samedi 11 août 2018 - par Monolecte

Les dents

Dentier

Plutôt que d’infliger à PrototypeKblog un long commentaire sur son dernier papier sur les dents, j’ai préféré directement lui répondre ici, sur l’autre versant de sa réflexion.

Ils mordent pour faire mal. Ils mordent pour exister.

Ils mordent tout le temps. Ils semblent tout le temps en colère. Ils sont tout le temps en furie. Même quand ils semblent calmes, je ressens que ce n’est que temporaire, superficiel, fragile. Le calme peut durer des heures, des jours. Mais je sens la braise sous la cendre, je sens l’eau bouillant sous le couvercle ; je sens la vapeur prête à hurler, je sens les flammes prêtes à jaillir ; je sens les dents prêtes à mordre. Tôt ou tard, les dents vont recommencer à mordre.

Ils ne savent pas faire autrement. Tôt ou tard, ils redeviendront juste des dents. Ils ne savent plus exister autrement qu’en mordant. Qu’en déchiquetant. Qu’en faisant mal. Au moins l’espace de quelques instants, ils ne sont plus que des dents. Ils ne sont plus des êtres humains civilisés, enfants ou adultes, ils sont à peine des primates ou des animaux, ils ne sont plus que des dents.

Ils ne savent pas faire autrement. Au moindre accroc, au moindre écart, à la moindre difficulté, à la moindre incompréhension, ils redeviendront des dents. Et ils mordront. Ils mordront, mordront, et mordront encore.

J’en ai assez de me faire mordre.

Par PrototypeKblog

Ce qu’il retient du sourire, c’est que c’est une marque d’agressivité et d’ambition, assez caractéristique de son milieu. Ce que je voulais souligner, c’est que le rapport aux dents et au sourire est assez dépendant du statut socioéconomique des personnes.

Chez moi, les dents, ça sert à bouffer.

Je viens d’un milieu suffisamment pauvre pour savoir que la malnutrition n’est pas l’amie des dents. Les dents, c’est plus souvent ce qui fait honte que ce qui s’affiche : tâchées, jaunies, gâtées, manquantes… les pauvres sont souvent emmerdés par leurs dents. C’est peut-être pour cela qu’elles sont si mal remboursées par la Sécu → un problème de pauvres, un problème de « sans-dents ».

Beaucoup des gens de mon milieu social sourient bouche fermée, lèvres tendues, fines, crispées, hermétiques. Déjà, on n’a pas souvent l’occasion de se marrer, mais aussi, quand on sourit, c’est pour répondre à l’injonction du riche, du dominant : c’est forcé… et en même temps, peut-être que nous aussi, on sait que le sourire, c’est l’agression. Donc, en bons dominés, on ne montre pas les dents.
Surtout qu’elles sont moches, surtout qu’on a honte, surtout qu’il en manque toujours une ou deux mal placées.

Je me souviens de femmes qui ne rigolaient qu’en se cachant la bouche derrière la main. Je me souviens des dents de mes grands-parents qui trempaient dans leur verre respectif, sur la tablette de la salle de bain. Pour les pauvres qui ne peuvent plus mâcher — et qui s’exposent à diverses complications, à commencer par des problèmes digestifs —, la Sécu a une solution : on arrache tout et on met des dentiers. Ça coute un bras, c’est souvent mal ajusté et ça branle, ça claque dans le vide, quand ça ne se fait pas la malle au moment le moins opportun, quand tu souffles tes bougies d’anniversaire, par exemple. Mais ça coute infiniment moins cher que les jolis implants pour les riches. Et surtout — et c’est terrible de le dire — malgré tous les inconvénients, le dentier avait été une libération pour mes grands-parents : celle de pouvoir recommencer à macher — c’est important, pour déglutir la vache enragée ! —, celle de pouvoir recommencer à sourire… un peu, à l’occasion.

J’ai grandi avec des gens qui nettoyaient leurs dents en les laissant tremper la nuit dans un verre de ce qui ressemblait à une aimable limonade. Je ne savais pas qu’il s’agissait du témoignage d’une vie — et surtout d’une jeunesse — marquée par les privations et les carences. Je ne savais pas non plus que les dents sont des organes vivants qui s’entretiennent. J’ai découvert le brossage plus tard, à la pension.

Le plus marrant, dans l’histoire, c’est que j’ai hérité des dents de ma grand-mère. Pas seulement celles du verre que sa maison de retraite m’a remises quand j’ai emballé ses affaires après son décès. Non, j’ai la chance d’avoir de bonnes dents avec un ivoire solide, une belle implantation, jamais de carie, de gingivite, le tout au naturel.

Les dents que ma grand-mère aurait eues avec une meilleure vie.

Des dents pour bouffer la vie et lui sourire.

 



3 réactions


  • Dron 11 août 2018 11:00

    Article qui a du mordant.


  • Passante Passante 11 août 2018 11:01

    la parole est à la défense :


    d t s z n sont les dentales, cela écrit dznts...
    ce « e » qui se révèle en « z »

    zidane par exemple
    ben il est sur les dents...

    macron est un sans-dents déguisé
    (il a juste les deux « t » de brigitte)



  • Thanos 12 février 2019 06:49

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