Le sniping va-t-il représenter une menace nouvelle ?
Dallas le 7 juillet 2016, huit-cents personnes défilent pour dénoncer les violences policières à l'encontre de deux afro-américains abattus dans les jours précédents par des policiers blancs dans des circonstances non encore élucidées. Soudain des tirs provenant d'un sniper se déplaçant (shoot & moove) retentissent faisant cinq morts et sept blessés, en majorité des policiers blancs encadrant le cortège. La Police pense alors être confrontée à plusieurs tireurs : « Nous pensons que ces suspects se sont positionnés de manière précise afin de cibler au mieux les policiers. ». Dans la nuit, les policiers échangent des tirs avec un homme retranché dans le garage d'une école qui affirme aux négociateurs : « qu'il comptait blesser davantage d'agents » avant d'être tué dans l'explosion d'une « grenade » déposée par un robot téléguidé par les policiers !
Les sharpshooters (tireurs de précision) apparaissent lors de la guerre d’indépendance américaine (1775 - 1781) et le terme sniper commence à se répandre lors de la Première Guerre mondiale. L’armée anglaise sera la première à organiser la première formation au sniping. L’origine du mot remonte au siècle dernier avec la présence britannique aux Indes. Le snip était un passe-temps qui consistait à abattre de petits oiseaux, et pour y exceller il fallait à la fois être un bon tireur et un bon chasseur. Le tireur d'élite à grande distance de l’armée française correspond à l'appellation américaine de marskman, et celle de sniper à celle de tireur d'élite spécialisé.
Quand on perçoit un coup de feu, il est trop tard pour y réagir. La vitesse d'un projectile (800 m/s) est près de trois plus rapide que la célérité du son (330 m/s). Le recours au sniping est particulièrement indiqué lorsque l’assassin : n’est pas prêt à sacrifier sa propre vie - qu’il ne peut approcher sa cible - qu'il envisage de quitter le poste de tir sans être inquiété - rendre les investigations plus difficiles. Des conflits un peu partout dans le monde permettent à des hommes de se peaufiner à cette technique de tir... La menace est prise désormais en considération par certaines villes américaines. Un réseau de microphones repartis dans les quartiers de la ville, capables de différencier le bruit d’un tir parmi les bruits ambiants, affiche l’emplacement du tireur sur un écran embarqué à bord des véhicules de police.
L’environnement urbain présente une très grande variété et une multitude d’endroits où un tireur peut se dissimuler : il peut profiter de la foule pour s’introduire et ensuite abandonner son emplacement de tir sans être remarqué - les obstacles artificiels ou les avenues larges et découvertes lui offrent de nombreux postes de tir - par contre les vents y sont imprévisibles. S'il en a la possibilité, le tireur place entre lui et sa cible un obstacle qui facilitera sa fuite tout en s’opposant aux forces d’en face (fleuve, échangeur auto-routier, etc.), et si possible sa dissimulation (visuelle et sonore). Si un point haut permet de s’affranchir des obstacles placés sur la ligne de tir, les immeubles hauts et plus ou moins proches les uns des autres réduisent parfois le secteur de tir obligeant le tireur à délivrer un tir oblique dans le plan horizontal (point d’angle) ou vertical (point haut) pour allonger son tir. L'élévation peut parfois permettre d’atteindre la cible selon un angle très plongeant. Le policier ne doit pas commettre l’erreur de se croire à l’abri derrière un muret ! Il en va de même pour un tir d’écharpe (horizontal). Afin de pouvoir bénéficier de l'éclairage maximum de sa cible, ne pas être ébloui, et éviter le reflet de la lunette, le tireur va se placer de façon à ne pas se silhouetter entre la source lumineuse (naturelle ou artificielle) et un éventuel observateur. Il préférera une zone d’ombre dans laquelle il pourra rester tapi. Le tireur peut monter sur son arme, un récupérateur d'étuis, une lunette de tir à intensification de lumière, un modérateur de son (silencieux) et un cache-flamme. Si le sniper opère en milieu rural, le choix de l’emplacement sera diffèrent (perché dans un arbre, sur un point haut, recouvert d’un vêtement de camouflage et allongé sur le sol, dissimulé dans ou derrière la végétation, dans une cache aménagée) mais il devra toujours répondre aux mêmes impératifs.
N'importe quelle carabine (canon rayé) ne saurait convenir. Une arme est précise lorsque : « le centre de la zone de dispersion (groupement) coïncide avec le point de mire et que cette zone se trouve concentrée en une surface minimale ». Pour définir la précision d’un canon et les différentes corrections à apporter lors du tir, on parle en minute d'angle. Une minute d’angle est égale à 21600/ 628 mètres soit 3 centimètres à 100 mètres. Pour assurer un groupement d’une MDA il faut déjà être un tireur très expérimenté, puisque cela signifie faire un groupement de 5 balles dans moins de 3 centimètres à 100 mètres de distance ou 6 cm à 200 m, 9 cm à 300 m, etc.
La balle est un projectile conçu pour être propulsé dans une direction donnée par l'intermédiaire d’un canon. Le but des rayures (ou rainures selon les auteurs) est d’imprimer à la balle un mouvement gyroscopique (rotation) dans le canon dans lequel la balle effectue une rotation complète sur son axe. Ce principe de la « toupie » appliqué au projectile en améliore sa stabilité. Le pas du canon correspond à la distance séparant deux points entre lesquels le projectile accomplit un tour complet. Un projectile se déplaçant à 800 m/s dans un canon présentant un pas de 30 cm accomplit 2666 t/m.
Cette balle va obéir aux lois de la balistique externe. Tout projectile lancé dans l’air est soumis à des forces parmi lesquelles nous mentionnerons plus particulièrement leurs interactions : la pesanteur - la résistance à l'air - l'angle de départ - l'effet gyroscopique - l'aérologie - la température. Nous savons que la courbe décrite par la balle varie selon l’angle de niveau. Lorsque l’on effectue un tir oblique, l’angle de site introduit la nécessité d’une correction sinon le projectile manquera la cible. Pour une cible située à 300 mètres sous un angle de 45 °, le tireur manquera la cible d’environ 20 cm trop haut ! L’explication réside dans le fait que la gravité ne varie pratiquement pas alors que l’angle d'élévation ou de niveau lui est modifié. Lorsque le tireur ou le projectile s'élève en altitude, la pression atmosphérique diminue, ce qui entraîne une résistance moindre de la couche d'air traversée par le projectile. La portée s'en trouve accrue. Au moment du tir, les conditions externes sont différentes des conditions de référence des munitions utilisées : écart de vitesse initiale - longueur canon - son usure - le type de culasse. Caractéristique de la poudre et de la munition : vivacité - température - chargement - sertissage. Autant de perturbations qui vont influer sur la précision, d’où l’importance pour tout tireur de tester chaque nouveau lot de munitions.
Le sniping est certes une technique, mais aussi un « art ». La température et le degré hygrométrique de l’air jouent un rôle non négligeable. Une augmentation de température entraîne une augmentation de la pression dégagée par la poudre, d'où une vitesse plus élevée, remarque tout aussi valable pour un canon chaud. Un écart de 20° centigrades entraîne à une distance de 400 mètres un écart de 12 cm ! Le vent, selon sa direction et sa force déporte la trajectoire du projectile. Pour comprendre l'influence du vent sur le déplacement du projectile, il suffit de décomposer la direction du vent selon le principe du parallélogramme des forces. En guise d'exemple, un vent latéral fort de 15 kilomètres à l’heure est capable à 300 mètres d'entraîner un écart de 10 centimètres (bien entendu la vitesse du projectile est à prendre en compte).
Tout le monde sait qu’il est plus facile d’atteindre une cible fixe qu’une cible mobile. Prenons un véhicule qui se déplace à 60 km/h, il parcourt donc 16 m 66 par seconde. Un tireur placé à 400 m et utilisant une munition se déplaçant à 800 ms verra celle-ci affectée d’une durée de trajet de I/2 Seconde avant d'atteindre la cible. Pendant ce laps de temps, le véhicule aura parcouru une distance de 8 mètres ! On comprend immédiatement l'intérêt pour le tireur à venir se placer face à sa cible (vitesse angulaire nulle) ou tirer avantage d’un endroit où le véhicule devra ralentir. Sinon pour être « certain » d'atteindre la cible, il lui faudrait utiliser une arme full automatique. Pour un piéton, les valeurs sont moindres mais suffisantes pour entraîner un manqué. Pour une personne se déplaçant transversalement à 5 kilomètres par l’heure, l’écart entre le point atteint et le point visé est de 18 centimètres à 100 mètres.
Le calibre .50 (12,7) créé lors de la première guerre mondiale pour détruire les tanks, a permis au Marine Carlos Hathcock d'abattre un Viêt-cong à 2200 mètres ! A 2000 mètres, ce calibre est encore plus puissant que le 44 magnum de l’inspecteur Harris à bout portant ! Ce calibre a été utilisé lors de l'opération « Juste cause » pour détruire des missiles SCUD Irakiens. On parle de Heavy sniping. Cette munition qui perce 2 centimètres de blindage ou 5 cm de béton armé à 200 mètres se déplace à 800 mètres secondes, et a un coefficient aérodynamique identique à celui d'un avion de chasse. Lorsque l’on sait qu’une erreur d'appréciation de distance de 10 % entraîne un « miss » de 125 mètres à une distance d’un kilomètre (cela dépend du type de munitions), on apprécie la performance de Hathcock. Ce tireur était capable de réussir un groupement de 5 cartouches dans un cercle de 10 centimètres placé à 1000 mètres.
Il faut garder en mémoire que les erreurs ne s’annulent pas. Elles se cumulent ! Afin de faciliter les corrections à accomplir, un fabricant américain a eu l’idée de placer un calculateur balistique dans une montre (300 dollars) étanche jusqu’à 100 mètres de profondeur. Le tireur entre les valeurs : vitesse du projectile, le coefficient balistique, la parallaxe lunette / canon, le « zérotage » de la lunette, les caractéristiques de celle-ci, la température, l’élévation, la direction du vent, sa vitesse, l’angle d’inclinaison, la distance, et le calculateur indique : en MDA - en clics - en minutes d’angle - et en millièmes les corrections nécessaires pour déterminer le point d’impact jusqu’à 1000 mètres !
Le Texas semble être devenu l'épicentre du sniping risk aux États-Unis. Le 22 novembre 1963, le président JFK était atteint par un projectile de calibre 6,5 mm et le gouverneur John Connally par un deuxième projectile. Le 1er août 1966, Whitman perché sur la tour de l'Université d'Austin faisait 16 morts et 32 blessés avant d'être abattu. Chris Kyle, un ancien sniper de l'USMC qui affichait 255 ennemis tués en Irak (160 confirmés), a été abattu lors d'un gala de charité organisé au bénéfice des vétérans atteints de syndrome post-traumatique par Eddie Ray Routh, un autre vétéran. Kyle, surnommé « al-shaitan Ramadi » (le diable de Ramadi) était devenu une légende depuis qu'il avait abattu un Irakien situé à 1 800 mètres s'apprêtant à tirer une roquette sur un convoi de marines.
Le tireur a déclaré au négociateur avoir agi seul en soutien du mouvement Black Lives Matter (Les vies noires comptent) mais les enquêteurs se posent la question de l'influence du site de l’African American Defense League (La ligue de défense africaine américaine) dont le leader Mauricelm-Lei Millere avait appelé à des représailles : « Vous et moi savons ce que nous devons faire et je ne veux pas dire manifester, faire beaucoup de bruit, ou se rendre à des conventions. Nous devons rassembler les troupes. Il est temps de se rendre en Louisiane et d’allumer un barbecue. Le clou de la soirée sera de répandre le sang des cochons (policiers) ! » Le tireur, Micah Johnson, réserviste de l'armée de terre qui avait servi en Afghanistan semblait vivre dans la nostalgie des années soixante des « black panthers », s'affichant sur les réseaux sociaux en boubou africain coloré, le poing levé devant le drapeau panafricain (rouge, noir et vert).
Le risque ne saurait être minimiser ni encore moins occulté, et pourtant le contre-sniping reste très peu répandu dans l'instruction des policiers... Le récent rapport sur l'analyse des derniers attentats n'évoque à aucun moment ce risque à l'avenir mortellement prometteur... Si le sniping permet d'abattre un individu précis (officier, radio, etc.), imaginez ce qu'il pourrait advenir si un tireur disposant d'une arme automatique prenait pour cible un train de banlieue bondé sous un tir d'écharpe en un endroit obligeant le conducteur à ralentir !