mercredi 25 septembre 2013 - par Zang

Le style et son double

Le style ne s’attrape pas, ne se transmet pas. En avoir c’est être, et être c’est en avoir.

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Karl Lagerfeld

Le style c’est d’abord et avant tout une sensibilité, un monde, un univers puis un angle qui s’expriment – librement, parfois brutalement, en tout cas vers son entier, et avec exigence. Le style c’est le fond qui prend forme, c’est l’esprit qui prend corps, c’est le vide qui devient plein, c’est la différence qui se fait identité, c’est une bouche d’ombre qui s’ouvre et mise sa langue, c’est le trou qui libère sa queue, c’est cet inconnu qui sort de l’ombre, et l’étranger qui arrive au monde. Le style c’est le baiser du trou à la queue. Soi. Le mouvement.

Il n’y a pas de bon ou de mauvais style. Il y a le style, ou pas. Plus ou moins développé, plus ou moins élaboré, et jusqu’à un absolu insupportable ou à son extrême point de rupture, au-delà duquel il chute, s’ouvre, se répand et perd sa substance. Fort et fragile, d’une branche morte à l’autre, faille, toujours contre, avec, souvent compressé, parfois limite, au-dessus de l’abîme, en équilibre instable, écartelé, jusqu’à l’aberration, le style porte une tension, un danger permanent, pour soi et les autres. Le style… on s’arrête toujours devant ; on renifle, on soupçonne, et mille maux ; on sent une présence, un noyau, un pic, un tumulte, un gouffre ; on ne comprend pas, on subodore diable ! Les dieux sont passés par là. C’est parfois agaçant, parfois irritant. On aime ou on n’aime pas – accessoirement, violemment. Mais ça attire. Alors on passe, on évite, on s’éloigne, on court, on fuit ; on repousse ou on attaque, et on attaque. Ou alors on s’attarde ; on tourne, on se rapproche, on rentre, on se laisse happer. On a plongé. A ses risques. Mais on le savait. D’avance on avait imaginé, deviné, cette corne, ce coup de reins, cette folie, ce vertige – qui vous emporte, vous gagne ou vous perd… pour peu qu’il s’intéresse à vous. Capital.

Le style, c’est la nuit qui visite le jour ; c’est le cavalier poussiéreux qui descend de sa monture ; c’est l’astre solitaire inexorablement sur orbite. Fermé, c’est fermé. Il y a ainsi quelque chose de fermé dans le style, de circulaire. Sur orbite – on l’a dit. D’obstiné, d’aveugle… ce bœuf qui inlassablement tourne et creuse son sillon et retourne ; cette plume de diamant qui fulgure dans le ciel. Le même entêtement, la même fixation, la même précision, la même dureté. Sourd… insensible… profondément égoïste… ainsi vu du commun. Mais le style n’est pas d’ici, il est hors sujet, au-delà des jugements, de la raison et de la morale commune. Il n’a pour seul maître et censeur que lui-même, ne répond que de lui-même, à son monde, ne rend compte qu’à lui-même ; ne se plie qu’à ses règles, sa dictée ; et échappe au groupe, à toute association. Oui… le style est libre. Sans concession. Et forcément subversif. Car, comme tout mouvement, il pousse et déplace et transforme. Et porte un serpent en son désir. Et s’il peut être conjugué à tous les temps, il demeure invariable, pareil à un fleuve qui ne peut remonter son cours. A jamais étranger, et à toute influence, il s’en nourrit cependant, et pleinement, comme il utilise et se repaît de tout ce qui a gravité et se risque dans son champ. Il n’a pas de sentiments, il n’en fait pas – du moins de la sorte. Le style est absolu, il est lui-même, celui qui est. Alors il s’étend vaste, torturé en son dedans et par ses multitudes ; et se tient droit, comme une colonne, géant, barre fixe, tout là-haut, aristocrate et thaumaturge de ses nuits et de ses fêtes, éthéromane et clochard céleste le jour ; ici-bas… albatros aux ailes dépouillées. Triste. Et s’il se signale par sa singularité, et qu’il paraît bien seul, sans famille au-dehors, jamais il ne se sent seul. Car c’est un univers, un monde foisonnant d’images, de formes, de lignes, de couleurs, de langages, de fantômes, de sang, de meurtres, d’incestes, d’amours, de haines, de soupirs, de féerie, avec des monts, des vallées, des lances, des cours d’eau, de la rocaille, des étoiles, et mille autres inventions comme ressources.

Alors on dit : le style, le style, le style… comme de l’eucharistie. Mais le style c’est cet homme ou cette femme dans la rue, sur qui on se retourne, troublé, en se disant : « Cette personne a quelque chose, mais quoi ? ».

 

Marcel Zang  

 



2 réactions


  • appoline appoline 26 septembre 2013 12:33

    Mon Dieu, Lagarfeld, grand malade des années dites modernes. Déchet de la société qui a su se laisser porter par la vague. Il se regarde tant le nombril qu’il risque de faire péter toutes les cicatrices qui ne lui donnent même pas l’apparence humaine. Son génie, vous allez me dire, et bien non, combien de stylistes ont bien plus de talent que cet effarouché, qui vomit ses congénères enfin non pas tous ; il idolâtre la dinde et la poule.

    Je pense que cela doit porter un nom en psychiatrie, ça

  • Pillippe Stephan Uraniumk 26 septembre 2013 12:39

    Arffff.... !!!
    bonjour l’avalanche de phrases,c’est à ça que sert l’écriture et la pensée MDR
    moi j’ai une grosse bite c’est mieux


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