Le retour à la pratique de la démocratie est-il vraiment exclu ?
Le retour à la pratique de la démocratie est-il vraiment exclu ?
On connaît (ceux qui ont lu les textes à tout le moins) le système « européen » organisé selon les dispositions de divers traités : il retire aux peuples la possibilité de décider de leur avenir, au profit d’institutions d’un genre particulier. Ayant pour obligation de mettre en œuvre une idéologie « mondialiste » fondée (en résumé) sur la liberté donnée aux détenteurs de capitaux de faire ce qu’ils veulent. Et avec l’interdiction faite aux organes de l’Etat (théoriquement désignés par les citoyens pour agir en leur nom) d’intervenir, sauf pour faciliter l’affaire (1). On est loin du « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».
Dans l’ordre matériel, le problème est que cette politique « mondialiste / maastrichienne » a des retombées négatives de divers ordres, notamment sur certaines catégories de personnes (les citoyens modestes). Dans la mécanique, la sphère dirigeante n’a d’autre fonction réelle que de maintenir ces derniers dans l’obéissance ou la résignation. (2)
Cette mécanique est évidemment très éloignée de celle que sous tend la notion de démocratie telle qu’on s’y référait depuis Lincoln. La mécanique en question peut évidemment être « cassée » si le corpus de règles qui dictent aux gouvernants ce qu’ils doivent faire (« contre » une partie de la population) est remplacé par des règles différentes (3) . Que l’on connaît d’ailleurs pour les avoir pratiquées, quand (avant 1992 / F. Mitterrand)… c’était autorisé.
Surtout que l’’abrogation d’une règle, suivie de son remplacement par une autre, est une démarche banale et courante.
Mais il se trouve que les cerveaux ont été si bien formatés, que les candidats qui parlaient jadis de « sortir » du traité y ont renoncé, et que ceux qui le prônent encore ouvertement ne sont crédités par les instituts de sondages que de scores extrêmement faibles.
Mais en réalité, cette question (de la nature et du contenu des règles « maastrichiennes » et du mode de gouvernement qu’elles engendrent en fait) est posée de plus en plus largement. Non dans les médias principaux, mais dans de nombreux ouvrages d’auteurs sérieux, sur des médias « périphériques » et dans énormément d’articles et de commentaires publiés sur des sites et des blogs divers. Bref, le malaise résultant de la mise en oeuvre de ces règles « maastrichiennes » se répand (4), comme les thèmes de la « souveraineté » de l’Etat et de la souveraineté du peuple qui y sont indissolublement liés . Tandis que le lancement du concept de souveraineté « européenne », non seulement n’arrive pas à abuser les citoyens, mais encore, contribue à les « réveiller ».
Ceci, dans un contexte dans lequel les Français avaient déjà largement rejeté le système en 2005 (contre les exhortations du président de la République de l’époque, J. Chirac). Et alors que les Français se mettent à prendre conscience (avec déplaisir) que s’ils sont à nouveau soumis à la conception de la société qu’ils ont rejetée en 2005 comme il vient d’être dit, c’est que Nicolas Sarkozy a osé exploiter le système des partis, pour se moquer en quelque sorte du vote du peuple. Le tout, alors que la Grande Bretagne est « sortie » de l’Europe » sans que la distance entre Londres et Paris ait changé, sans que sa population ne se soit clochardisée, sans que son économie ne se soit effondrée. Et tout en continuant à tenir sa place dans le monde, et à entretenir des relations de tous ordres avec les autres Etats du continent européen.
S’échapper de cette mécanique « européenne » est techniquement possible de plusieurs manières.
Certes, on peut « naïvement » utiliser la procédure de l’article 50 du traité sur l’Union européenne. C’est une procédure qui, en dernière analyse, suppose l’accord entre celui qui veut en sortir et les autres qui ne le veulent pas (5). Donc, qui est faite pour empêcher que les Etats ne recouvrent leur liberté et les peuples ne récupèrent leurs droits.
Mais quand on veut sortir, il suffit de dire : « Ca suffit, je sors. Moi, Etat, je n’ai quand même pas à en demander l’autorisation aux gouvernants des autres Etats ! Ou à supporter jusqu’à la fin des temps, que des organismes sui generis me donnent des ordres !!! » (6).
Cette vérité du droit international, doublée du bon sens, a d’ailleurs été rappelé par le général de Gaulle (7), quand la question pouvait se poser pour la France de se dégager des mécanismes du marché commun (imaginés par des agents de la CIA comme on a fini par l’apprendre). (v. également la note 1).
Il y a évidemment une tactique « intermédiaire » à mettre en oeuvre. Plus subtile. Consistant à dire d’une part : « Je ne sors pas… ». Pour ne pas effrayer les « maastrichiens » qui ont le pouvoir, ni leurs appuis financiers et médiatiques, ni les braves gens qui répètent ce qu’on leur a mis dans la tête, et qui, du coup, ont peur du verbe sortir et de ce qu’on leur en a dit. Et à dire d’autre part : « … Mais je n’accepte pas tout et n’importe quoi ! Je prends ce qui m’intéresse. Je rejette ce qui m’embête ». Cet « en même temps » est absurde comme tout « en même temps » qui porte sur une chose et son contraire, mais il n’effraie pas… Les cerveaux fonctionnent ainsi.
Dans ce cas là, qu’est-ce que peuvent alors faire les idéologues de cette autre société (de remplacement pour le coup) qui sont à la tête des autres Etats et qui manoeuvrent dans les structures maastrichiennes ? Deux cas de figure :
- Ils laissent faire. Et alors on continue à trier et le texte du traité se trouve taillé en pièces … petit à petit (8) .
- Ils réagissent . Et ils menacent ; puis, si on leur montre que l’on a peur ils mettent en place des « sanctions », c’est à dire qu’ils font du « sabotage ». Mais, si on ne cède pas au chantage et si l’on envoie « balader » les institutions européennes et leurs règles (9) (7) on est libre de prendre des mesures de rétorsion en réponse au sabotage.
Dans cette logique, si des mouvements de capitaux essaient de provoquer des problèmes internes, les institutions de l’Etat, qui ne seraient justement plus obligés d’obéir à la « secte du laisser faire », pourraient y répliquer par des mesures diverses (10).
Il sera intéressant, durant la campagne électorale pour l’élection à la présidence de la République, d’étudier les discours. Pour voir si l’un ou l’autre des candidats évoque, sous une forme ou sur une autre (et sauf à mentir effrontément sur leurs intentions), le processus / la tactique de retrait progressif du système maastrichien.
A suivre...
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités.
(1) … permettant aux USA de disposer sur le continent européen, d’un vaste espace de débouchés pour leurs entreprises. Dispositif complété par un traité militaire (OTAN) , soumettant dans la même logique, les Etats européens (mis également sous tutelle de ce point de vue) à la stratégie militaire américaine, face aux Etats non contrôlés par les USA. On notera incidemment que de nombreuses personnes qui ont une influence dans le processus décisionnel sont des « young leaders » de la French-American Foundation . Dont les listes font apparaître qu’en sont membres : E. Macron ( 2012) ; E. Philippe (2011) ; V. Pécresse (2002) ; P. Moscovici ( 1996) ; A. Minc (1983 ou 1984) ; etc… NB. Ce qui ne veut pas dire que tous les Youngs leaders sont nécessairement sur des positions atlantistes et « mondialistes-maastrichiennes. » : ex. de N. Dupont-Aignan (2001)
(2) En utilisant toutes les ressources des techniques de relations publiques, et, quand cela ne suffit plus, en ayant recours à la force ( exemple des manifestations des gilets jaunes, sur lesquels les gouvernants ont fait tirer). « Caste » dirigeante qui, par ailleurs, (et si l’on s’appuie sur les cursus et la carrière de certains personnages de premier plan) n’a possiblement d’autre préoccupation que de profiter des institutions pour faire carrière et même pour s’enrichir, eux ou les leurs. V. l’exemple caricatural des élèves de certaines « grandes écoles », comme l’ENA, dont l’ambition affichée de certains est moins de servir les citoyens, que de « se » servir de l’Etat, pour mettre en branle des plans de carrière en son sein et à l’extérieur.
Par ailleurs, et sur le plan institutionnel, il faut faire en sorte que les contre-pouvoirs potentiels soient neutralisés.
En provoquant l’élection ( rôle de la manipulation des électeurs) d’une majorité parlementaire qui ne renversera jamais le gouvernement et qui votera tout et n’importe quoi, pourvu que ça lui soit demandé par le gouvernement. (Pas de contre pouvoir politique). Et en obtenant des juges ( par leur recrutement et par les opportunités offertes par le statut – leur permettant, entre autres, de devenir conseillers des décideurs - ) qu’ils ne paralysent pas les décisions. (Pas de contre pouvoir juridictionnel). (V. une illustration dans le processus des décisions (surprenantes) prises durant l’épidémie du virus covid 19). La « légitimité » conférée aux décideurs par le seul effet de leur recrutement par élection, permet de faire tourner la formule de Lincoln. Mais à vide.
(3) Le problème, c’est que la propagande qui est faite ( sur le caractère inéluctable de la mondialisation, sur les bienfaits de cette dernière, sur l’impossibilité de « sortir » de « l’Europe », Europe dont les règles seraient censesé organiser le bonheur sur la terre, et devraient être aveuglément suivies sous peine pour les citoyens d’avoir à endurer pire que les dix plaies de l’Egypte), a réussi à rendre les citoyens désorientés et effrayés. Désorientés à l’idée que leur pays pourrait « sortir » de l’Europe tout en restant géographiquement au même endroit. Effrayés à l’idée de ce qui pourrait leur arriver s’ils étaient autorisés à décider (à nouveau) ce qui leur convient, chez eux et entre eux, compte tenu des réalités de l’endroit et du moment.
(4) Et peut être, qui sait, comparé, avec les réserves et les précautions d’usage, au malaise qui a précédé certains changements politiques d’importance, qui ont marqué l’histoire.
(5) Pendant les négociations de l’article 50, les idéologues de la domestication des peuples ont tout loisir pour faire échouer le retrait. Par exemple en faisant en sorte que les peuples qui ont voulu sortir du système, manifestent dans une deuxième phase le souhait contraire d’y rester. C’est ce qui s’est passé avec la Grande Bretagne. Laquelle a finalement réalisé le « Brexit » et n’est pas devenue un pays déchiré criant famine, comme cela lui était promis.
(6) C’est ce que les Etats ont toujours fait dans leurs relations avec les autres. C’est ce qu’on fait dans l’ordre interne quand on change de constitution : on ne suit pas la procédure de « modification » inscrite dans le texte de l’ancienne constitution puisqu’on ne la modifie pas et qu’on en veut une autre !
(7) A. Peyrefitte, « C’était de Gaulle »
Charles de Gaulle : "Je suis couillonné, eh bien, voilà, je fous le camp ! " …
« Le Marché Commun, il n’y a en fait que deux ans qu’on a commencé à le réaliser. Or notre expansion industrielle remonte à bien avant deux ans. L’expansion industrielle allemande, italienne, de même. Ceux qui racontent des histoires sur les bienfaits incomparables de l’intégration européenne sont des jean-foutre.
Alain Peyrefitte- - Le traité de Rome n’a rien prévu pour qu’un de ses membres le quitte.
Général de Gaulle. - C’est de la rigolade ! Vous avez déjà vu un grand pays s’engager à rester couillonné, sous prétexte qu’un traité n’a rien prévu pour le cas où il serait couillonné ? Non. Quand on est couillonné, on dit : "Je suis couillonné. Eh bien, voilà, je fous le camp ! " Ce sont des histoires de juristes et de diplomates, tout ça.
(8) On connaît l’histoire racontée à propos du vol de la liberté (qu’on pourrait d’ailleurs transposer pour présenter la succession de mesures prises per les gouvernants pendant l’épidémie de covid) : « si l’on te prend une tranche de ton saucisson ( = de ta liberté), évidemment, tu ne dis rien, … rien non plus pour la deuxième, etc. Et quand il ne te reste que la ficelle … tu n’es plus libre ». La technique de la découpe progressive du saucisson appliquée aux règles de la mondialisation maastrichienne, peut conduire (dans le sens de la reconquête de la liberté) à priver progressivement les traités de leur effets nuisibles.
(9) Et, comme un Etat ne bouge pas géographiquement, les relations avec les voisins et avec les autres pays du monde, se font nécessairement et naturellement sur la base habituelle d’accords bilatéraux ou multilatéraux.
S’agissant de la France, ce que ce pays ne pourrait plus trouver ( hypothèse théorique) auprès d’Etats subordonnés aux USA, elle pourrait le trouver auprès de pays qui ne demanderaient pas mieux que de développer avec elle des relations exemptes de menaces militaires.
(10) Si ils sont bien pensés ou s’ils sont simplement copiés sur les pratiques américaines, certains dispositifs peuvent affecter personnellement les organisateurs ( qui s’en sortent généralement indemnes en l’absence de mesures appropriées) de ce genre de manigances.