vendredi 28 juin - par Robert GIL

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne nazie voulaient-ils lutter ensemble contre l’Union soviétique ?

Un document déclassifié par le Centre de relations publiques du Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie complète une série de documents publiés en son temps par le bureau d’information soviétique, dans lesquels l’U.R.S.S. accuse la Grande-Bretagne et les États-Unis d’avoir mené des négociations secrètes en vue de la conclusion de la paix avec l’Allemagne, à l’insu de l’U.R.S.S., en 1941 et en 1943. Le but final du projet était de créer une coalition antisoviétique entre l’Allemagne hitlérienne et les alliés de l’URSS, la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Le document était conservé dans les archives du Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie pour la région d’Ivanovo, et porte sur le témoignage de l’ancien adjudant du Führer de l’Allemagne nazie Adolf Hitler, le SS Sturmbannfuhrer Otto Günsche. Günsche fut capturé par les troupes soviétiques en mai 1945 et emmené à Moscou. Là, il a témoigné des projets d’Hitler d’entamer des négociations avec la Grande-Bretagne et les États-Unis concernant le déclenchement des hostilités contre l’Union soviétique. L’adjudant d’Hitler écrit dans son témoignage que l’occupation de Ploiesti, c’est-à-dire les riches régions pétrolières de Roumanie, par les troupes russes et leur avancée supplémentaire signifient pour les Britanniques la perte de leurs positions économiques importantes et de leur influence politique en Roumanie et dans les Balkans.

Hitler pensait que les relations entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, d’une part, et l’URSS, d’autre part, se détérioreraient tellement qu’elles conduiraient à un conflit ouvert. L’Allemagne pourrait dans ce cas conclure une alliance avec les Anglo-Saxons. Comme l’a dit Günsche, des négociations secrètes ont eu lieu à Stockholm, à l’initiative du côté britannique, pour conclure une paix séparée entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, d’une part, et l’Allemagne, de l’autre.

Des documents saisis par les troupes soviétiques révèlent qu’en automne 1941 ainsi qu’en 1942 et en 1943 des négociations furent menées à Lisbonne et en Suisse derrière le dos de l’U.R.S.S. par des représentants de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, et plus tard entre des représentants des États-Unis et de l’Allemagne, en vue de conclure la paix avec l’Allemagne. Une rencontre entre un officier britannique, Max Aitken, et un Hongrois, Gustav von Kœler, eut lieu le 13 septembre 1941, à Lisbonne. En février 1943, en Suisse, la question de la paix avec l’Allemagne fut discutée entre des représentants américains et allemands. Le représentant américain était M. Allan Dulles, frère de John Foster Dulles, conseiller du parti républicain en matière d’affaires étrangères. Du côté allemand, le négociateur était le prince Hohenlohe.

Churchill guidé par son anticommunisme et sa croyance en la politique du « moindre mal » le poussa à envisager d’utiliser au moins une partie des forces armées allemandes comme contrepoids à l’Armée Rouge. Dans son ouvrage remarquablement documenté intitulé The Second World War, David Reynolds démontre que Churchill ne dit pas un mot dans ses mémoires sur un projet secret qu’il avait mis à l’étude : « l’Opération Impensable », une attaque surprise des forces anglo-américaines sur l’Union Soviétique, appuyée par dix divisions allemandes, prévue le 1er juillet 1945. L’existence de documents corroborant ce projet au sein de l’ancien Public Record Office, rebaptisé depuis British National Archives, n’a été reconnue officiellement qu’en 1998. Même si le rapport convient que l’utilisation de troupes allemandes prendrait nécessairement du temps, il n’est dit nulle part que ce délai serait imputable à une phase nécessaire de « dénazification » : « On estime que dix divisions allemandes pourraient être reformées et ré-équipées dans les premières phases de l’action. Toutefois, celles-ci ne sauraient être disponibles à compter du 1er juillet ». Dénazifiées ou non, les forces allemandes ne furent jamais utilisées, mais il n’est pas anodin que Churchill ait pu envisager d’utiliser ces dernières dans l’hypothèse d’une nouvelle campagne antisoviétique. Le but premier de l’opération est décrit comme devant « imposer à la Russie la volonté des États-Unis d’Amérique et de l’Empire britannique ».

Ce qui est certain, c’est que le nazisme et le fascisme n’ont jamais été l’ennemie des anglo-saxons. Il faut se souvenir des événements survenus en Crète le 11 mai 1945 . Ce jour-là, la 28e brigade d’infanterie britannique du général Preston débarque sur l’île et engage le combat… contre les rebelles grecs, qui contrôlent alors la majeure partie de l’île et ont pratiquement assiégé la garnison allemande dans le nord de l’île. Bientôt, sous le feu de l’ennemi, les Britanniques commencent à se retirer et se retrouvent dans une situation critique. C’est à ce moment-là que des chars d’assaut arrivent de l’arrière de l’ennemi, suivis par l’infanterie. La 28e brigade d’infanterie britannique est sauvée. Mais pourquoi les chars portaient-ils des croix allemandes ? Eh bien, parce qu’il s’agissait du 212e bataillon de chars de la Wehrmacht et d’autres unités de la garnison allemande de Crète.

Immédiatement après le débarquement, le général Preston exige le désarmement des partisans, ce que les Grecs refusent. Les troupes anglo-allemandes combattent la guérilla en Crète jusqu’au 26 mai 1945. Après cette date, les guérilleros se sont retirés dans les montagnes de Souda, et ce n’est qu’à ce moment-là que le général Preston a demandé aux Allemands de désarmer. Pourquoi Churchill voulait absolument mettre fin à la résistance grecque, parce qu’elle était essentiellement communiste et pouvait porter atteinte aux intérêts de la Grande Bretagne dans cette partie de la méditerranée. Alors, n’est-il pas temps que nos livres d’histoire expliquent aux jeunes générations qui étaient nos chers alliés ! Et de terminer la description de la Seconde Guerre mondiale en Europe par les actions conjointes des Britanniques et de la Wehrmacht contre les partisans grecs en Crète.

http://2ccr.unblog.fr/2024/05/23/les-etats-unis-la-grande-bretagne-et-lallemagne-nazie-voulaient-ils-lutter-ensemble-contre-lunion-sovietique/

REF :

Wikipédia, « Opération Unthinkable »

Presses universitaires du Septentrion : « Churchill, le fascisme et les fascistes »

Topwar, le 06/05/2024 : « Le FSB russe a déclassifié un document sur les intentions de l’Allemagne nazie de lutter contre l’Union soviétique aux côtés de la Grande-Bretagne et des États-Unis. »

Histoire et Société, le 20/06/2024 : « Une sale histoire : les alliés de l’URSS ont massacré des Français et traqué les partisans grecs en compagnie des nazis



15 réactions


  • Buzzcocks 28 juin 13:51

    Les britanniques ont livré à l’URSS :

    Au total quatre millions de tonnes de matériel de guerre dont la nourriture et les fournitures médicales ont été livrés.

    Et les USA, c’est pareil...

    Et bien entendu, les anglais ont livré tout ce matériel pour mieux avoir à le combattre plus tard. C’est d’une logique implacable.

    C’est vraiment devenu une poubelle ce site.


  • Matlemat Matlemat 28 juin 14:43

     La guerre a permis d’affaiblir définitivement l’Empire britannique.

    Ca serait intéressant de savoir qui a financé le réarmement de l’Allemagne dans les années 30 et ou est allé l’argent des réparations de la première guerre mondiale qui aurait du aller à la France.

    On sait que l’Angleterre finançait l’Allemagne pendant la guerre via la Suisse.

    Le vice président Truman a déclaré que si l’Allemagne prenait le dessus alors les USA devaient aider l’URSS et qui si l’URSS prenait le dessus alors ils devaient aider l’Allemagne.

    La stratégie choisie a été de laisser les Allemands et les Soviétiques s’étriper le plus longtemps possible avant d’intervenir ce qui a été fait.

    Roosevelt a menti en disant que la priorité était de vaincre l’Allemagne et ensuite le Japon, on sait aujourd’hui que les USA avait déployé autant de moyens contre l’empire nippon, sinon plus, que contre l’Allemagne. 


    • JPCiron JPCiron 28 juin 15:16

      @Matlemat
      Merci pour cet éclairage.
      Il semble que le plan hégémonique Américain se poursuit (grâce à la complaisance de l’Allemagneet de la France) en Ukraine. L’objectif étant de bien séparer et faire se confronter l’Europe et la Russie >>> avec pour effet-objectif, pour la Russie, de la mettre à genoux (avant que les USA aillent taquiner la Chine) >> et pour l’Europe de l’empêcher de faire l’Europe ’’de l’Atlantique à l’Oural’’ avec les énormes réserves de matiètes premières de la grande Russie.
      Au Moyen Orient, le coin des USA, c’est Israël, avec l’objectif (maintes fois décrit) de faire éclater tous les Etats de la région en une multitude de petits Etats ethniques ou par religions, plus faciles à contrôler par un Israël qui dominera la Région.
      https://www.agoravox.fr/commentaire6654301
      Au final, l’ "ami Américain’’ de Eric Branca veut contrôler le Monde. C’est le fameux Plan Unipolaire qui ne cesse de progresser, étape par étape. Plan qui se ’’nourrir’’ aussi aux dépends des ’’amis’’ 


    • Enki Enki 28 juin 16:04

      @JPCiron

      C’est une vieille histoire : « the Great Game », le Grand Jeu géopolitique qui a consisté, depuis presque deux siècles pour les anglo-étatsuniens d’empêcher la formation de l’Eurasie :
      https://www.chroniquesdugrandjeu.com/2015/06/le-grand-jeu-cadre-theorique.html (ou wikipedia)
      A la lecture de l’article, on comprend pourquoi il était indispensable, d’une part de nourrir la guerre en Ukraine, d’autre part de péter le pipeline NordStream II.

      Le mystère est comment les Européens ont réussi à faire semblant de ne pas savoir le plan qui était contre eux, alors que les stratèges étatsuniens ne s’en ont jamais caché (Brezinski...)

      Le Great Game est terminé, depuis que Poutine a acté la rupture de l’Eurasie avec sa guerre en Ukraine. Sauf que les Anglo-américains ont mal calculé : au lieu de verrouiller l’hégémon, ils n’ont fait que déplacer le problème avec la création du Sud Global contre le monde atlantiste.


    • Christophe 28 juin 20:14

      @Matlemat

      Ca serait intéressant de savoir qui a financé le réarmement de l’Allemagne dans les années 30

      Les américains montrent du doigt les financements argentins mais ce lien montre que les américains ont largement participé au réarmement de l’Allemagne. Quelle confiance peut-on attribué aux américains lorsqu’ils cherchent à s’exonérer de leurs propres maux ? Comme d’ailleurs ils ont financé dès les années 20 l’avènement du fascisme et du nazisme en Europe, avec leurs amis britanniques, les canadiens dans l’ombre ont toujours soutenu le nazisme.

    • Matlemat Matlemat 29 juin 02:43

      @Christophe
      Peut être que c’est les Patagons ont financés.. 😊. On a bien eu récemment une standing ovation d’un ss au parlement canadien. 


    • Matlemat Matlemat 29 juin 04:25

      @JPCiron
       Oui et s’enrichir en vendant des armes aux belligérants, cela a tellement bien marché dans le passé. 
       On maintient l’intégrité territoriale des alliés/vassaux et on divise, on morcelle le territoire des pays non coopératifs.


    • Matlemat Matlemat 29 juin 04:28

      @Enki
       J’aimais bien cet auteur des chroniques du grand jeu , j’ai même lu son livre ou un de ses livres, mais ayant peur sans doute d’être jugé pro-russe il a cessé d’être pertinent depuis février 2022. 


  • Seth 29 juin 16:29

    Et oui mais pas de chance : cette « Operation Unthinkable » fait partie de ces réalités choquantes sur lesquelles la plupart des « historiens » (ou ce qui en tient lieu) d’Europe continentale ne se penchent pas. Jusqu’à la gauche qui critique les historiens « communistes », préférant aller lire la droite, voire l’Action Française.

    Donc il ne reste qu’à aller rechercher chez les historiens anglo-saxons (pas forcément traduits) s’appuyant, eux, sur des archives et non sur des on-dit pour y voir plus clair.

    Les rapports suspects entre les « alliés » et le Reich sont particulièrement sombres et peu glorieux mais l’anti-soviétisme et la russophobie ambiante font ce qu’il faut pour les ignorer, y compris et surtout « à gauche ».


  • La Bête du Gévaudan 1er juillet 00:30

    il est très connu que les Britons ont lâché la Yougoslavie à Staline (alors que les Yougo ne voulaient pas des cocos) afin de conserver la Grèce (alors que la Grèce était coco)... Quant au largage de la Pologne par les anglo-saxons en faveur de Staline, c’est aussi expliqué par De Gaulle dans ses Mémoires.

    A part ça le socialisme de race nazi ou le socialisme de classe communiste ont tous les deux un bilan abominable... le premier adossé aux délires racistes d’Adolf Hitler et le second adossé aux sophismes économiques de Karl Marx... deux doctrines d’ailleurs nihilistes...

    le XXème siècle est là pour nous rappeler qu’il n’y a pas de « progressisme » de l’histoire... Même en pleine modernité technique et scientifique, la barbarie politique peut survenir... il suffit de voir la montée de l’islamisme (socialisme théocratique) aujourd’hui dans le monde, pour se rendre compte que l’abomination peut toujours frapper à nos portes.

    Il est d’ailleurs intéressant de noter que Churchill et De Gaulle ont tous les deux expliqués, dans leurs Mémoires respectives, avoir lutté pour la « civilisation chrétienne »...


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