Les mille et une nuits d’un président

Il était une fois un président changeant. Vous savez, genre « souvent femme varie, bien fol qui s’y fie » ou « les promesses n’engagent que ceux qui les croient » (dont Kadhafi) ». Un président qui affirmait concernant ces adversaires que le « demain on rase gratis » est signe d’une légèreté dangereuse et hypocrite. Bref, le genre de président qui tout en sifflotant pénard « un jour tu verras… » indique du regard « lisez sur mes lèvres » pour bien indiquer sa détermination virile. Président de la parole disent certains ; cependant, il y a parole et parole. Cette que l’on tient, et celle que l’on oublie avant même la fin de la phrase. Il se définit, ce président, comme énergique et autoritaire, comme faiseur de rois et de l’Euro, que dis-je, de la paix mondiale et de l’ordre universel. Mais en fait, son béguin c’est sans doute d’être commentateur de l’actualité. Là où elle va, il va. Surtout si cette dernière, paresseuse et écervelée, s’attarde sur des voitures brûlées, des adolescents à la dérive, ou des vieux messieurs-dames en perte de mémoire. Maintenant que certaines banlieues s’auto-ordonnent à coup de fusil d’assaut et ont chassé au karcher tout représentant d’un Etat anémique, il se reprend à siffloter « un jour, tu verras… »
« Travailler plus pour gagner plus » disait-il avant d’être élu, mais aujourd’hui, le nombre de chômeurs ayant battu tous les records pendant son quinquennat, il fait plutôt figure de disciple de Paul Lafargue et de son « éloge à la paresse ». Il disait aussi, comme ministre de l’intérieur, qu’il serait sage de faire voter les étrangers aux élections locales. Mais comme les temps changent, il considère désormais que c’est une idée désastreuse et populiste. Lui, il n’est pas du tout populiste quand il propose d’installer une taxe Tobin aux transactions financières en France, qu’au contraire, c’est faire preuve de volontarisme politique. Mais il disait aussi, il n’y a pas si longtemps que ça, que le faire tout seul dans son coin est une absurdité dangereuse, un non-sens, une aberration. En fait, ce président produit discours et anti discours, il n’a pas besoin de détracteurs, d’opposants, d’ailleurs il le pense et il le dit : plus ça va mal (à cause de lui) et plus il se considère comme la seule solution. C’est vrai : qui d’autre que lui dément ses (propres) faits et paroles avec autant de constance et de fougue ? Y a-t-il phrase plus assassine, concernant son bilan sur l’emploi, que sa tirade de 2007 : « Depuis vingt-cinq ans, on vous dit que le plein emploi est impossible et que le chômage est une fatalité. Rien n’est plus faux. » Son slogan préféré (et perpétuel) c’est « vous allez voir ce que vous allez voir ». Comme on ne voit rien, il répète, comme un disque rayé « vous allez voir ce que vous allez voir » et parfois on finit par voir : tenez, le grand emprunt, on l’a vu puis on l’a plus vu, puisque « l’effort ne sera pas reconduit » dixit le ministre des finances. Selon les « engagements » de ce président la dette de la France aurait été aujourd’hui de 60% du PIB. (En fait, elle dépasse les 80 %). La sacro-sainte croissance, boostée par le « travailler plus pour gagner plus », les « allègements fiscaux libérateurs d’énergie » et la « défiscalisation des heures supplémentaires », aurait été de 3% (En fait, elle est de zéro pointé). En attendant (comme on attend Godot), les juges, les flics, les pompiers, les profs, les impavides diplomates, les fidèles paysans, les inconditionnels « seniors » (mais cependant retraités et demandeurs de soins), les médecins, les sages femmes, les infirmiers, s’impatientent. Qu’à cela ne tienne : ils vont voir ce qu’ils vont voir, mais après les élections. Le président, confiant en son étoile et crédule aux prédictions des astrologues qui n’ont pas encore connu de mouvement de grève (la grève, vous vous rappelez, celle qu’on ne voit plus en France depuis qu’Il est l’Elu), balaie leur impatience d’un revers de main et charge la bourrique de la crise financière mondiale : toutes les promesses non tenues sont à mettre sur le son dos. Cela aussi c’est son crédo : les plus, c’est lui ; les moins c’est (toujours) les autres. La cour des comptes pense, elle, que les 27 milliards de manque à gagner fiscal, c’est bien lui. D’ailleurs, là aussi, le candidat fustige le président en déclarant : « la maitrise de nos finances publiques est un impératif moral aussi bien que financier » ; le candidat promettait de ne jamais dépasser la barre de 3% (règle communautaire), le président la dépasse allègrement dès la première année de son mandat ((3,4%) et, après l’avoir fait monter à plus de 7%, le désormais président - candidat la « souhaite », pour 2013 « le pus près possible de 4% ». D’ailleurs il demande à tout le monde de faire ce qu’il ne fait pas : graver sur le marbre constitutionnel la règle d’or du fameux 3%.
Désormais quand le président visite une usine pour lui promettre la pérennité, mieux vaut préparer ses valises de chômeur. Les places offshore, autre cible du président, (elles n’existent plus selon lui), seront bientôt les seuls pays au monde à préserver leur triple A. Vous allez voir ce que vous allez voir disait-il aux banquiers : chez notre voisine, la perfide Albion, dirigée par des réactionnaires eurosceptiques et isolationnistes, on a réformé le secteur bancaire en séparant les banques de dépôt de leurs activités financières (le b-a-ba pour les préserver des dérives spéculatives). En France, le pays du président altermondialiste, elles ont juste froncé les sourcils, et on en parle plus. On continue cependant, depuis quatre ans à « trouver » immoral et scandaleux les émoluments des traders et autres patrons et on est toujours « à la recherche d’une solution », comme on dit « à la recherche d’un emploi ».
Le candidat s’est fait élire pour promouvoir un Etat et une République irréprochables, la séparation bétonnée des pouvoirs, la fin des abus. Il ne faut donc pas s’étonner que sous sa présidence, chaque année, la France est rétrogradée par Transparency International, qui décèle une augmentation significative de la corruption, du favoritisme et des pratiques de l’Etat qui n’ont rien d’irréprochable. Mais tout cela sera réglé, affirme le candidat-président : vous allez voir ce que vous allez voir. On craint que son slogan « tout est possible » soit vrai : le « tout » incluant essentiellement le « pire ». La cause ? Son « esprit soixante-huitard » (autre cible annoncée dans son programme) celui qui lui dicte de « jouir sans entraves », de « vouloir tout et maintenant », et de « vivre ses rêves ». Bientôt, il criera sur les pavés « un, deux, trois Vietnam », chaque fois qu’il aura une douce pensée pour sa chère Libye.
Mais c’est une autre histoire…