Les leçons du 16 octobre 2018
Les leçons du 16 octobre :
Le 16 octobre 2018, on a assisté à deux petits évènements. Qui soulèvent peut-être une question méritant une plus ample réflexion.
1. Le président de la République a tenu divers propos destinés à susciter l’adhésion : Dans chaque phrase, il a dit ce que les catégories auxquelles ils s’adressait, allaient aimer entendre. Ou il a invoqué des sentiments nobles. Qui auraient pu être tenus par n’importe quel saint homme. Il n’a pas oublié non plus « l’oligarchie » puisqu’il a dit qu’il continuera la politique « nécessaire au pays ». (1)
2. L’un des dénonciateurs des règles des traités, M. Mélenchon, a été l’objet d’une perquisition ce 16 même octobre. Après que Mme Le Pen qui pratique les mêmes critiques desdits textes ait inauguré, il y a quelques temps en ce qui la concerne, des ennuis judiciaires comparables. Les deux, d’ailleurs, pour à peu près les mêmes raisons. Ce qui permet d’alimenter des campagnes de discrédit contre l’une et contre l’autre. Campagne qui va pouvoir (ça n’a d’ailleurs pas tardé) exploiter les réactions de M. Mélenchon face à « la Police qui fait son travail » et à la « Justice qui est indépendante » (2) .
On ne s’étonnera pas d’entendre dire avec complaisance dans l’entourage du président de la République que personne n’est au dessus des lois (… alors même que le président de la République est lui-même constitutionnellement « à côté » des lois) .
Mais ces procédures judiciaires qui s’additionnent, font penser à une autre arithmétique … de neutralisation (3)
La neutralisation de Mme Le Pen et celle de M. Mélenchon sont indispensables pour les tenants du système actuel.
D’une part, si l’on additionne les voix à l’élection présidentielle de 2017 de MM. Fillon et Macron - qui se sont prononcés pour les mesures techniques allant, (sous l’ habillage adéquat) dans le sens des objectifs et intérêts de « l’oligarchie »- , on atteint entre 42 et 43 % des électeurs inscrits. Si l’on additionne les seuls scores de Mme Le Pen et de M. Mélenchon (qui estiment que les pays européens ne doivent plus subir les mêmes règles), on obtient le même résultat. Si l’on ajoute aux précédentes, les voix qui se sont portées sur les candidats favorables à un « Frexit », les politiciens qui se sont mis au service de « l’oligarchie » sont minoritaires. Sans même qu’il faille ajouter les voix de ceux des abstentionnistes qui ne votent pas parce qu’ils sont résignés à subir ce qui ne leur plait pas.
D’autre part, les électeurs ont montré dans certains autres pays qu’il était possible matériellement de s’échapper de l’application des traités économico-financiers. La Grande Bretagne est sortie de ce système. Des majorités se forment ailleurs pour arriver possiblement au même résultat.
Ce qui est extrêmement embêtant pour « l’oligarchie ». Dont les représentants s’époumonent en vain (leurs mots ne font plus peur) à vouer aux gémonies les « populistes », les « souverainistes », et autres gens dangereux et/ou ignobles d’extrême droite ou d’extrême gauche.
Certes, on ne sait pas quelle situation peut permettre que s’additionnent les voix obtenues par Mme Le Pen, par M. Mélenchon, et par les candidats aspirant au « Frexit ». Mais la chose n’est pas à exclure. (NB. Les Français sont d’autant plus capables de faire « le coup » qu’ils l’ont fait une première fois en 2005). Au moins si les politiques se mettent à traiter les questions (indépendamment des questions de personnes) dans la chronologique imposée par la logique :
a.) se séparer de ceux qui travaillent pour l’oligarchie et libérer le pays des règles fabriquées en vue de la satisfaction des intérêts de cette dernière.
b). (seulement après) : mettre en place un nouveau gouvernement dont les membres accepteront de travailler ensemble, et qui, probablement - mais c’est une question secondaire- ne comprendra pas forcément tous les contributeurs à l’opération de « nettoyage » .
Après quoi, … la vie continuera.
Marcel-M. MONIN m. de conf. hon. des universités
(1) Cette formule « oxymorique » mérite d’être relevée. Elle est assez osée sous un certain rapport. Quand on analyse les mesures qui sont prises depuis le début du quinquennat en cours , on observe qu’elle s’inscrivent dans la droite ligne de la politique inscrite dans les traités ( Lisbonne, Marrakech, et quelques autres) dont le contenu sert les intérêts de ce qu’on appelle communément « l’oligarchie » ( allégement ou suppression des services publics, diminution des charges salariales et suppression des garanties existant jadis dans les lois sur le travail, liberté de circulation des capitaux et de la spéculation financière, recul de l’Etat, y compris dans des missions régaliennes, etc…etc…)
Or, considérer que l’intérêt de l’oligarchie est l’intérêt du pays, ne relève pas des évidences scientifiques. Surtout qu’à côté de l’idéologie du ruissellement imaginée par certains économistes engagés aux côtés de l’oligarchie ( il faut des riches si l’on veut que les pauvres mangent ) ou des politiques adeptes des premiers de cordée , existent les études d’autres économistes -souvent prix Nobel- travaillant ( au sein de centres indépendants de recherche) à la conception d’ une société fonctionnant dans la recherche des équilibres, du plein emploi, etc…
Par ailleurs la formule est assez osée puisque que depuis des années, on connait les ravages que produit la mise en œuvre de ces conceptions.
(2) La Justice est juridiquement indépendante. Ce qui n’interdit pas à chaque magistrat d’avoir sa personnalité : certains sont lents, d’autres ont l’acte de procédure rapide ; certains voient clair, d’autres ont des problèmes de vue ; certains pensent à leur avancement, d’autres y renoncent ; certains ont des fréquentations, d’autres répugnent aux mondanités du monde politique ou industriel … Ce qui fait que « l’indépendance de la Justice » est une notion en réalité complexe.
(3) Celle de la loi des apparentements : Début mai 1951 les députés S.F.I.O. et M.R.P. votèrent en prévision des élections de juin 1951 un mode de scrutin compliqué. Cette loi dite des apparentements, était destinée à empêcher les Communistes et les Gaullistes, formations opposées entre elles, mais hostiles aux gens en place, de constituer une « majorité négative ». Dans le cadre du département (ou d’une division des plus grands des départements), scrutin de liste à un tour, les listes déclarant si elles « s’apparentent » ou non. Si les listes apparentées obtiennent dans le département la majorité des suffrages, aucun siège ne va aux autres listes. Les sièges à pourvoir dans le département sont répartis entre les listes apparentées à la proportionnelle. Si les listes apparentées n’obtiennent pas la majorité absolue des suffrages, les sièges du département sont alors répartis entre toutes les listes suivant la règle de la plus forte moyenne (plus forte moyenne qui doit favoriser les SFIO/MRP). En outre le panachage et le vote préférentiel sont autorisés. Le scrutin du 17 juin 1951 donne les 2/3 des sièges aux partis apparentés avec 51 % des suffrages. Dans la coalition, le parti socialiste avec environ 15 % des voix, a autant de sièges que le parti communiste qui a 26 % des voix. Le parti communiste perd 70 députés (il passe de 165 à 95 députés). Les gaullistes font 22 % des voix et obtiennent 106 sièges. Le résultat escompté est atteint