mardi 21 mai 2013 - par Fabienm

Le passé, c’était pas pareil

Mon titre est nul, je sais.

Je suis sûr qu’il y a quelques années, j’aurais pu faire mieux. Je n’aurais pas réfléchi « impact sur le lecteur », « marketing », « indice de bruit médiatique », je n’aurais pas été cherché sur Google s’il existait déjà un titre aussi pourrave. Je me serais pas fait chier (bordel). J’aurais écrit un truc et roule ma poule, comme ça, sans réfléchir (genre maintenant, je réfléchis). Ç’aurait pas volé beaucoup plus haut – on ne s’invente pas voltigeur comme ça – mais au moins je n’en aurais pas eu honte, honte de ployer sous les règles du comme-il-faut.

Je sais pas… ça me fait penser à tous ces trucs débiles qu’on est censé faire aujourd’hui, voire pire qu’on nous oblige à faire. Comme ces putains de mots de passe qu’on nous demande partout, pour la moindre connexion. Le truc devient tellement complexe (une majuscule, un chiffre, au moins 6 caractères, pas ton prénom ni celui de ton poisson rouge, pas ta date de naissance, etc.) que cela te contraint à l’écrire sur un post-it à côté de l’écran. La boucle est bouclée, on a été tellement loin dans la protection qu’on la rend inutile. Il est assez probable que tout notre progrès et notre pseudo modernité suivront le même cycle d’autodestruction de leur essence même, vaincues par leur propre superficialité – et ça fera sûrement badaboum à la fin –, mais je m’écarte du sujet.

Avant, maintenant, pendant, après.

Il faut se rendre à l’évidence. Aujourd’hui, c’est différent (c’est marrant, ça ressemble à mon titre moisi ça). Tout est aseptisé, on réfléchit très fort à ce qu’on écrit pour ne pas être accusé de plagiat – ou d’intertextualité – ou de diffamation, que sais-je encore. Alors, on fait comme tout le monde, on regarde ce qui se fait, et on perpétue la machine à abrutir, on se coupe les burnes créatives, on se castre mentalement (là je vous entends déjà dire « on t’a toujours dit que t’avais une bite à la place du cerveau », bravo c’est malin).

Non mais sérieusement les gars et les filles. Regardez cette superbe photo venue tout droit des années 70. Regardez-le ce moustachu, croisement improbable entre Michel Blanc et un truc pas clair. Il est beau, parce que malgré son air abruti et ses deux mioches au rabais, il fait vrai (enfin, disons qu’il faisait vrai à l’époque, là il fait juste chauve). On se demande d’ailleurs où ils l’ont trouvé, il devait être accoudé à un comptoir de bar quelconque et aura été trouvé là par hasard.

J’imagine bien la scène. On est dans le bureau du PDG de Badaboum. Le jeu est sur le point de sortir (c’est bientôt les fêtes de fin d’année – dans une semaine donc, parce qu’on nous faisait pas chier 6 mois avant avec les cadeaux de noël à l’époque, c’était un train pour le petit et une poupée pour la blondasse, et venez pas nous casser les couilles), donc les mecs de chez badaboum sont autour de la table, ils sont tout fier. Sans déc, ce jeu va tout péter (ha ha). Le PDG joue machinalement avec les « 21 morceaux de bois » (ce qui est quand même plus sympathique que « garanti sans bisphénol » ou « fabriqué par des adultes consentants ») et là il dit « c’est génial, mais, quand même, il faudrait plutôt une photo d’une famille heureuse sur la boîte, parce que là, votre espèce de dessin, c’est un peu la honte » (ils avaient déjà des connards en cravate à l’époque qui devaient justifier leur poste, ça c’est éternel depuis l’invention de l’ENA). Le directeur marketing qui avait fait faire le dessin par sa fille est sous la table, la honte le submerge. Les deux autres aussi d’ailleurs – je rappelle que c’est la 1ère crise du pétrole, personne n’a envie de perdre son job – , y’a que le PDG qui joue encore à badaboum (il essaye d’empiler toutes les pièces en se demandant si c’est possible sans les coller avec un bâton de colle Uhu). Les trois minables continuent la réunion sous la table et brainstorment à fond. « Allons chercher quelqu’un dans la rue » dit l’un d’eux (le génie de la bande sans doute). Ils descendent alors encore à fond – et aussi en sueur (à l’époque le déo, c’était pas la technologie 48h sans douche) – à la recherche de la première famille modèle disponible. Ils rentrent dans le premier bar venu (à l’époque, on fumait dans les bars, on amenait les enfants pour leur faire goûter la bière, on mettait pas sa ceinture de sécurité, on s’en branlait merde, mai 68’ était à peine froid, on baisait encore dans les jardins publics). Là, y’a ce mec. Bourré. Au bar. Quand il se fracasse la tête par terre dans un grand bruit de pinte brisée, vaincu par l’alcool qu’il était, nos trois pleutres se disent *badaboum* – c’est un signe – et en voiture Simone.

Le règne de Photoshop

Désormais, c’est fini tout ça, on aurait enlevé la moustache sous Photoshop de Michel Blanc, ou alors on lui aurait mis sur le devant du crâne pour masquer sa calvitie adolescente. On aurait fait plancher le service juridique pendant 3 mois sur l’utilisation de photos d’enfants pour un jeu de destruction, on aurait fait bouffer les morceaux de bois à des chèvres pour savoir si la peinture n’allait pas refiler Kreuftzel-Jacob ou un Desperado virus quelconque (ha non, on me dit que c’est Corona-virus pardon).

Y’a pas moins de chauve aujourd’hui qu’avant, ni plus de blondes aux gros seins (même si la chirurgie esthétique fait désormais des miracles, regardez Nicole Kidman), c’est juste que les premiers sont cachés et les deuxièmes mises en avant (vous me direz que c’est dur de mettre des gros nichons en arrière, et vous aurez raison bande de petits cartésiens merdeux).

Dieu que j’en ai marre. Dieu que j’ai envie de voir des grosses dans les magazines, des vieux dans les reportages télés qui disent des trucs intelligents – ils en sont capables je vous assure, j’en ai croisés et pas que dans Groland –, des minorités invisibles, des manchots, des handicapés, des noirs dans les séries télés et qui soient pas juste derrière des camions poubelles, des bègues qui gagnent The Voice (ha on me dit que c’est déjà le cas), des mous gros et dégarnis qui président des pays (ha on me dit que c’est le cas aussi), et puis tiens pourquoi pas une femme comme Directrice de mon service… euh, ouais non peut-être pas quand même.

Putain, je crois que je vais me mettre à aimer les chauves.

Mais vraiment juste pour faire chier le monde.

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38 réactions


  • gordon71 gordon71 21 mai 2013 14:36



    chauve qui peut......

    avant le grand badaboum....

  • gordon71 gordon71 21 mai 2013 14:45

    je vous rejoins sur un point 


    cette absence absolue de vraie diversité dans les images proposées par les publicitaires, des hommes tous sveltes et musclés, sortant de chez le coiffeur avec leur tronche de premier de la classe ou d’employé de banque

    que des maigrichonnes, anorexiques tirées à quatre épingles

    dieu que ce monde est étroit dans ses désirs et ses utopies

    je veux du cuir 
    des gros culs des gros seins 

    pas du peep show, du vécu....

  • Cocasse Cocasse 21 mai 2013 15:10

    Pas mal la photo, à retoucher comme suit :

    « Badaboum », jeu d’adresse et d’équilibre de la construction européenne.
    25 pièces en bois.
     smiley

  • Cocasse Cocasse 21 mai 2013 15:28

    Après avoir réfléchi à votre question, il y a longtemps, j’en suis arrivé à la conclusion inverse. Je n’ai pas envie de voir toutes les personnes que vous citez dans des pubs. La pub perverti tout, et je ne tiens pas à ce que les êtres que l’on rencontre en vrai aient une image pervertie, et que leur originalité soit galvaudée, prostituée à la marchandise. Je préfère encore qu’elle garde son monde falsifié et ses stéréotypes illusoires, plus faciles à expulser de l’imaginaire.


    • Fabienm 21 mai 2013 15:36

      @Cocasse : pas con votre raisonnement


    • Cocasse Cocasse 21 mai 2013 16:00

      Je peux vous garantir que j’y ai réfléchi longtemps, un processus de plusieurs années.


      J’ai pris conscience que la véritable beauté ne gagnait rien à être représentée dans le monde marchand, à être transformée en objet de vente, à être salie moralement, vidée de tout sens et de tout contenu.

      C’est à double tranchant car l’acceptation de la norme passe désormais par sa représentation marchande (ce qui en soit est une perversion). Ce qui n’est pas représenté médiatiquement/vendu n’est pas valide. 

      On a le choix entre être représenté/accepté/conformé ou à être écarté/authentique/pur. En sachant qu’à cette représentation marchande sera accolé un stéréotype, ensemble de valeurs mensongères sensées résumer l’ensemble des originalités du support d’origine, et qui en réalité sera appauvri/caricaturé.

      Tout ce que j’aime, je croise les doigts pour que cela n’entre pas dans la machine à vendre, à dénaturer et à stéréotyper.

    • Fabienm 21 mai 2013 16:02

      suis plutôt d’accord, gardons le « vrai » pour nous


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 21 mai 2013 18:38

      Le plus laid dans la pub, le plus vulgaire, c’est quand elle tente de simuler l’humain dans son caractère indéfinissable. Comme dans les liens que vous donnez. 


    • Fabienm 21 mai 2013 15:49

      si ça se trouve, c’est juste un jeu pour les chauves


    • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 21 mai 2013 18:15

      Ou un jeu qui rend chauve !  smiley


  • gordon71 gordon71 21 mai 2013 16:48

    y’ à pas à dire le passé ....c’était mieux avant


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 21 mai 2013 18:13

    A l’auteur de cet article indigne qui écrit sans vergogne : « Non mais sérieusement les gars et les filles. Regardez cette superbe photo venue tout droit des années 70. Regardez-le ce moustachu, croisement improbable entre Michel Blanc et un truc pas clair. Il est beau, parce que malgré son air abruti et ses deux mioches au rabais... »


    Figurez-vous que je suis le petit garçon que l’on voit en fond de la photo et que je trouve vos propos totalement abjects. Cette affaire ne restera pas sans suite, croyez-moi ! D’ailleurs je viens d’appeler ma soeur (à droite de mon père sur la photo) qui est actuellement avocate et nous avons décidé de vous attaquer pour injure, diffamation et dénigrement.  smiley

  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 21 mai 2013 19:15

    Si y avait pas de passé ,on saurait pas que c’est pas de maintenant qu’on s’emmerde...


    • Constant danslayreur 21 mai 2013 22:30

      « Fabriqué par des adultes consentants », m...de v’la qu’la Chine vous exporte des bébés maintenant, sacré fabienm

      Sinon évidemment qu’il a raison l’Aita, par contre même sans passé comme ça en passant genre Adam et Eve, eh bé il faut croire - force est de - qu’ils ont quand même bien fini par trouver le moyen de fabriquer entre adultes consentants... si ça se trouve tous seuls en plus en cherchant suffisamment toutefois, savez le mont de vénus quand on débarque au pays ... ou alors faut un sacré sens de l’orientation. Bref, c’est obligé, autrement pour eux c’était no future et du coup pour nous pas de passé, que si y en avait pas on saurait même pas que c’est pas de maintenant qu’on s’emmerde et gnap dit le serpent en se mordant la... heu ... le ... heu ... l’appendice caudal bien sûr.

      Oh ça va hein j’ai compris je sors smiley

      Suite à l’affaire Cahuzac, êtes-vous favorable à la publication du patrimoine des élus ?

    • Constant danslayreur 21 mai 2013 22:41

      Suite et fin
      J’aime beaucoup le « sondage » du moment sur AV pas du tout sournois ni même biaisé
      genre

      après Jacques l’éventreur, l’assassin en série de vintimille sur orge ; l’ignominie ignominieuse commise par Boutin sur Angelina et enfin le scandale sans précédent des prothèses mammaires pipées que devra probablement se résoudre à porter l’actrice, êtes-vous pour mettre la pâtée à Boutin n’importe comment vaincue du mariage pour tous ?


  • Yohan Yohan 21 mai 2013 21:20

    Si j’étais un fils de pub je ressortirai ce jeu avec la tête de Flamby, de Cahuzac et de DSK smiley


    • Fabienm 21 mai 2013 21:40

      ha oui, vous tenez un truc là...


    • Mmarvinbear Mmarvinbear 22 mai 2013 02:05

      Oui, un procès pour exploitation commerciale de l’image d’une personnalité sans son autorisation.


      C’est arrivé à VGE qui a vu sa tête mise sur un jeu de cartes assez irrévérencieux. Procès gagné par le président de l’époque.

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