samedi 13 mai 2017 - par Jules Elysard

Le viol des foules (suite et pas fin)

Je n’ai jamais voté Chirac.

Beaucoup de gens avaient voté Chirac en 2002. Quinze ans plus tard, les choses en sont allées autrement.

Certes Macron a été élu, mais il n’a pas été choisi.

La plupart des médias ont proféré des injonctions à faire barrage à la peste brune et cloué au pilori les mauvais Français qui n’appelaient pas explicitement à voter pour le petit génie. Parmi eux, évidemment, Mélenchon, présenté comme un irresponsable, à qui on rappellait ses propres propositions en 2002.

http://www.ina.fr/video/I17114790/jean-luc-melenchon-appel-a-voter-contre-jean-marie-le-pen-video.html

La bonne conscience démocratique voulait-elle lui faire porter le chapeau d’une éventuelle arrivée au pouvoir du Front National ? Plus vraisemblablement elle était l’expression d’une volonté politique : celle d’une oligarchie financière qui possède la plupart des médias. Les courageux éditorialistes qui prenaient la plume ou la parole exprimaient simplement la fausse conscience de leur époque. Parfois même ils le faisaient ingénument, avouant qu’ils ne doutaient pas que leur Macron fût élu, mais qu’ils craignaient seulement qu’il fût mal élu et, donc, qu’il soit dépourvu de la légitimité pour appliquer le programme pour lequel il avait été choisi par ses employeurs.

Sommé de se prononcer, Mélenchon répondit qu’il fallait faire barrage au Front National, mais demanda au candidat « En Marche » de faire un geste en direction des Insoumis, en renonçant par exemple à signer dès juillet des ordonnances pour aggraver la loi « travail ». Il lui fut reproché aussitôt de ne point arriver à prononcer ce petit nom : Macron. Et le dit Macron lui répondit que, s’il voulait bien recevoir les faveurs des Insoumis, il n’était pas question qu’il modifiât le programme pour lequel, disait-il sans rire, « les Français l’avaient choisi ».

Il semblait oublier, le cuistre, que c’était déjà un vote utile qui l’avait porté en tête au premier tour.

Quant à la meute médiatique, elle aura exhorté les foules pour leur extorquer leur vote, contribuant à rebaptiser son champion du joli nom de VOLDEVOTE : celui-dont-on-doit-prononcer-le-nom.

Ici, je ne résiste pas faire un peu d’uchronie ou, pour parler un langage contemporain, d’imaginer des « faits alternatifs ». Les quatre candidats étaient si proches que cinq autres combinaisons étaient possibles. Je n’en retiens que deux :

Macron-Mélenchon : la campagne de 1er tour aurait repris de plus belle. Le tandem Gattaz-Hollande, suivi par les courageux éditorialistes, avaient déjà souligné les « dangereuses ressemblances » entre les programmes de la France Insoumise et du Front National. On aurait alors certainement appelé à faire barrage au « communisme ». Dans une belle unanimité, Valeurs Actuelles et Libération, François Hollande et François Fillon, Radio France et France Télévision aurait appelé à un Front... « Républicain », peut-être ?

Le Pen-Mélenchon : c’eût été, comme le disait le vaillant Juppé le 19 avril, choisir entre « la peste ou le choléra ». Dès lors on eût pu, sans se faire insulter, envisager de voter blanc, voire même de s’abstenir.

 

Le petit Macron pourra désormais rencontrer d’égal à égal, pensera-t-il, les présidents Erdogan, Poutine et Trump. Les gazettes disent que c’est une tendance lourde des « démocraties » de confier leurs destinées à ce type d’« homme providentiel incarnant la nation en marche ».

Ce qui donne toute son actualité au programme de Mélenchon de mettre un terme, en France et à contre-courant, à la « monarchie républicaine »

Les esprits n’étaient peut-être pas prêts, cette fois, pour une telle évolution. Reste l’urgence pour la France Insoumise de construire une alternative pour les législatives.

L’avenir en commun commencera avec le « troisième tour social », puisque c’est sur ce terrain que l’héritier de la sarkhollandie prétendra ouvrir les hostilités.

L’abstention aura été une des prémices de ce « troisième tour social ». Les chiens de garde se féliciteront de l’avoir contenue sous les 30 % par les injonctions dont ils ont inondé les foules. Ils se lanceront dans des commentaires visant à stigmatiser une fois de plus la France Insoumise, puisque dans « neuf-trois », par exemple, cette abstention flirte avec les 40%. Soit : le numéro de ce département rappelle toujours un peu la Terreur. Mais il faut noter que le vote « des quartiers » a aussi manqué au nouveau Président.

On l’aura compris aisément : je n’ai voté Macron non plus.



2 réactions


  • legrind legrind 14 mai 2017 12:19

    Les pleurnichages anti Macron président deviennent pénibles, il est le nouveau Président français point barre - et je ne suis pas du tout de son camp- il va falloir s’y faire ( à cheval).


  • Jules Elysard Jules Elysard 14 mai 2017 14:41

    PRECISION CHRONOLOGIQUE

    Cette analyse a été écrite avant le second tour et a été mise en ligne dans la la nuit du 7 au 8 mai.
    Elle a été publiée sur MEDIAPART un peu après minuit.

    Sur AGORAVOX, sa publication a été validée le samedi suivant, le 13 mai.


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