Les femmes battues pourront bien attendre !

L'intention est bonne, le texte de la loi n° 2023-140 du 28 février 2023 est positif car elle instaure une aide universelle pour les victimes de violences conjugales. Les femmes victimes de violences conjugales pourront se mettre à l'abri et disposer de moyens pour subvenir à leurs besoins immédiats.
Malheureusement, cette loi n’entrera en vigueur qu’à une date fixée par décret au plus tard 9 mois après sa promulgation. Pourquoi faut-il attendre 9 mois le décret d’application ? Il y a urgence mais les victimes devront encore attendre !
Rappelons la situation actuelle :
Beaucoup de femmes qui fuient le domicile conjugal avec leurs enfants se retrouvent démunies, avec le risque de se voir retirer la garde de leurs enfants.
Nous avons connu des situations pareilles avec cette « mère courage » qui a fini par perdre la garde de ses quatre enfants – souffrance absolue. Un lien est maintenu entre la mère et les enfants mais il ne leur suffit absolument pas.
Nous ne sommes pas contre le placement d'enfants en cas de maltraitance mais nous estimons que si la misère est une maltraitance, elle touche autant la mère que les enfants.
Les femmes battues en ont assez d'attendre ; comme nous, elles demandent que cette loi soit applicable immédiatement – le décret peut être très vite publié.
Il y a beaucoup de mesures de protection à mettre en place immédiatement, comme celle de l'hébergement d'urgence.
Nous avons accompagné une jeune femme, victime de violences. Elle vivait à Melun avec sa fille jusqu'au moment où hébergée provisoirement par des amis, elle a dû, avec sa fille, s'adresser au 115 qui l'a envoyée à 60 km de là.
Cet éloignement n'est pas imputable à une mauvaise volonté des travailleurs sociaux qui font leur possible mais à une insuffisance de lieux d'hébergement dans le sud 77 trop saturé !
Le problème pour cette jeune femme c'est que sans ressource, elle se trouve confrontée au signalement émanant d’une directrice d'école maternelle et qui est arrivée sur le bureau de la Protection de l'enfance.
Devant le risque d’être séparée de sa fille, il lui a fallu très vite obtenir un certificat d'hébergement du 115 et l’inscription de son enfant dans une autre école proche de l'hôtel où elle réside.
Pourquoi cette diligence des services sociaux pour « menacer » la maman d'un placement alors qu’ils auraient dû se mobiliser pour l'accompagner et lui trouver un logement ? Rien ne garantit que la mère et la fille vont rester au même endroit. Les deux services dépendent pourtant tous deux du Conseil Départemental.
Comme l'explique un article du Parisien, la déscolarisation menace des enfants hébergés par le 115 :
Avec le manque criant de travailleurs sociaux rattachés au 115, cette dame et sa fille risquent de rester longtemps à l'hôtel avant d'obtenir un logement. Or la maman – qui a déjà travaillé – est prête à accepter un emploi, elle l’attend, même.
Certains lecteurs ironisent sur le contenu des articles posant des cas comme celui-ci quand ils ne manifestent pas leur hostilité. Qu'ils se rassurent : nous dénonçons mais nous ne pleurnichons pas. Cette jeune femme a été enfin hébergée ; nous la suivons et intervenons pour qu'elle puisse trouver une solution pérenne pour elle avec sa fille.
Smina Kernoua et Jean-François Chalot