parents, je les ai très bien connus puisqu'ils ont vécu jusqu'à mon adolescence et même au-delà ; une de mes deux grand-mères, la dernière survivante, est morte alors que j'étais marié, et elle a pu embrasser son arrière petit-fils. Ce qui paraît banal aujourd'hui, mais risque fort au train ou l'actuel Présidence nous conduit de redevenir à bref délai exceptionnel.

Mes quatre grands-parents donc, présentaient cette singularité à mes yeux d'être nés en quatre années successives et alternées suivant les sexes (on dirait aujourd'hui les genres), les femmes étant de deux années plus jeunes que leurs maris respectifs.

Et singularité encore plus émouvante à ce que devinrent, mais plus tard, mes yeux, d'être nés exactement deux décennies après Lénine, né Oulianov, en considérant le barycentre de leurs dates de naissances.

Ceci dit pour situer les choses. Et ajouter, d'une part qu'ils vécurent l'époque de la Grande guerre à l'âge adulte et fort douloureusement pour l'une des deux familles, et d'autre part qu'à l'époque du Front populaire elles n'étaient ni l'une ni l'autre « du bon côté », c'est-à-dire celui qui le devint très précocement pour moi.

L'un de mes grands-pères avait su développer et faire prospérer l'entreprise de constructions mécaniques qu'il avait héritée de son beau-père ; il était ce qu'on appelle « un bon patron » avec ses ouvriers ; d'où, sans doute, le goût prononcé que j'ai éprouvé dans ma prime jeunesse pour la lecture de la Comtesse de Ségur, née Rostopchine, son « Auberge de l'Ange gardien » et son « Général Dourakine » chez qui je retrouvais plus d'un trait familial.

Mon paternel, qui n'avait pas les pieds-plats, auquel je dois malgré ou à cause de cela bien d'autres choses que le shimmy, les claquettes et cætera, fit de brillantes études et accéda ainsi aux fonctions qui lui permirent, malgré ses origines familiales plus modestes, d'épouser celle qui devint ma mère bien-aimée non sans quelques problèmes. Il garda toujours au fond de son cœur le côté rebelle qui lui faisait garder une certaine distance avec le milieu bourgeois où il évoluait, et ceci malgré la séduction que ce dernier déployait à son endroit .

C'est sans doute la raison pour laquelle je lui dois un souvenir ineffaçable.

Sortie un jour des archives familiales, une photographie bistre, du format des photos de classe, qui représentait « le personnel de l'atelier » posant, endimanché, un jour de la fin des années 1930, passa entre nos mains.

Mon père, qui n'avait dans sa carrière rien eu à voir avec « l'affaire » de son beau-père, fut pourtant capable de me donner les noms de la plupart des ouvriers, assortis pour certains d'anecdotes sur ce qu'ils étaient en dehors de leur travail.

Il arrêta son index : « Tiens ! lui, c'était un Italien... » dont moi, par contre, j'ai hélas ! perdu le nom. À moins que je ne l'aie immédiatement noté au dos de la photo qui est enfouie je ne sais où.

« ... Il avait combattu le fascisme et avait dû fuir l'Italie. Il a travaillé quelques temps à l'atelier. Un beau jour il a disparu. Et l'on a appris plus tard qu'il était parti se battre aux côtés des Républicains espagnols ».

C'est sans doute bête à dire, mais j'ai les larmes qui me viennent aux yeux.

Mon père disait... petit... C'est le vent du nord qui me fera capitaine d'un brise-lames ou d'une baleine, c'est le vent du nord qui me fera capitaine d'un brise-larmes pour ceux que j'aime.



4 réactions


  • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 28 mai 2015 12:16

    Ils ont été nombreux, ces résistants inconnus dont ceux qu’on panthéonisent sont les emblèmes. Mais, hélas, la plupart de nos anciens se sont contentés de survivre sans se compromettre et ce n’est déjà pas si mal !

    Je note au passage que l’émigrant que vous citez n’a pas grand-chose à voir avec ceux qui nous arrivent aujourd’hui. On voit même certains de leurs descendants directs ne plus se battre contre le fascisme mais pour lui, pour le nouveau fascisme vert de Daesch et Cie  !


  • Aaltar Aaltar 29 mai 2015 11:58

    Le panthéon est remplit de morts dont la gloire se porte aux cols de ceux qui les y placent. C’est une flatterie personnelle de ceux qui les y déposent pour leur propre personne.

    Il parait qu’il y a un message à faire tel ou tel choix, peut être que les pins veulent plus dire que les tribunes et qu’au final un symbole vaudra toujours plus de gloire qu’un acte réel.

    Quoi qu’il en soit, on verra avec le temps si les beaux discours dépassent le cadre des prétentions électorales. Je ne me fais pas d’illusion là dessus, on s’est contenter de faire de la com’ sur le dos de gens dont le mérite est tout à fait légitime ; mais, monsieur le Président, on n’utilise pas la gloire des autres à défaut d’avoir fait quelque chose soit même pour en mériter.


  • Crab2 30 mai 2015 10:48

    Panthéon et les républicains

    Qui ose encore à notre époque se revendiquer républicain sans prendre la décision de faire entrer au Panthéon la vraie républicaine et féministe Olympe de Gouges assassinée guillotinée par l’ami de Mélenchon le « citoyen » Robespierre membre du peu gracieux comité de salut public ?

    Suites :

    http://laicite-moderne.blogspot.fr/2015/05/pantheon-et-les-republicains.html

    ou sur

    http://laiciteetsociete.hautetfort.com/archive/2015/05/27/pantheon-et-les-republicains-5629414.html


  • Laurent 47 1er juin 2015 18:03

    Ca ne vous a pas fait grincer des dents, le fait que ce soient les amis inconditionnels des néo-nazis ukrainiens du Maïdan qui aient l’audace de présider la cérémonie au Panthéon ?

    Quel que soit sa tendance politique, aucun français n’aurait dû se salir avec ces fascistes du gouvernement, qui sont une insulte à la résistance contre le nazisme, et aux millions de morts de la seconde guerre mondiale !
    Quand on pense qu’ils soutiennent les mêmes groupes néo-nazis qui, au sein de la panzer-division SS Das Reich, ont anéanti le village d’Oradour sur Glane, et massacré des milliers de juifs en Russie, en Ukraine, et en Pologne, ça me donne envie de dégueuler !
    Pour finir : le terme république vient du latin res publica ( la chose publique ).
    Donc, à partir du moment où l’on s’occupe de gérer les affaires publiques, on est obligatoirement républicain, que l’on soit à gauche ou à droite de l’hémicycle !
    Les dictionnaires, ça existe !

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