mardi 25 mars 2008 - par Aimé FAY

Leonetti : encore une loi inachevée !

La loi Leonetti du 22 avril 2005, censée régler l’accompagnement de la fin de vie après l’affaire Imbert, est encore une loi semble-t-il inachevée, immature, non finie. Et maintenant, c’est l’affaire Sébire !

Que se passe-t-il donc chez nous pour que l’on assiste souvent à ce type d’imperfection ? Fonctionne-t-on dans trop d’urgence ? Dans la précipitation ? Dans l’émotionnel ? Peut-être aussi, et cela est bien français, dans la prétention de tout savoir mieux que les autres et, surtout, plus rapidement ? Combien faudra-t-il de lois Leonetti pour régler le problème de l’accompagnement de la fin de vie dans la dignité et la non-souffrance de la personne et aussi de sa famille ?

Alors, pour s’affranchir du fait qu’il doit encore revoir sa copie, le législateur rétorque, dans l’émotion et l’agacement, que sa loi n’est pas censée apporter une réponse aux cas particuliers. Qu’elle est générale. Cela appelle, de notre part, au moins deux remarques :

1°- la loi est semble-t-elle censée répondre au(x) besoin(x) pour le(s)quel(s) elle a été instruite. On peut espérer, compte tenu du coût d’une loi, que celle dite Leonetti n’a pas été faite pour régler strictement et uniquement le cas de M. Imbert. On peut espérer que le législateur a aussi voulu englober dans ses réflexions un périmètre plus large, une cible idéale, où sa loi pourrait voir s’appliquer son champ d’action. Apparemment cela n’a pas encore été le cas. Pourquoi ? Certaines réponses figurent dans notre introduction.

2°- pourquoi dans d’autres pays, de plus en plus nombreux depuis plusieurs années, la loi sur l’accompagnement de la fin de vie dans la dignité et la non-souffrance, règle tous les cas, même les plus particuliers et ne pose aucun problème ? Pourquoi les autres savent faire et, nous, nous ne savons pas ? Cette question pose un vrai problème sur la manière que nous avons d’élaborer nos lois ! Serions-nous trop prétentieusement dogmatiques ? Si aucun pays n’a voulu copier notre loi sur les 35 heures, aucun ne veut non plus s’inspirer de la loi Leonetti. Par ailleurs, aucun citoyen étranger, même riche, ne se "délocalise" chez nous pour sa fin de vie, même pour bénéficier de nos si fameux, aux dires de certains politiques, soins palliatifs. La délocalisation semble se vérifier là aussi. Mais dans le mauvais sens, comme souvent !

Depuis deux ou trois décennies, notre législateur serait-il devenu moins intelligent que le législateur d’autres pays ? N’aurions-nous pas encore viré nos préjugés judéo-chrétiens sur le cas d’espèce de la souffrance, de la dignité et du respect dus à la fin de vie dans notre société ? Cela semble ne pas faire de doute ! Mais de toute façon, de nombreuses lois dans notre pays, montrent ou ont montré leur immaturité et leur non finitude. Qu’elles soient de gauche, comme de droite. Donc le problème n’est malheureusement pas spécifique à la loi Leonetti. Tout se passe chez nous, comme si l’on voulait ne pas régler le problème sur le fond, une fois pour toute. Comme si on voulait qu’il apporte du récurrent, c’est-à-dire du grain à moudre durant plusieurs années ? Comme dans certains business où, si l’on règle le problème tout de suite, on perd du récurrent, c’est-à-dire le client ou le patient, car on a été trop bon, trop professionnel.

Alors, effectivement, entre toutes les lois qu’il faut revoir de fond en comble, les diverses commissions qui ne débouchent sur rien et quelques nouvelles lois, toutes ficelées, liées à l’efficacité de la politique économique à mettre en œuvre, le législateur français semble vraiment débordé, surbooké et bien mériter le confort que lui offre sa position de privilégié.

Mais, revenons à nos moutons ! Autre affaire, dans l’affaire, pourquoi la loi Leonetti n’est-elle pas toujours connue dans les milieux hospitaliers ? Surprenant pour une loi qui s’adresse spécifiquement ce milieu ? Pourquoi laisse-t-elle supposer que le corps médical doit laisser le patient mourir de faim et de soif ? Pourquoi laisse-t-elle croire que le médecin, informé ou pas, peut aller contre la volonté de son patient ? Pourquoi, le législateur dit-il qu’il est différent de provoquer la mort en enlevant une aiguille plutôt quand la mettant ? Pourquoi dire qu’il est défendu d’interrompre la vie quand elle est proche de sa fin et, de permettre de la supprimer au bout de quelques semaines par l’IVG ? Pourquoi s’arc-bouter sur le fait que les soins palliatifs sont la panacée et ignorer les différences énormes qui existent entre certaines localités et régions sur leur mise en œuvre ?

Et pourquoi ne pas avouer que, compte tenu des progrès technologiques, nous allons avoir la possibilité de repousser les limites de la mort de plus en plus loin ? Pourquoi ne pas avouer que les soins palliatifs risquent de prolonger quasiment indéfiniment la vie, sans aucune souffrance, s’ils sont servis par un corps médical de plus en plus attaché à la technique ? Pourquoi ne pas dire qu’il y a aussi un véritablement business sur cela et un lobbying non moins intense et de plus en plus institutionnel ? Pourquoi, in fine, ne pas évaluer le modèle économique d’une telle approche, celle qui consiste à prolonger la vie de manière surprenante grâce aux fantastiques progrès des sciences technologiques ? La vie n’a pas de prix, bien sûr. Mais faut-il, indéfiniment, continuer à dire cela ? Y a-t-il quand même une limite et qu’elle est-elle ? Qui doit la dire, quand, comment, pourquoi... ?

Profitons de cette nouvelle affaire, pour interpeller le législateur sur l’une des finalités de son job. Ce job a aussi pour finalité de poser, pour le compte de la société, des questions de fond et d’y réfléchir... sans tabous. Tabous qui, on le sait, sont des verrous éphémères.

Alors pourquoi attendre demain pour faire ce qui est faisable aujourd’hui et qui, de toute façon, semble inéluctable. Comme d’autres pays, soyons pragmatiques et non dogmatiques. Alors, allons à l’essentiel, Mesdames et Messieurs les législateurs !



1 réactions


  • Loïc Decrauze Loïc Decrauze 25 mars 2008 21:11

    Juste pour vous signaler l’erreur d’orthographe dans le titre même de votre article, et qui plus est sur le nom de la loi...

    Cela ne change évidemment pas la complexité du sujet.


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