jeudi 1er août 2013 - par Michel Koutouzis

Le point de fuite et autres défaillances de perspective…

Du treizième au seizième siècle une révolution soutenue transforma la peinture en un vaste champ de bataille qui avait comme objectif ultime le monopole de la perspective, du point de vue. Intuitive à ses débuts, cette révolution se référa aux mathématiques et la géométrie. Dès lors, la référence quasi obligatoire à l’antiquité gréco-romaine (mais aussi au monde de l’Islam qui en avait gardé l’héritage vivant aussi bien dans les sciences appliquées que la philosophie aristotélicienne), fut, bien entendu, une offense permanente à ce qui était à l’époque la pierre angulaire de tout pouvoir, c’est-à-dire l’Eglise. Changer de point de vue et de perspective en peinture, en architecture ou en sculpture n’était nullement limitatif. L’ensemble d’un socle monolithique qui s’appuyait sur un dogme excluant toute déviation a été contesté et, en fin de compte, après maintes péripéties, bûchers et autres autodafés, marginalisé. 

Cette révolte permanente à la recherche d’un point de vue radicalement différent, d’une vision dynamitant la paresse du regard et la fatalité de la perpétuation d’un monde figé par les certitudes du dogme, a accouché du monde moderne. Libérant l’individu, pour faire simple, de l’administration politico – cléricale, il s’agissait à réussir de penser que, même si le point de fuite restait imparfait, il indiquait clairement que le dogme n’était pas infaillible et que d’autres regards et interprétations étaient possibles.

Un demi millénaire plus tard, la quête d’une perspective échappant aux clercs du nouveau dogme c’est-à-dire la contestation d’une voie se disant unique et couvrant l’entendement d’une chape de plomb, exige un point de fuite différent. Aux dogmatismes politico-économiques qui, s’appuyant sur des données mathématiques et des calculs binaires pour justifier leur vision totalitaire du monde et imposer leur point de vue érodée, les nouveaux contestataires pensent que la vérité réside dans les limites, et croient que l’aventure, encore balbutiante est possible par ce que, sans nouvelle approche, le monde se meurt de par ses certitudes. 

A l’époque comme aujourd’hui, l’exigence de points du vue multiples, se situant désormais dans les limes du regard ne sont possibles que par ce que le dogme a lamentablement échoué, s’est perverti et surtout ne propose qu’une reconduction d’une esthétique qui oublie l’essentiel : son objet. Les chiffres des clercs ayant abandonné les hommes, ces derniers ne voient pas pour quelle raison cette perspective acculée devrait les enchaîner perpétuellement. 

Une église se meurt quand les hommes n’y croient plus. Qui croit encore que ces nouveaux clercs Bruxellois, du FMI, de l’OCDE, leurs gouvernants ont une quelconque perspective autre que celle de se perpétuer ? Qui croit encore qu’ils sont infaillibles ? D’autant plus que, comme l’Eglise d’antan, ils ne savent plus qu’utiliser la peur, tiennent un discours mécanique et messianique loin de l’entendement, et, pour préserver leur point de vue, utilisent une palette infinie des violences, de chantages et des nouvelles indulgences ? 




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