mardi 30 janvier 2018 - par Michel J. Cuny

Les errements « formateurs » de Sigmund Freud

Nous avions vu que, dans une note ajoutée ultérieurement, Sigmund Freud avait émis le regret de n’avoir pas poussé ses investigations sur la question de ce que pouvaient bien « symboliser » les animaux apparus dans les hallucinations d’Emmy von N…

JPEG Il s’agit là, effectivement, d’une étonnante négligence… qui s’explique moins encore lorsque nous constatons l’insistance avec laquelle ce thème a pu se manifester au fil des séances d’hypnose. Nous voici pendant l’hypnose matinale du 10 mai :
«  Je demande aujourd’hui ce que signifient les phrases : « ne bougez pas, etc. » Elle explique qu’elle craint, lorsqu’elle a des pensées angoissantes, d’en voir interrompre le cours, parce que alors tout s’embrouille et qu’elle se sent encore plus mal. Le « ne bougez pas » se rapporte au fait que les figures d’animaux semblent entrer en mouvement et se précipiter sur elle dès que quelqu’un remue […]. » (page 903 du PDF)

L’analyse du second élément de la formule incantatoire nous fait pénétrer dans un univers différent – celui des humains :
« […] enfin l’imploration « ne me touchez pas » se rapporte aux incidents suivants : son frère, rendu très malade par la grande quantité de morphine qu’il prenait à 19 ans, l’empoignait souvent tout à coup, dans ses terribles accès. » (Idem, pages 903-904)

Bien ancré, alors, dans la ligne thérapeutique d’Hippolyte BernheimFreud s’empresse de faire disparaître sans plus de façon sous le tapis tout ce qui paraît devoir déranger sa patiente :
« Ayant remarqué que la formule de protection est destinée à empêcher le retour d’incidents semblables, j’utilise la suggestion pour lui enlever cette crainte, et, de fait, je ne l’entends plus prononcer les paroles en question. » (Idem, page 904)

Passons maintenant à l’hypnose du soir de ce même 10 mai 1889 :
« La voyant disposée à me fournir des renseignements, je lui demande s’il y a encore d’autres événements qui l’ont effrayée au cours de son existence, au point d’en avoir conservé un souvenir vivace. » (Idem, page 905)

Elle revient sur ce frère malade qui avait la fâcheuse tendance de l’« empoigner » par surprise, mais surprise qui pouvait ne pas être de son seul fait…
« […] à l’époque où elle soignait son frère, elle vit un jour, tout à coup, apparaître le pâle visage de sa tante, au-dessus du paravent. La tante était venue pour convertir le malade à la foi catholique. » (Idem, page 906)

Mais pourquoi cet effroi ? Qu’aura donc eu à « surprendre » cette tante « missionnaire » ? Freud ne se fait pas faute de s’étonner lui aussi des sous-entendus qui travaillent sa patiente…
« Je remarque qu’ici, j’arrive au cœur même de sa peur constante des surprises et lui demande en quelles circonstances elle en a eu d’autres encore. » (Idem, page 906)

Voici la suite immédiate :
« Elle raconte comment ils avaient chez eux un ami qui aimait à s’introduire en catimini dans la pièce et à se dresser brusquement devant elle […]. » (Idem, page 906)

Quelle pièce ? Que peut vouloir dire qu’il se soit « dressé brusquement » devant elle ? En a-t-elle rien dit à son vieux mari ? N’est-ce pas la même image qui se précise discrètement, alors qu’elle rapporte…
« […] comment, tombée malade après la mort de sa mère, elle alla se soigner dans une ville d’eaux ; là un fou pénétra plusieurs fois, par erreur, dans sa chambre et s’avança jusqu’à son lit […]. » (Idem, page 906)

« Plusieurs fois  »… N’est-ce pas quelques fois de trop ?… Faudrait-il vraiment qu’il s’agisse d’un fou à lier ?… Encore n’y eut-il pas que lui à donner dans une répétition tout à fait extravagante :


« […] enfin comment, pendant son trajet de retour d’Abbazia, un étranger ouvrit quatre fois inopinément la portière de son compartiment, la dévisageant chaque fois fixement. Elle eut si peur qu’elle appela le contrôleur. » (Idem, page 906)

Imperturbable, Sigmund Freud ne sortira pas du sillon que nous lui connaissons trop bien désormais :
« J’efface ces souvenirs, la réveille et lui certifie qu’elle dormira bien cette nuit, mais en omettant de lui faire cette suggestion à l’état d’hypnose. » (Idem, pages 906-907)

Heureux les innocents !… Freud tout le premier… 
« Une remarque qu’elle fait prouve l’amélioration de son état : elle déclare, en effet, n’avoir rien lu aujourd’hui, tant elle vivait dans un rêve heureux, elle qui, perpétuellement agitée intérieurement, ne pouvait jamais rester inoccupée. » (Idem, page 907)

Notons, par avance, qu’il saura nous dire, plus tard, comment il avait fini par apprendre jusqu’à quel point on se jouait de lui.

NB. Pour comprendre dans quel contexte politique de fond se situe ce travail inscrit dans la problématique générale de l'amour courtois...
https://freudlacanpsy.wordpress.com/a-propos/



25 réactions


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 30 janvier 2018 16:52

    Et comment lentement glisser Jung dans Freud ; http://www.autourdelalune.com/animal-totem/initiation-a-l-astrologie-amerindienne.html Freud castor et Jung saumon,... Certains castors ne mangent-ils pas des saumons,..... ?


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 30 janvier 2018 16:55

    Castor : bâtisseurhttp://www.autourdelalune.com/animal-totem/le-castor-et-le-taureau.html. Il construit des barrages : Ca-moi-surmoi,...


  • Francis, agnotologue JL 30 janvier 2018 19:05

    Bonjour Michel J. Cuny,

    dans Psychologies Magazine de ce mois, il y a un excellent article sur le renouveau de la psychanalyse. On y lit notamment ceci :
     
     ’’Finies les manifestations hystériques (convulsions, paralysies). Pour Elsa Godard, les néo-symptômes sont - à la frontière du normal et du pathologique -classés en 6 catégories selon qu’ils se rapportent à la difficulté de faire avec la limite (burn-out, hyperactivité) ; avec l’objet (pulsions d’accumulation, toxicomanies) ; avec le moi (hypocondries, errances sexuelles) ; avec l’angisse ou avec le vide.’’
     
    Ce que je veux dire, c’est que je ne vois pas bien l’intérêt de ces publications, sinon d’un point de vue anecdotique.
     
    Mais il y aura probablement d’autres avis, et plus savants. je le souhaite.
     


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 30 janvier 2018 19:25

      @JL

      Actuellement les crise d’angoisse ou de panique (jouer avec l’orgasme mortel,...) a remplacé les paralysies. Mais de nombreux troubles psycho-somatiques sont en lien avec l’hystérie (rhinites allergiques,...). L’acteur américain Robin Williams en souffrait.

    • Francis, agnotologue JL 30 janvier 2018 19:52

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.
       
      j’ai cité les catégories, à partir de notes, incomplètes.
       
       J’ai omis de dire l’essentiel de mon intervention ici : l’article s’intitule Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse , un ouvrage de Gérard Pommier, édité chez Flammarion.
       


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 30 janvier 2018 20:00

      @JL


      Tout se passe dans la Glande pinéale,...Et les chakras,...

    • Francis, agnotologue JL 30 janvier 2018 20:16

    • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 30 janvier 2018 20:29

      @JL
      Selon l’expérience que j’ai pu vivre il y a quelques années avec la rédaction de Psychologies Magazine, je ne crois pas qu’il y ait lieu d’entretenir la moindre illusion quant au niveau d’élaboration des contenus de ce périodique.
      Françoise Petitdemange et moi venions de publier le livre « Brassens, Brel, Ferré - Trois voix pour chanter l’amour » (Editions Paroles Vives, 2003). Ce travail avait comme raison d’être de montrer la profondeur d’analyse atteinte par chacun de ces trois personnages sur la question de l’amour. Il s’agissait tout simplement de rendre compte d’un type de questionnement qui avait su toucher tant et tant de personnes en France et ailleurs.
      Or, selon la rédactrice chargée de la rubrique « Livres », il paraît que nous avions visé trop haut selon le niveau de compréhension de son lectorat moyen...
      Il est bien vrai qu’aujourd’hui Brassens, Brel, Ferré...


    • Francis, agnotologue JL 30 janvier 2018 20:38

      @Michel J. Cuny
       
      ce n’est pas pour ça qu’il faut snober le livre de Gérard Pommier.
       
       Et puis, en tant que lecteur moyen de cette revue, ...


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 10:22

      @Michel J. Cuny

      Bonjour ; Psychologie Magazine, c’est nul. J’ai manqué participer à son concurrent mille fois supérieur : Le journal de psychologues. Mais quand ils ont viré leur cuti en se tournant vers la formation des psychologues en entreprise et RESSOURCES HUMAINES, j’ai abandonné.

    • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 31 janvier 2018 10:31

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.

      « Nul », c’est peut être trop dire. Il s’agit de participer au façonnement des petits « moi »...
      Et malheur à qui s’y laisse prendre... 

    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 10:38

      @Michel J. Cuny

      Petits « moi »,...exactement. A ceux-là, je préfère toujours les « transgressifs »,..Même s’il y a quelques cadavres exquis sur la route,...

    • Francis, agnotologue JL 31 janvier 2018 10:42

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.
       
       c’est peut-être nul, mais alors il faut préciser : pour ceux qui ne lisent qu’un seul magazine et qui tient lieu de seule culture sur ce sujet.


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 10:46

      @JL


      Je suis tout, sauf « normative »,..et l’hystérie est LA TRANSGRESSION" de tous les codes,...Hystériquement vôtre,...

    • Francis, agnotologue JL 31 janvier 2018 11:01

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.
       
      Vous pourriez svp me faire connaitre les aspects positifs de l’hystérie ? L’apport spécifique des hystériques à la société ?


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 12:41

      @JL

      Je suppose que vous n’avez rien lu sur le surréalisme. Ayant vécu 12 avec un pataphysicien dont l’hystérique était fondamentalement l’égérie ou la muse,..D’où mon pseudo. Breton a sessayé d’approcher Freud qui l’a dédaigné. Alors que son livre sur le PRésident Wilson était préfigurait "UBU ROI3.

  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 10:41

    Lisez : https://www.babelio.com/livres/Pinkola-Estes-Femmes-qui-courent-avec-les-loups/2702. Là, j’ai trouvé MA VOIE,... ou voix,....Après une longue aphasie hystérique,...


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 10:52

    Hier soir, j’ai regardé d’Arté une émission sur Louis de Funès. J’ai toujours préféré Robin Williams qui pourtant lui ressemble beaucoup,...Louis de Funès avec une « mécaniqueé gestuelle plus froide. Et il illustrait parfaitement les »névroses de caractère (bien décrites par Jean Bergeret). Les mêmes névroses de caractères qu’ils tournaient en dérision. Inquiétante étrangeté que le personnage. Issu lui-même d’une histoire transgressive : adultère dans le contexte d’une aristocratie espagnole désargentée,...


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 12:43

    Corrigé ; @JL

    Je suppose que vous n’avez rien lu sur le surréalisme. Ayant vécu 12 ans avec un pataphysicien dont la source créative ou muse était l’hystérique..D’où mon pseudo. Breton a essayé d’approcher Freud qui l’a dédaigné. Alors que son livre sur le PRésident Wilson préfigurait « UBU ROI ».

    • Francis, agnotologue JL 31 janvier 2018 13:17

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.
       
      mais si, l’ai lu ces ouvrages. J’ai lu aussi « L a cité perverse ».
       
      Diriez vous que dans une société perverse, les pervers en sont des éléments positifs ?


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 13:45

      @JL



      Là est toutes la différence et l’ambiguïte. J’ai lu un excellent livre de Murielle Gagnebin sur l’art et la mort que je conseille. Qui est réellement pervers. Le consommateur débile qui s’empiffre de Nutella et détruit la planète ou celui qui ose sortir dans la rue et tirer au hasard. Ne me demandez pas de répondre. Les névroses sont des enfants de l’amour et de la transgression. Mon père a quitté sa famille de richard pour épouse l’Esméralda du village. Mettant ainsi l’usine de tissage en failitte (ne pas rire,...). Au fric, il a préfére la frite et la moule,...

  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 12:51

    Toute la société repose fondamentalement sur l’hystérique à laquelle on a fait que piquer les idées. Bernays qui ne comprenait rien à fFreud à bien compris le filon. Toute la publicité et même la propagande hitlérienne est inspirée des fantasmes sexuels des hystériques. https://fr.wikipedia.org/wiki/Dany-Robert_Dufour en parle bien. Mais il y a le versant ordurier et le sublime. Du bordel à l’art.


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 13:49

    Par contre, les homos qui veulent se « normaliser » pour moi sont bien « pervers ». Je les préfère de loiin transgressifs comme Léonard de Vinci.


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 13:50

    Amusant l’acte manqué des deux « ii »,...


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 janvier 2018 13:54

    La « normalité » ou l’alexythimie est la forme la plus perverse du psychisme puisqu’elle vise à robotiser l’être humain,...


Réagir