Le procès d’ Yvan Colonna : donnez-leur donc un os !
Le procès d’Yvan Colonna a commencé depuis plusieurs jours. Si jamais un journaliste se sentait choqué par certains de mes propos, sachez que je n’étais pas d’humeur conciliante...
Je ne suis pas militant
nationaliste corse. D’ailleurs, je ne fais pas de politique. J’ai un
profond mépris pour les actes terroristes quels que soient leurs
justifications. Je ne reconnais pas à l’homme le droit de tuer son
prochain pour quelque motif que ce soit.
Et pourtant...
Si j’aime la Corse, j’aime aussi la France. Et si je sais la culture
corse forte et de valeur, je ne me sens pas concerné par des
revendications identitaires qui excluent d’autres cultures au profit
d’un enfermement.
Et pourtant...
Je comprends que l’assassinat d’un homme est chose grave et
injustifiable. Je comprends que l’assassinat d’un préfet doit être
implacablement puni afin de décourager toute velleïté de récidive.
Et pourtant...
Et pourtant si j’étais hier au Palais de justice de Paris, ce n’était pas pour exprimer mon indignation.
Yvan, les autres et moi sommes du même village. J’étais là pour
soutenir un ami que je crois innocent. Peu importe nos divergences, nos
opinions, nos choix.
J’étais là parce que même après toutes ces années passées loin de mon
village qui me voit une fois l’an, en coup de vent, je considère
qu’Yvan faisait partie des gens à qui je pouvais demander un service,
des gens sur qui je pouvais compter.
Et je ne suis pas du genre à penser cela de tout le monde.
Il y a des gens qui respectent la vie au-delà des différences, je pense qu’Yvan fait partie de ces gens-là.
Il y a des gens qui accordent à l’autre son droit à la différence, son
droit à ses propres opinions. J’ai vu Yvan faire partie de ces gens-là.
Et l’expérience m’a appris que ce ne sont pas eux les criminels.
Il y a des gens qui savent aider réellement et le font, et Yvan fait
partie de ces gens-là. Et encore une fois, l’expérience nous apprend
que les criminels n’aident pas, même lorsqu’ils font semblant.
Alors, je ne tenterai pas de faire croire
que je n’ai pas douté. D’abord, je n’étais pas sur place. Ensuite, je
n’ai pas accès au dossier. Difficile, voire impossible de se substituer
à la justice dans ces conditions.
Et des années d’éloignement peuvent vous faire douter. Les gens changent. On croit connaître...
Mais la vérité, c’est que la vie m’a appris à ne pas faire confiance
aux journalistes. Et la seule "vérité" qui arrive aux oreilles et aux
yeux de celui qui n’est pas là pour voir, c’est une réalité tronquée et
altérée par la presse.
Aujourd’hui, je m’octroyais une petite revue de presse sur la seconde
journée du procès. Mais cette fois, j’avais assisté en direct à
l’audience.
La presse...
Dans tel journal, Colonna est serein, dans l’autre, il manque de
sérénité ; ici, il est bravache, là, il est ironique. En fait de
présomption d’innocence, toute la presse dégoulinait de suspicion de
culpabilité. Voire d’affirmation (tacite ou exprimée) de culpabilité.
Le moindre geste d’Yvan le désignait comme le coupable. Parfois à
demi-mots, certes.
La vérité est différente. En tout cas celle que j’ai vue.
L’audience s’est bien déroulée. Un président courtois. Des témoins qui
ont parlé avec sincérité et émotion du prévenu. Un prévenu qui a
communiqué franchement, sans faux-fuyants, avec des réponses sensées,
et qui a terminé l’audience en remerciant ses amis de leurs témoignages
d’amitié, mais en insistant sur le fait que même s’il avait été le type
le plus détestable de la Terre, ce qui importait, c’était de déterminer
factuellement s’il était véritablement l’assassin. Ce qu’il a nié
depuis le début. Et ce dont personne n’a apporté la moindre preuve.
Et non seulement il n’y avait aucune ironie dans ses propos, mais en plus il avait raison.
J’ai lu qu’il avait "ironiquement" demandé à un avocat de la partie
civile qui le questionnait s’il "se rendait compte de l’absurdité de sa
question ?". Mais lorsqu’on vous demande ce que vous pensez "d’une
lettre anonyme qui vous accuse du meurtre" dans un procès dans lequel
se joue la réclusion à perpétuité, il y a de quoi s’interroger.
Moi, je suis venu parce que aussi loin que je serai, je n’ai pas décidé
d’oublier mon village et ceux qui y vivent. Je suis venu parce que j’ai
choisi depuis longtemps de croire ce que je vois, et de ne pas croire
les journalistes (Si jamais un journaliste honnête lisait ces propos, qu’il ne les prenne pas pour lui).
Lorsque je suis
venu, et qu’après huit ans, Yvan m’a salué de son box d’accusé, j’ai vu
le salut d’un homme innocent. Que je me trompe, que la justice en
décide autrement. Soit. Mais en attendant, qu’on me prouve le
contraire, et surtout qu’on ne viole pas le principe fondamental de la
présomption d’innocence.
Et je ne parle pas de la justice (quoique quatre ans pour instruire cette affaire me semble être, à tort peut-être, une preuve d’incompétence) qui lors
de l’audience m’a paru saine, mais de la presse, qui toujours croit que seul ce qui salit est source de profit.
Mon grand-père (aujourd’hui parti pour d’autres aventures) avait pleuré
le jour de la mort de M. Erignac. Il avait encore pleuré le jour
de l’arrestation d’Yvan Colonna. Leurs positions politiques étaient
totalement divergentes. Et pourtant, il m’avait confié qu’à chaque fois
qu’il parlait avec Yvan, il était heureux de pouvoir exprimer sa vision
de la sagesse à un homme qui savait écouter, respecter et accepter que
d’autres pensent différemment.
En Corse, il y a des nationalistes qui défendent un point de vue
identitaire qui plaît ou ne plaît pas. En Corse, il y a quelques
criminels. Les deux ne s’amalgament pas. L’amalgame, arme favorite de
la presse, ne connaît pas la raison.
La raison différencie.
Bien souvent, les nationalistes ne font que défendre et révéler une culture, une langue, une identité qui existe de fait.
Que certains soient des criminels ne doit pas nous faire oublier que
certains catholiques sont des criminels, que certains socialistes sont
des criminels, que certains athés sont des criminels, que certains
musulmans sont des criminels... Et surtout que la majorité des gens
n’en sont pas, quelles que soient leurs convictions politiques,
religieuses ou autres.
Et c’est ma conception de la présomption d’innocence.
Hier, je suis venu pour soutenir mon village, et j’en suis heureux. Je
n’ai pas d’a priori. Je n’ai pas peur de découvrir un criminel sur ma
route. Cela ne s’est pas produit.
Hier, par téléphone on m’informait que des jounalistes sillonnaient les
rues de mon village, en quête de "micro-trottoirs" à sensation.
Donnez-leur donc un os !
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