vendredi 13 décembre 2013 - par Dan

Les conflits existants à l’heure de la mort de Mandela

JPEGEn regardant l'état du monde en 2013 je me dis que décidemment rien ne change, de la richesse galopante pour certains, à la misère pour d'autres ; cette dernière se répandant pour l'immense majorité. Sans ouvrir la question de fond de l'économie néo-libérale qui explose les inégalités, sur tous les continents. Sans avoir à revenir sur les dogmes idéologiques du temps de la guerre froide.

Des élites mondialisées se sont installées et répandues dans un système de prédation comme religion irréversible du "progrès" économique et sociétal, assis sur un libre échange mercantile et cupide, contenu dans le mythe d'une "gouvernance globale".

Qu'arrive t-il à ce monde à nos portes ?

En Ukraine :

C'est un soulèvement réitéré, massif, qui s'exprime en ce moment à Kiev pour renverser la politique traditionnelle pro-russe et rejoindre le camp de l'U.E. ainsi que les bonus supposés en cas de future adhésion. S'ajoute l'ombre politique de madame Tymochenko, ex-première ministre destituée, emprisonnée depuis trois ans déjà, pour corruption. La future adhésion n'existe pas proprement dit dans le contexte actuel. Mais la pression populaire ukrainienne entretien cette présentation.

On comptera sur l'aide de la propagande de Bruxelles qui sait si bien vendre la "prospérité" (et...le chômage). En se rappelant le sort de la Grèce, Chypre, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, qui sont disqualifiés au yeux du FMI et de Mme Merkel laquelle pilote le "machin" en adéquation avec les Banques dominées par Wall Street et la City. Par le biais de la "concurrence" des ouvriers-esclaves du sud est asiatique avec les pays européens en crise d'austérité et chômeurs en devenir.

S'agissant du continent africain et du proche orient c'est plus complexe. Les questions de frontières, d'espace, de religions et d'ethnies (donc d'identités) viennent se confondre. Et se surajoutent.

Au Centrafrique :

C'est une guerre civile, religieuse et ethnique en désespoir d'une gouvernance disqualifiée et corrompue depuis des décennies. Un "petit Rwanda" en préparation est à craindre. Rien que ça. Il faut convenir qu'aucun grand pays autre que la France ne s'est porté candidat pour donner un coup de main à ramener l'ordre. Les américains ne sont pas réputés pour intervenir au plan terrestre préférant le déblayage par l'aviation ou les drones pour s'éviter les pertes.

Or le contexte du Centrafrique est une guerre civile à caractère village/urbain, quartier par quartier. Une action militarisée risquée et millimétrée pour désarmer des populations entre elles avec 1600 hommes pour couvrir un territoire grand comme une fois et quart la France. Même l'armée panafricaine ne se bouscule pas.

Dans ce cas de figure cela ressemble effectivement à une intervention humanitaire. La France "des droits de l'homme" ex-puissance coloniale s'y est collée et va probablement s'enliser dans cette partie de cartes à l'aveugle ; où les intéressés eux mêmes ne se reconnaissent pas en coexistence minimale de voisinage (on peut toujours dire que les français sont xénophobes ou intolérants avec les étrangers...).

Au Mali :

Il y a presque un an déjà que la France allait lever un mandat auprès de l'ONU pour restaurer, par l'opération "Serval", le pouvoir central de Bamako, siégeant au sud Mali. C'était une riposte par l'ancienne puissance coloniale pour stopper l'avancée islamiste djihadiste d'Alqaïda au Magrheb. Toute la partie nord était envahie avec l'appui des troupes factieuses maliennes du MNLA, d'Ansar Dine et du MUJUAO. Les troupes françaises ont ramené l'ordre jusqu'au dessus de Tombouctou. 

Des élections "nationales" ont eu lieu et un nouveau gouvernement a émergé. Sauf qu'une fois encore, le procédé démocratique n'est pas réaliste en légitimité. Il existe bien de fait deux communautés nord/sud qui s'opposent. Les Touaregs de l'Azawad (le nord) ne veulent pas lâcher leur désir d'indépendance avec la partie gouvernementale (installée au sud). Dans ce cadre, la France ne pourra que proposer un vote de partition si elle veut continuer à s'en mêler au titre de la démocratie.

Dans cette aventure, le ressort néo-colonial n'est pas exclu. En outre qu'il existe des familles françaises au titre de la coopération (comme au Centrafrique) le Mali possède une frontière avec le Niger -donc d'Aréva- pour l'extraction de l'uranium nucléaire, lequel sert également à la force atomique militaire française...Les intérêts français peuvent êtres menacés "à tout moment" par le djihad d'Aqmi. Le corps expéditionnaire français va devoir y rester longtemps d'une façon ou d'une autre.

En Egypte :

Les manifestations de l'été ont conduit l'armée du général Sissi à renverser Morsi, porté au pouvoir après la chute de Moubarak. L'armée a donc pris la responsabilité d'enrayer la nouvelle gouvernance acquise dans les urnes par les frères musulmans. S'en est suivie une période sanglante de répression contre le soulèvement des partisans de Morsi, lequel reste emprisonné.

La gestion des frères musulmans était contestée par les classes moyennes et supérieures de la société égyptiennes, sachant que ces classes "acquises au libéralisme" ne sont pas forcément majoritaires en nombre absolu... C'est donc un problème de "société" qui se joue en Egypte entre les partisans de la "modernité" et les classes pauvres peu éduquées dont la religion reste un moteur incontournable par la mise en place de la Charia en tant que code civil, social et sociétal.

En Libye :

C'est un désordre catastrophique. Toutes les factions armées issues du renversement du régime se sont repliées entre elles en force de réplique au pouvoir d'Etat. De fait le gouvernement n'a pas les moyens réels de gouverner. Tripoli n'est pas en mesure d'assurer une sécurité aux citoyens. Et encore moins un essor économique, base du progrès social.

Le semblant de sécurité passe par le rattachement aux bandes armées, quartier par quartier. Ceci pour un peuple déstabilisé en regard des anciennes structures ethniques (tribales) et religieuses héritées du désert bédouin. Une poignée de groupes djihadistes d'obédience salafiste continue la guerre (religieuse) avec des armes sur "pickup", armes fournies par les occidentaux qui voulaient s'en mêler depuis le début.

Le pouvoir central élu (au prétexte du sentiment anti Kadhafi) est sans autorité à part la référence à la Charia. Ce sont ces bandes djihadistes de quartiers qui s'imposent au prétexte de suppléer la police et/ou l'armée et qui se permettent le luxe de kidnapper en toute impunité le premier ministre , ...avant de le relâcher, celui-ci les excusant presque en évoquant un malentendu.. !

En Syrie :

Le renversement de Bachar n'est pas achevé, loin s'en faut, contrairement aux annonces. Tout a été essayé. Le pouvoir central résiste depuis deux ans. Les opposants (rebelles) sont armés jusqu'aux dents depuis longtemps déjà. Ils ont des armes anti-missiles, des roquettes, des canons, des kalachnikovs, des grenades. Tout est fourni depuis des mois par les Etats du Golf et l'occident (en douce par le biais de l'aide humanitaire).

Il s'avère que les américains et anglais s'interrogent à présent sur l'aide aux opposants, craignant un débordement djihadiste, à la "libyenne". On est vraiment loin de la révolte pacifique du début. C'est bien une guerre civile ethno-religieuse qui perdure. (comme c'était le cas en Croatie, en Bosnie, au Kosovo, contre la Serbie). 

C'est toujours une calcul stratégique atlantiste pour asseoir la prétention de l'OTAN contre des velléités supposées de la Russie et/ou la Chine... Le pire dans cette quête "au nom du bon sens et de la démocratie" c'est que les occidentaux ne voient pas, en soulevant la boite de pandore qu'il s'agit d'un problème de "partition" (comme au Mali, au Tchad et ailleurs) .

En Irak :

Cela fait dix ans déjà que se perpétuent (après le renversement de Saddam par les américains au prix de plusieurs centaines de milliers de morts) des affrontements entre communauté chiites et sunnites qui font des bains de sang, sous la plus grande indifférence à présent de l'occident donneur de leçons qui a complètement déstabilisé les populations.

La chute de Saddam Hussein, qui devait être la solution, a été finalement... LE problème. Comme en Libye avec le renversement du colonel Kadhafi. Les occidentaux initiateurs et parties prenantes du conflit ont laissés un chantier "humanitaire" sans solution politique ayant constaté après coup qu'ils n'avaient pas les clés (quand bien même, ceci ayant été exploité sous couvert de droit d'ingérence "humanitaire").

En Afghanistan :

Depuis l'ère Breijnev, cela fait, au bas mot 35 ans que les super-puissances essaient d'imposer leur loi et la démocratie à ce pays qui ne se soumet pas. Les américains, qui ont fait naître et soutenu Ben Laden et Alqaïda pour chasser l'impérialisme soviétique, se sont auto-proclamés "gendarmes" de la grande région islamiste proche de l'Asie et de la Russie. Mais là-bas le scénario Pakistanais n'a jamais fonctionné. Ils sont dans un stade tribal arriéré et l'économie de marché ne les sublimes pas.

En outre, seules les valeurs de la Charia sont compatibles avec leur antériorité culturelle, y compris à l'époque du commandant Massoud assassiné. 

Le voisin, l'immense Pakistan, maintien lui son pays sous une poigne de fer, par l'armée qui reste le véritable pouvoir (comme en Algérie et en Egypte). Le pouvoir pakistanais est quant à lui ouvert -au niveau de sa classe dominante et de ses dirigeants- à l'économie de marché occidentale.

Il reste que "le peuple profond" du Pakistan est en dissonance. A telle enseigne qu'il est "fournisseur/fabricant" des écoles talibans...afghanes. Cherchez l'erreur et vous comprendrez que le Pakistan pourrait bien être la prochaine vraie menace pour l'occident qui joue depuis toujours à l'apprenti-sorcier avec les périphéries.

Sauf à trouver et développer des liens de coopération et, surtout en évitant de spéculer sur les révoltes arabo-musulmanes (maîtresses chez elles parlant de l'Iran).

A commencer par le réglement du conflit israëlo-palestinien. Les résolutions de l'ONU existent et cela devra se traduire par la rétro-cession des territoires occupés avec un Etat palestinien géographiquement compatible à son essor. Dans le cas contraire, les pays arabes ne pourront éternellement contenir des cellules jdhiadistes qui les débordent de plus en plus en gagnant des terres inconnues et des esprits recroquevillés sur l'Islam par le biais des révolutions récentes. 

Contrairement aux américains, la Russie de Poutine, ayant fait l'expérience de l'Afghanistan ne s'y risque plus ; se contentant de faire le ménage avec ses régions musulmanes parfois fondamentalistes (comme la Tchétchénie) de son périmètre intrinsèque. Et c'est déjà du boulot !

But is not least. Je ne ne parlerai pas des vicissitudes latentes des innombrables guérillas et/ou remous en Afrique noire, tels : le Nigéria, la Somalie, le Congo,le Cameroun, le Tchad, la Côte d'Ivoire (toujours instable) la Tunisie qui peine à canaliser Enardha ; l'éternel conflit "Israëlo-Palestinien" qui ne fait pas relâche avec-pour cause supplétive- l'inextricable partage de Jérusalem, pierre angulaire (ou raison subliminale) déjà du non aboutissement des accord de Camp David.

Les conflits africains et du moyen orient sont submergés par des racines islamiques -qui leur reviennent en boomerang- que l'on croyaient enfouies depuis les accessions à l'indépendance il y a 50 ans. Mais les régimes corrompus des gouvernants perpétuent des "dynasties mafieuses" militarisées lesquelles ne veulent pas partager avec leur peuple le fruit des ventes de matières premières et des ressources énergétiques monnayables.

Le néo-colonialisme sert de booster à ces régimes claniques illégitimes dans un système de prédation des richesses. Cette architecture "successorale" a engendré le chaos, faisant que les peuples (ou peuplades) sombrent dans l'anarchie (islamisée le plus souvent). Dans une misère absolue générant l'exode par une migration intarissable, surtout vers l'Europe, matrice de anciennes colonies.

Tel est un petit rappel géo-stratégique des guerres et guérillas qui foisonnent dans le monde actuel (et je ne parle pas de la Thaïlande, chemises rouges/chemises jaunes). Ceci lui confère une densité explosive que nous n'avons jamais connu (depuis les deux guerres mondiales).

L'empreinte de Nelson Mandela : 

Ce dernier est rentré dans la mémoire collective, pour la postérité. Le rôle de Mandela pour les droits de l'homme s'inscrit dans l'histoire de l'humanité. Il a fallu attendre le...XXIe siècle pour qu'un Etat racialiste cesse officiellement d'exister. Par sa lutte, il a posé une pierre qui servira de socle. Mais, comme on le voit, les luttes pour le droit à l'existence dans l'équité ne sont pas au rendez vous. Ce pays dépositaire n'est toujours pas (loin s'en faut) en harmonie.

"Un homme/une voix", ne donne qu'un début de démocratie. Il existe toujours de très fortes inégalités en Afsud, vingt ans après. Le pouvoir de gouvernance est certes revenu aux noirs. Mais la communauté noire majoritaire ne suffit pas à une répartition des richesses de ce pays. C'est bien l'hyper capitalisme "des classes sociales" qui se greffe sur cette nation remixée après la "pure" période de la domination blanche des africaners. Et qui recrée (ou maintien)...une nouvelle discrimination.

Les bidonvilles des grandes villes sud africaines en témoignent. Il y a quelques mois seulement la police a tiré sur les mineurs, faisant plusieurs morts. Que pouvait en penser Madiba ?...! Et pourtant ce n'est plus le régime d'apartheid.

Mandela était un humaniste, animé par la réconciliation et son rôle est exemplaire. Mais cette nation n'est pas au bout du rouleau. De nouvelles classes sociales ont émergé, avec une mixité de collaboration avec les anciens Africaners. Et surtout ce qui n'empêche pas la bourgeoisie affairiste -pourtant mélangée- de reproduire les schémas de domination.

Mandela savait sans doute qu'il n'avait pas les armes pour dépasser ce mécanisme qui règne sur le monde économique globalisé. D'ou les dérives au sein de l'ANC qui n'assure pas le relais de Mandela. Les figures de Gandi, de Luther King sont symboliques et sont des étapes nécessaires. Mais le véritable pouvoir sait parfaitement slalomer sur les bases de la démocratie virtuelle. On appelle cela la démocratie "bourgeoise" celle que les anarchistes dénonçaient déjà au XIXe siècle.

Ce système, source des inégalités, reste un sacerdoce pour chaque société.

JPEG J'aurais aimé poser cette question à Mandela :

" Dis nous, Madiba, n'y a t-il donc rien à faire pour renverser cette inflexion lancinante : la pauvreté et la frustration engendrées par les inégalités perpétrées ? les droits civiques et sociaux ne peuvent ils donc jamais se conjuguer pour inclure l'équité ?".

Et il aurait sans doute arborer un sourire.. celui qu'on lui connaît ; sans peut-être pouvoir répondre... 

Mais on va te laisser tranquille à présent. Bon sommeil à ton âme.

Toi, tu as fait ta part de boulot.



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