vendredi 5 juillet 2019 - par Desmaretz Gérard

Les mécanismes de la noyade

« La noyade est définie comme une insuffisance respiratoire aiguë résultant d'une immersion ou d'une submersion en milieu liquide, l'eau le plus souvent  » (OMS). Les noyades ont fait 1266 victimes dont 436 morts pour l'année 2018 ! Les personnes les plus à risque sont les personnes âgées de plus de 65 ans et les enfants de moins de 5 ans. La cause de la noyade peut être : accidentelle (88%) - intentionnelle (suicide, criminelle) 11% - liée à une imprudence. Autant dire que les causes sont variées, le promeneur ou le plaisancier qui tombe à l'eau, le nageur qui fait un malaise, le téméraire qui a présumé de ses capacités aquatiques, l'apnéïste qui a dépassé ses limites, le plongeur autonome victime d'un sur-accident, etc.

Si on ne fait plus le distinguo entre la noyade primaire ; la victime a respiré de l'eau (noyé bleu), ou secondaire ; la mort survient après une perte de connaissance (noyé « blanc), celui-ci aide à comprendre les mécanismes de la noyade. La victime en difficultés peut faire le « bouchon » et la noyade être la conséquence d'un malaise cardiaque, d'une crise d'épilepsie, d'une peur panique, d'un essoufflement, d'une hypoglycémie, d'un malaise vagal ; soit couler à pic suite à un état syncopal pouvant résulter d'une cause traumatique : choc direct (plexus), cervical, génital, plongeon mal effectué, chute accidentelle, saut d'hélicoptère ou aérolargage, choc thermique ou choc allergique (hydro-allergie, méduse, pastenague, etc.).

La gorge se divise en trois parties, la zone supérieure (rhyno-pharynx) qui commence aux cavités nasales, la zone moyenne (oropharynx) sous le palais où les voies aériennes se mêlent aux voies digestives pour se séparer dans la partie inférieure (laryngo-pharynx). Le larynx débouche dans la trachée qui conduit aux poumons et juste derrière se trouve l'œsophage qui s'achève dans l'estomac. On peut respirer ou déglutir, mais on ne peut faire les deux en même temps. L'épiglotte fait office de clapet étanche entre la voie aérienne et la voie alimentaire. La déglutition ne peut se faire à vide, une excitation pharyngée est nécessaire pour déclencher le réflexe, quelques gouttes d'eau ou de salive suffisent à le provoquer (La déglutition s'accompagne de l'ouverture de la trompe d'Eustache). La déglutition est due essentiellement à une contraction de la langue qui se soulève et repousse le liquide pour le faire franchir le palais. Lorsque le nageur « boit la tasse », une faible quantité d'eau pénètre dans le pharynx, celui-ci se ferme automatiquement (laryngospasme), une quinte de toux permet généralement de libérer la trachée (le même réflexe peut prendre son départ au niveau de la muqueuse nasale). Si l'entrée d'eau se produit à la fin d'une expiration forcée, le nageur ne peut l'expulser, il doit bloquer sa respiration pour éviter la réouverture du larynx. Le manque d'oxygène (hypoxie) puis l'excès de gaz carbonique (hypercapnie) vont déclencher la reprise respiratoire et la submersion des voies respiratoires entraîner l'asphyxie, c'est la noyade.

La respiration est un acte automatique ne nécessitant pas l'intervention de la volonté, mais que l'on peut suspendre par un effort de volonté. La ventilation pulmonaire doit pouvoir s'adapter aux besoins en oxygène et à l'élimination du CO2, l'inspiration et l'expiration sont commandées par des centres nerveux respiratoires situés à la base du cerveau et dans le bulbe rachidien sensibles à la composition chimique du sang (O2, CO2, pH). L'apnée peut donc être volontaire ou consécutive à un réflexe. En surface c'est la noyade qui entraine l'hypoxie, en apnée c'est l'hypoxie qui est cause de la noyade par la syncope.

L'apnéïste utilise l'oxygène contenue dans ses poumons et son sang et accumule du CO2. La durée de la suspension de la respiration sera d'autant plus longue que les réserves d'oxygène seront grandes : capacité pulmonaire, hyperventilation ou respiration préalable d'O2. L'hyperventilation n'est pas exempte de danger, elle entraîne une saturation du sang en oxygène, mais surtout une diminution du CO² alvéolaire qui entraîne la baisse de la tension du CO² dans le sang avec pour conséquence de retarder la réaction du bulbe rachidien ! La descente tête en bas favorise l’irrigation cérébrale. Parvenu à la profondeur souhaitée, l'apnéïste adopte souvent une position horizontale, le cœur n'a plus à compenser la différence de pression entre les extrémités du corps. Le froid et les efforts accélèrent le rythme cardiaque et accroissent la consommation d'oxygène, au delà d'une certaine durée, le sujet ressent l'envie de respirer (l'entrainement permet d'accroitre la durée de l'apnée et l'apnéïste peut poursuivre l'apnée au delà des spasmes diaphragmatiques..., la syncope peut alors être soudaine). Un mécanisme insidieux se déroule, l'augmentation de la pression hydrostatique trompe les réflexes inspiratoires. Lors de la remontée, la tension d'oxygène va diminuer progressivement et l'hypoxie s'installer, l'apnéïste peut être victime d'une syncope avant d'atteindre la surface (rendez-vous syncopal des 7 mètres décrit par Raymond Sciarli en 1961). Si de l'eau a pénétré dans le système respiratoire, il faut impérativement consulter un médecin, même si on a l'impression que tout « va bien ». L'épisode peut déboucher sur un œdème (l'eau inhalée détruit les parois alvéolaires) et déclencher un réflexe de fermeture des voies respiratoires ; « noyade sèche ».

Chez le plongeur, l'inondation des bronches peut être totale soit partielle car l'eau ne pénètre pas soudainement dans les voies respiratoires (le mélange respiré contenu à l'intérieur des poumons contribue à l'équipression). L'eau va pénétrer d'autant plus « lentement » que le plongeur porte un embout couvre-lèvres (plongeur militaire). Plusieurs exercices ou accidents peuvent être à l'origine d'une noyade : la manœuvre de Valsalva peut déclencher une syncope chez un plongeur hypervagotonique ("sensibilité du SNA régi par le pneumogastrique"), l'échange d'embout, l'arrachage du masque, le blocage du détendeur, la narcose, les coliques du scaphandrier ou aérocolie (douleurs brutales et violentes pouvant être syncopales). Les plongeurs utilisant un recycleur sont concernés par : la crise hyperoxique, hypoxique, l'intoxication CO2, l'essoufflement du "nageur de combat" ou l'absorption de chaux sodée .

Un autre danger guette la victime, l'eau froide. L'homme est un animal homéotherme, il maintient sa température centrale à 37°C. L'homme se refroidit 25 fois plus dans une eau à 20°C et perd, au repos, 13 kilo-calories par mètre carré de surface corporelle. La température de neutralité thermique, de l'ordre de 25°C dans l'air, est de 35°C dans l'eau. Les échanges thermiques dépendent du courant, des mouvements de la victime, des vagues, de la position adoptée, de la température de l'eau, de la morphologie, des vêtements portés (La combinaison isolante portée par les employés des plateformes pétrolières permet une survie de 18 heures dans une eau à 0°C, baisse de la température centrale de 2°C toutes les 6 heures).

Une chute dans de l'eau froide entraîne d'importantes réactions physiologiques : suspension momentanée de la respiration (souffle coupé), les vaisseaux vont diminuer de diamètre (vasoconstriction), le choc thermo-différentiel est d'autant plus important que la victime s'est exposée au soleil.

Temp - Perte de conscience - Survie moyenne

0° :   - 15 min            - 15 à 30 min.

5° :   - 20 min            - 40 min.

10° :  - 30 min à 1 heure     - 1 à 2 h.

15° :  - 2 à 4 h            - 6 à 8 h.

21° :  - 5 à 8 h            - 24 h.

26° :  - 10 à 20 h          - 2 à 3 jours.

A 36°C (TC) : l'organisme cherche à lutter contre la baisse de température, augmentation de la fréquence cardiaque et de la consommation d'oxygène ;

à 35°C : apparition de frissons, irritabilité et diminution de la volonté ;

à 34°C : altération de la mémoire, contractures musculaires, perte du contact avec la réalité ;

à 33°C : les erreurs d'appréciation de la situation redoublent ;

à 32°C : la disparition des frissons marque l'entrée dans une hypothermie grave ;

à 30°C : l'arythmie cardiaque est installée, rigidité musculaire, la victime n'éprouve plus de réaction à la douleur et devient incapable de faire un mouvement. La perte de conscience est possible ;

à 28°C : œdèmes : hémorragie cérébrale. La mort peut survenir par fibrillation ventriculaire ;

à 27°C : état de mort apparente ;

à 20°C : arrêt cardiaque.

On ne doit jamais réchauffer un noyé inconscient ayant séjourné dans une eau froide, l'hypothermie préserve les fonctions bulbaires et augmente de délai de survie. La consommation d'oxygène est diminuée de 35 % à 25°C et la consommation cérébrale dans un rapport de 7 à 1 (Le débit sanguin cérébral baisse de 6 à 7 % par degré de température centrale décroissante). Des noyés ont pu être réanimés après avoir séjourné 60 minutes dans une eau glacée. Si l'on réchauffe le noyé, la vasoconstriction cesse, permettant le rétablissement de la circulation. Cette arrivée de sang en provenance des organes profonds dans la zone superficielle du corps encore froid, se refroidi avant de retourner dans les centres vitaux. Les centres vitaux profonds représentent 65 % de la masse corporelle, et la zone superficielle dont la température est variable, environ 35 %.

L'Institut national de veille sanitaire a retenu quatre stades de la noyade :

Stade I : aquastress - angoisse, tachycardie, tremblements, hyperventilation sans inhalation de liquide.

Stade II : petite noyade - encombrement bronchopulmonaire, cyanose, hypothermie, agitation.

Stade III : grande noyade - détresse respiratoire aiguë, obnubilation, coma.

Stade IV : anoxie - arrêt cardiorespiratoire, coma aréactif.

Les effets de la noyade se poursuivent par la mort apparente (le cœur bat encore) - la mort clinique (fibrillation cardiaque, le cœur continue à battre 4 à 10 minutes après l'arrêt respiratoire) - la mort réelle avec l'arrêt cardiaque irréversible, suspension de la circulation cérébrale et anoxie du tronc cérébral. Les chances de survie dépendent du temps écoulé, l'arrêt circulatoire survient entre la 3° et la 4° minute et les dégâts du cerveau sont irréversibles au bout de 3 à 4 minutes, soit 6 à 8 minutes au total.

- 95 % de survies après 1 minute de submersion

- 75 % ; 3 min.

- 25 % ; 6 min.

- 3 % ; 8 min.

Les poumons, l'estomac noyés de plusieurs litres d'eau, le corps coule lentement vers le fond. Sous l'effet de la putréfaction, le corps remonte vers la surface ; le corps de l'homme en décubitus ventral les genoux fléchis, celui de la femme en décubitus dorsal, pour les plongeurs cela dépend de leur équipement. Le corps peut remonter au bout de 24 heures, voire après plusieurs semaines selon : la température de l'eau, la salinité, la profondeur, le lestage, les blessures, l'effet de succion du fond (vase). Plus l'eau est chaude et ou salée, plus le corps rejoint la surface "rapidement" (quelques jours).

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6 réactions


  • Francis, agnotologue JL 5 juillet 2019 10:03

    Bonjour Desmaretz Gérard,

     

    merci pour ces infos.

     

     Je suis étonné qu’on puisse survivre delà de quelques heures après un arrêt respiratoire.


  • nono le simplet 5 juillet 2019 12:59

    l’apnée juvénile ça file des boutons ...


  • zygzornifle zygzornifle 5 juillet 2019 14:39

    « la noyade pour les nuls » en vente dans les FNAC ....


  • UnLorrain 7 juillet 2019 12:20

    Article très intéressant merci a son auteur.

    J’ai de plus en plus souvent,au niveau de mon plexus ( solaire il se disait antan je crois ) des spasmes ou ressemblant a des coups,des pulsations, que je croyais provenir de mon coeur. Passablement inquiétant comme « truc ». Le plexus,est-il en fait,un ganglion lymphatique, le plus gros et important ?


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