mercredi 14 décembre 2016 - par kssard

Les médias cadenassés

En 1840, Balzac affirmait « La presse est en France un quatrième pouvoir (en référence pouvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire) dans l'État : elle attaque tout et personne ne l'attaque.  L'essor de la presse a souvent été accompagné de grands combats comme l’affaire Dreyfus (1896/1899) avec le célèbre J’accuse d’Emile Zola, qui marqua alors l’importance de l’information.

Ces préambules sont enseignés dans les écoles de journalisme mais aujourd'hui la réalité est toute autre. Le quatrième pouvoir est depuis longtemps digéré et asservi par le politique au service du libéralisme. Il est cadenassé à la fois par les grandes agences de presse, par les multinationales ou les banques qui détiennent le capital des médias, plus spécifiquement pour la presse écrite par les subventions publiques. Comme si cela ne suffisait pas, le parlement européen a émis le 23 novembre une résolution contre les médias russe. 

Le grand public n'a souvent pas connaissance de l'existence des grandes agences de presse.

Elles constituent pourtant l'ossature de tout le système médiatique dans le monde atlantiste. La majorité des nouvelles internationales proviennent de quatre agences de presse basées à New York, Paris, Londres et Berlin.

Elles donnent le LA à l'ensemble des médias. Qu'il s'agisse de l'élection américaine, de la Russie, de l'Ukraine, de la Syrie ou des institutions européenne, c'est une ligne éditoriale parfaitement calibrée et sans surprise. Autant dire qu'il s'agit d'agences patentées de l'OTAN qui se nourrissent notamment, de la guerre froide, de l'ennemi russe alors que le pacte de Varsovie est pourtant dissous depuis 1991 et qui protègent l'establishment financier Wall Street, la City, la BCE, le quantitative easing, la commission européenne, etc, etc....

 

Ces agences sont principalement au nombre de quatre

• L’agence américaine Associated Press (AP), avec plus de 4 000 employés dans le monde entier, AP appartient aux entreprises de médias des États-Unis et à sa rédaction principale à New York. Les informations de l’AP sont utilisées par environ 12 000 médias et atteignent ainsi chaque jour plus de la moitié de la population mondiale.

L’Agence France Presse (AFP), qui est quasiment publique, a son siège à Paris et emploie également environ 4 000 personnes. Chaque jour, l’AFP expédie plus de 3 000 informations et 2 500 photos à des médias dans le monde entier.

L’agence britannique Reuters à Londres, est une agence privée, et emploie un peu plus de 3 000 personnes. En 2008, Reuters a été acheté par Thomson le patron canadien des médias – une des 25 personnes les plus riches du monde – et a fusionné en Thomson Reuters dont le siège est à New York.

L’agence de presse allemande (DPA) emploie environ 1 000 journalistes dans environ 100 pays. La DPA possède des maisons d’édition de médias allemands et des stations de radiodiffusion. Sa rédaction principale est depuis 2010 dans la Axel-Springer-Hochhaus à Berlin. La DPA collabore étroitement avec l’AP américaine et possède la licence pour la commercialisation des services de l’AP dans l’espace germanophone. Si on regarde de plus près, on constate que les sujets traités par ces quatre agences de presse ainsi que les angles d’attaques sont le plus souvent les mêmes.

 

Appartenance des grands médias aux entreprises multinationales ou aux banques.

Qu''il s'agisse de la presse écrite ou des chaînes de télévision, elles appartiennent maintenant soit aux banques soit aux entreprises multinationales. Dans les années 90, les médias s'interrogeaient sur ce qui pouvait bien pousser les banques ou les grandes entreprises à procéder à ces acquisitions, en invoquant le mécénat, l'image de l'entreprise qui en sortait grandie. A ce sujet, lire l'excellent livre de Laurent Mauduit aux éditions Don Quichotte, 442 pages, 19 euros.

Il évoque de manière explicite un certain nombre d'exemples :

- Bolloré – Canal+

- Patrick Drahi, le propriétaire de SFR, détient aussi LibérationL’Express, BFM et RMC.

- Un trio d’hommes d’affaires qui possède le Monde ainsi que l’ex-Nouvel Observateur : entre Xavier Niel, le patron de l’opérateur Free qui a fait fortune dans le Minitel rose, Mathieu Pigasse, qualifié d’« Alain Minc en plus jeune », et Pierre Bergé « vieil oligarque ombrageux et arrogant »

 

Depuis qu’une poignée d’hommes d’affaires se sont accaparés les principaux médias, on assiste à la multiplication de procédés tels que « censures, autocensures, normalisations éditoriales, information low cost, javellisée ou aseptisée ». Pire encore, tout cela se déroule sous les yeux des pouvoirs publics qui, dans le meilleur des cas, laissent faire voire soutiennent ou participent à cette prise en main.

 

Troisième pathologie du système médiatique touchant la presse écrite, son subventionnement.

La Cour de Comptes en 2014 avait dressé un rapport accablant. Ces aides sont de l'ordre de 280 millions d'euros. Sur les période 2009-2011, voici les trois titres les plus grâcement dotés

- Le Monde 18 465 277 €

- Le Figaro 17 217154 €

- Ouest France 15 784 440 €

 

Ces aides qui sont censées garantir la pluralité de la presse amènent naturellement les rédactions à produire des lignes éditoriales censées ne pas déplaire à nos gouvernants pour se donner le maximum de chances de voir la-dite subvention reconduite chaque année par la nouvelle loi de finances. C'est le type même de mesure qui procède de la bonne intention mais qui produit l'effet inverse à celui recherché.

 

Cerise sur le gâteau : la résolution le 23 novembre du parlement européen contre la presse russe.

Cette résolution s'appuie sur le préambule suivant : « La pression en matière de propagande subie par l'UE de la part de la Russie et des groupes terroristes islamistes est grandissante,...... La désinformation cherche à dénaturer la vérité, à inciter à la peur, à provoquer le doute et à diviser l'Union. ….Un plus grand investissement dans les médias en ligne et locaux, le journalisme d'investigation et la maîtrise de l'information sont également des pistes suggérées par les députés.  »

On croit rêver, « un plus grand investissement dans les médias en ligne, le journalisme d'investigation et la maîtrise de l'information ». Je pense que l'on est ici en présence « du mal absolu », de la quintessence de ce que la ploutocratie européenne est capable de produire. Ceux qui comme moi craignent maintenant d'allumer leur télé ou leur radio du fait de la couverture médiatique malhonnête sur la Russie, l'Ukraine, la Crimée, le Kosovo , la Syrie vont être servis.....

 

Messieurs les journalistes qui évoquez si souvent l'amour de votre métier et votre déontologie vous ne devez pas être très à l'aise en ce moment. En d'autres termes le temps est peu être venu de changer de métiers pour certains. Pour ma part, il y a longtemps que je suis obligé d'aller chercher mon information ailleurs que dans les médias mainstream pour lesquels j'ai perdu toute confiance du fait des raisons évoquées dans cet article.

 

 

En savoir plus : https://fr.sputniknews.com/international/201612071029057249-medias-invisibles-propagande/

http://www.force-ouvriere.fr/laurent-mauduit-lance-un-avis-de-tempete-sur-la-liberte-de-la

https://www.contrepoints.org/2015/01/17/194753-stop-aux-subventions-a-la-presse

https://www.monde-diplomatique.fr/2014/11/FONTENELLE/50945

http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/20161118IPR51718/les-propagandes-anti-ue-russe-et-des-groupes-terroristes-islamistes-alarmantes

 



22 réactions


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 14 décembre 2016 08:45

    Je vous cite :


    « Elles (les agences de presses) donnent le LA à l’ensemble des médias. »

    Pour avoir travaillé (en mon adolescence, comme disait Cendrars) au service des « téléscripteurs » d’un grand journal régional autrefois (je triais les dépêches et les portais au rédacteur en chef qui les donnait avec l’« imprimatur » aux rédacteurs concernés), je peux vous dire que la production des agences de presse était déjà carrément la « partition orchestrée » de 95% des articles dont l’intérêt et l’action dépassait un rayon de 50 km.

    • kssard kssard 15 décembre 2016 00:27

      @Jeussey de Sourcesûre

      Oui donner le LA est sans doute la mission essentielle des agences de presse. 
      D’ailleurs, nos gouvernants de gauche et de droite qui ont pourtant privatisé à peu près tous ce qui leur passait par le tête, se sont bien gardés de privatiser l’AFP. 

  • Victor 14 décembre 2016 08:51

    Un peu de presse russe sur le mensonge syrien (casques blancs OSDH, 2012) :
     
    https://francais.rt.com/international/30587-onu-journaliste-dement-rhetorique-presse-syrie
     
    Après la propagande de l’oligarchie capitaliste et de son valet gogoche est facile à décrypter :
    - apologie de l’immigration
    - apologie du droitdelhommisme anti-russe, anti-Assad, anti-Iran, pro-migrant etc...
    - apologie de la destruction des valeurs humaines, gpa etc... (spécialité de gogoche)
    - apologie de la consommation


  • Alpo47 Alpo47 14 décembre 2016 10:05

    Je crois que l’on peut dire que plus personne n ’a d’illusion sur le désir d’objectivité de nos médias. Ils sont aux ordres de leur propriétaires, industriels ou financiers, qui eux même veulent absolument maintenir l’ordre établi. On les comprend.
    Pour exemple, l’absence totale d’objectivité dans le traitement de « l’affaire Syrienne » et de qui a massacré qui, comme de ce qui s’est passé en Libye ... etc ...
     
    Politiques et journalistes sont à mettre dans le même panier et suscitent l’opprobre publique, sinon le rejet total. Le mensonge est leur mode de vie.


    • eric 14 décembre 2016 22:21

      @Alpo47

      C’est à l’évidence une mauvaise lecture de nos médias qui vous conduit à de telles conclusions.

      D’après différents sondages, nos journalistes sont encore plus à gauche que nos fonctionnaires. On parle de 70% et plus. Ils sont spontanément « anti capitalistes », « anti marché », « anti finance ».

      D’une manière générale, les seuls financiers,propriétaires,industriels qui investissent dans des médias d’opinion, qui, en particulier en France, sont à peu prêt tous déficitaires, sont des gens qui ont besoin de bon rapport avec l’état. Des gens dont les marchés dépendent moins des réels besoins que des décisions politiques. C’est parce qu’ils sont tenus par les politiques qu’ils investissent dans les médias. Sinon, qui aurait envie de perdre de l’argent ?

      Le schéma type, c’est, un média qui appartient à un marchand d’arme a fait un papier positif sur un personnage de la majorité, d’autres personnalités de la même majorité, l’appel sur le thème, « la prochaine commande d’avions, tu la veux vraiment ? », et hop, un journaliste est chargé de faire un article très politique sur un autre personnage de la même majorité concurrent...
      Dans le métier, il parait que l’on nomme cela une « calinette... »

      Quand à leurs positions sur la Syrie etc, c’est plus complexe, mais il ne faut pas négliger leur faible niveau d’ensemble. Comme les médias sont mauvais, ils sont en perte et subventionné, ils payent mal, ils recrutent pas au plus haut niveau.


  • rogal 14 décembre 2016 10:48

    Guidé par son saint flair, François-le-Pape a récemment accusé les fidèles d’une certaine presse de se comportes en coprophiles. Ce faisant, le Saint Père a consacré l’apparition du néologisme merdium,i (qui donne merdia aux nominatif, vocatif et accusatif pluriels).


  • baldis30 14 décembre 2016 11:50

    Aujourd’hui en page une les journalistes de Libération ont avalé

    a) leurs chapeaux,

    b) leurs stylos,

    c) leurs crayons

    Avec la claque que les djihadistes ont reçu à Alep !

    Il va être dur de prendre les virages ....


  • velosolex velosolex 14 décembre 2016 12:35

    Bon article. Orwell eut bien du mal lui même à se faire admette, accusé d’être à la solde de l’impérialisme par certains, et d’être socialo communiste pour d’autres. Ca ne plait jamais d’être critique envers le curé, quand vous avez été baptisé, ou que vous continuez à assister à la messe. Il y a des lignes dans lesquelles on doit placer ses critiques et ses indignations, sans franchir la ligne rouge invisible...

    Maintenant l’objectivité, je ne sais pas si c’est un repère, plutôt un trompe l’œil, attendu que nous décrivons une scène de crime selon nos indignations, et nos espérances. Notre culture aussi. Pas beaucoup s’en échappent. Orwell surement. Mais actuellement, la plupart des journalistes viennent de la même classe, du même formatage, sont soumis aux mêmes obligations. 
    Il faut donc parler du courage, de l’indignation. Les indignés manquent énormément. Et bien sûr de la culture, et du vécu, sans laquelle vous serez toujours un imbécile, ayant besoin d’un poisson pilote avant de réagir. 

    • kssard kssard 14 décembre 2016 13:55

      @velosolex

      Merci pour « le bon article ». C’est apprécié à sa juste valeur. 

      Oui, Georges Orwell, un écrivain, un journaliste, un visionnaire qui en avait.... Une pure référence. 
      Pour les personnes intéressées : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Orwell

      Simplement aujourd’hui je dirais que la vision Orwellienne de 1984 est dépassée tant les médias et les rédactions sont asservis à l’Atlantisme de l’Oncle Sam. 

    • velosolex velosolex 14 décembre 2016 17:42

      @kssard
      Oui, vous avez raison. Orwell lui même aujourd’hui se serait adapté, aurait varié ses indignations, dans ce monde unipolaire où le capital est devenu le grand impérialisme. Il lui faudrait aussi s’adapter aux lecteurs, à la baisse d’exigence de ceux ci, formatés par l’écran, les réactions binaire d’appartenance, on et off, la vérité n’existant pas, mais l’équilibre. Et celui ci dépend d’une adaptation constantes aux contraintes, aux messages des big brother d’industrie qui formatent le marché, la grande affaire, l’idéologie n’existant pas ailleurs.


  • bouffon(s) du roi bouffon(s) du roi 14 décembre 2016 15:35

    À quoi servent les journalistes ? Entretien avec Jacques Bouveresse à propos de Schmock ou le triomphe du journalisme. La grande bataille de Karl Kraus.
    http://autourdejacquesbouveresse.blogspot.fr/2011/04/quoi-servent-les-journalistes-entretien.html


  • pastounak pastounak 14 décembre 2016 19:15

    Je viens illustrer votre article avec ce qui m’est arrivé il y a peu.
    Je peux répondre de mon identité si il le faut pour confirmer la véracité de ce que j’avance.

    http://zupimages.net/up/16/50/m17n.png


    • kssard kssard 14 décembre 2016 19:25

      @pastounak


      Si je comprends bien votre intervention a été effacée de Courrier International. 

      Cela ne serait effectivement pas étonnant compte tenu de la ligne éditoriale 100% Atlantiste de CI. 

  • pastounak pastounak 14 décembre 2016 21:48

    C’est bien ça. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’un lien, qui aurait pu gêner à la publication de mon commentaire, certain site ne souhaite pas rendre possible l’intégration de liens dans les commentaires, au risque qu’il soit vecteur d’infection informatique diverse. 

    Hélas, comme trop souvent le capital des personnes qui détiennent font fonction de l’agenda politique et des quatre pôles d’informations en occident.

    Combien de fois le dernier hôpital d’Alep va t-il être démoli ? Peut-être quand les journalistes français ne seront plus des étudiants imberbe avec 4 CDD de journaliste à temps partiel.

    Triste époque..


  • pemile pemile 14 décembre 2016 22:36

    Bourdin a lancé un sondage en ligne sur Twitter pour savoir si les utilisateurs pensaient que les journalistes étaient des menteurs

    https://francais.rt.com/france/30604-bourdin-demande-internautes-si-medias-mentent


    • kssard kssard 14 décembre 2016 23:05
        @pemile

        Excellent, et merci pour le sondage RMC JJ. Bourdin
        J

        Est-ce que les médias nous mentent ? Votez 

        91%Oui
        9%Non
        7 958 votesRésultats finaux


  • Sergio Sergio57 14 décembre 2016 23:40

    Jeune, sortant d’une formation en photographie, il m’est arrivé de faire des piges dans un journal local. Fort de ma démarche artistique, sujet, sensibilité et émotion, cadrage, ambiance ..., on me demande de couvrir une pièce de théâtre. J’y vais, fais les clichés, les développements .... Le rédacteur me convoque et me dit : "Beau boulot, mais on s’en fout, la prochaine fois tu photographies le public, car c’est lui qui achète le journal et il veut s’y voir !


    • kssard kssard 15 décembre 2016 00:35

      @Sergio57

      Le marketing en effet peu aussi conduire à bien des travers. C’est notamment le cas des « publi-reportage » pour lesquels si l’on y prend pas garde s’apparentent à de l’information alors qu’ils ne sont en fait que pur business. 

    • VICTOR Ayoli VICTOR 15 décembre 2016 18:21

      @Sergio57
      Eh oui...
      J’ai vécu une pareillle remise à niveau lorsque j’étais jeune journaliste et que je voulais, évidemment, refaire le monde. Mon rédac chef, qui avait de l’humour, m’a dit : « Victor, nos lecteurs sont les plus intelligents du monde, puisqu’ils nous lisent ! Nous aurions donc mauvaise grâce à nous montrer plus intelligents qu’eux » !


  • InternetDev InternetDev 15 décembre 2016 08:41

    une excellente série de documentaires à voir .. les filmes de Pierre Carles

    L’exemple Michelle Cota entres-autres : https://youtu.be/UfDyJM3yqW0?t=5024

    Pas vu pas pris / Hollande D.S.K. etc / etc...

    Ici, par exemple .... Pujadas prônant le non « politiquement correct » , le Zemourisme, pour le dire autrement :
    - Quand Pujadas le chien de garde promeut la Lepenisation politique (ce qu’il appelle fallacieusement l’anti-« poliquement correct » )..


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