Les Mystères Macron – Le Mystère du Consensus
Dans un article précédent, j’ai évoqué l’origine du phénomène Macron. J’ai parlé de mystère, puis de miracle… On en parlera encore longtemps. On parlera de sa séduction, de magnétisme, d’alchimie, de phéromones, que sais-je... Mais l’origine du phénomène Macron est bien secondaire. L’important, c’est que l’arrivée de ce joueur insolite ait mis fin au clivage Gauche-Droite qui déterminait toute la politique française. Là où auparavant on ne voyait qu’oppositions, on a créé dans la société française au moins l’apparence d’un large consensus.
Tous les partis, tous les medias, tous les pouvoirs qui ont une once de crédibilité en France, ou même qui gravitent autour d’elle, ont paru se précipiter pour « aplanir les voies du Seigneur » Macron. Mieux que le Baptiste ne le fit jamais pour Jésus… ! Je ne suis pas sûr que l’on ait encore bien compris l’incroyable tour de force qu’a été la mise en place de ce consensus sans précédent …. Comment y est-on parvenu ? C’est ça, le vrai mystère.
On réalise pleinement ce qu’a d’étonnant la disparition de ce clivage, quand on comprend l’importance qu’il ait existé ! Ce n’était pas un simple accident de parcours. C’était la variante française, peaufinée depuis la Révolution de 1789, de la manœuvre, commune à TOUTES les oligarchies, d’introduire au sein du peuple qu’elle gouverne la ZIZANIE sans laquelle aucune d’elles ne pourrait commodément faire paître ses brebis sans que celles-ci puissent l’intimider par leur simple nombre. Divide ut imperat…
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-grande-zizanie-133935
La zizanie est partout. Le modèle achevé de cette dissension programmée au sein de la plèbe existait déjà à Byzance, quand Verts et Bleus s’affrontaient à l’Hippodrome, mais elle est d’autant plus utile aux meneurs discrets d’une société que celle-ci se prétend démocratique. Elle est aussi d’autant mieux gérable, qu'elle est associée a des symboles plus qu’a des enjeux réels, ce qui permet alors à ceux qui ont le vrai pouvoir de faire bouger les lignes des factions presque à volonté. Le modèle des dissensions « byzantines » survit aujourd’hui, presque inchangé, dans le choc entre Démocrats et Républicans d’où nait l’étincelle de la curieuse « démocratie » bipolaire à l’américaine…
En France, la zizanie orchestrée opposait une Droite – pour qui on prétendait que la vertu première était la « Liberté » – à une Gauche pour laquelle c’est l’ « Égalité » qui était censée primer. Bon sujet d’une émulation qui restait sereine, les deux factions rivales acceptant que la priorité de l’autre soit aussi traitée comme une vertu indispensable. Si une crise l’exigeait, la « Fraternité » (troisième vertu républicaine), venait les souder en une « union sacrée » le temps de remettre la maison en ordre de marche.
Rien que du bonheur… ou presque. Ce clivage entre Gauchistes et Droitistes avait donné à la France des générations de plaisir… On pouvait privilégier une orientation ou l’autre, faire la part des choses, convenir d’un savant dosage des deux ou d’alternance, mais on savait qu’on ne pouvait fouetter le cheval pour qu’il galope à la fois à hue et à dia. Un non sens. Pourtant, cette année est apparu le CONSENSUS. Pourquoi avoir réparé ce qui n’était pas brisé ?
Bien sûr, il faudra se demander POURQUOI. Mais il est si stupéfiant que ce consensus se soit même imposé, qu’il vaut la peine de s’attarder sur les circonstances qui y ont conduit. Avant d’aborder la question du « pourquoi » du consensus de 2017, voyons donc COMMENT on a mis un terme au séculaire clivage Gauche–Droite.
La clef du « mystère » tient à cette primauté que nous venons de souligner des symboles sur le réalité. Le clivage ne découle pas inexorablement de la fortune, comme certains veulent bien le croire. Tous les Riches ne sont pas de Droite ni les Pauvres de Gauche. Il y a des milliardaires qui sont « pauvres en esprit » selon le précepte de l’Évangile… et des SDF, aux USA, qui s’opposent férocement à un partage des richesses. L’opposition Droite-Gauche que nous vivions ne se manifestait pas tant sur le plan des réalité tangibles – le dispositif de négociations entre patrons et syndicats en tenait lieu – que sur celui des visions du monde entre intellos. On pouvait discuter doctement du Grand Soir en fac, sans cesser de chercher une complémentarité sociale fonctionnelle et de citert la vieille Fable des membres et de l’estomac...
La conséquence, en politique française, a été de dissocier le discours des actes, et de constituer de nouvelles appartenances clanique, ne tenant plus compte des historiques ni des hiérarchies formelles. Les diners du Siècle en étaient l’illustration caricaturale. Qu’il soit grand patron ou leader syndical, quiconque était investi d’une autorité avait appris à penser selon le schéma élitiste pragmatique. Comme si, en tournant très vite comme un derviche, chacun pouvait oublier d’abord où étaient la gauche et la droite, puis même ce qu’ÉTAIENT la Gauche et la Droite… et de toute façon plus personn n’en avait cure.
La structure Gauche-Droite ne tenait que rongée ar les termites. Dans ce contexte, peu à peu, être de Gauche, est devenu SOUHAITER que se resserre l’écart entre les revenus des uns et des autres afin que prioritairement nul ne soit démuni… Ca, et rien d’autre. Être de Droite, est devenu souhaiter que rien ne contrarie l’essor de chacun pour aller jusqu’au bout de son talent et en retirer tout le revenu qu’il pouvait, puisque c’est l’initiative qui était la mère de l’abondance pour la société.
… Le SOUHAITER. Mais en pratique, le consensus était déjà que ne devait s’appliquer que ce qui optimisait l’enrichhissement sociétal. On suivait les vieux schemes, mais Il persistait des dissonances cognitives. Avec Macron, le consensus s’est fait de remettre les pendules à l’heure du pragmatisme.
Il ne s’agit pas ici de trouver qui avait tort ou raison d ela Gauche ou de la Droite, mais de se demander comment on a pu réaliser un consensus pour concilier ces deux objectifs, qui paraissaient parfaitement contradictoires de maximise à la fois l’enrichissement et l’équité. La séquence pour effacer le vieux clivage et le remplacer par autre chose était complexe. On y est parvenu. Bravo (?) Mais il faut la foi du charbonnier pour prêter au hasard l’invraisemblable séquence des coïncidences qui ont permis que Macron soit élu.
ON s’est mis au boulot.
Avant tout, il fallait une page vierge. Détruire la Gauche et la Droite de papa. Tout a donc conmmencé par un président qui refuse d’être candidat à sa propre succession – du jamais vu – puis une scission de la Gauche entre (2) deux mouvances. Une « extrême » (FI+PC) portant le poids du souvenir des goulags, dont sondages et analyses ont été alors unanimes à dire qu’elle se positionnait trop a gauche pour répondre a la demande de l’électeur de Gauche moyen et avoir la moinre chance … et une autre avec Hamon qui, gardant l’appellation PS et assumant donc l’héritage de la lamentable présidence Hollande, allait compléter son oeuvre d’auto–discrédit en se dotant d’un programme chimérique de Revenu Garanti Sans Travail. Un programme prématuré d’au moins 10, et plus probablement 20 ans... Avec Hamon et ce programme, le PS comme Mélanchon n’était plus sérieux et quittait l’espace d’éligibilité. Exit la Gauche.
A Droite, c'est une autre problematique. On est sérieux… il aurait semblé suspect que le programme de la Droite soit irrecevable. Même ceux qui ne les aiment pas n ne croient t pas que ceux de la Droite soient des cons ; ils préfèrent penser que ce sont de salauds. Donc, pas d'utopisme à Droite. On a « travaillé au corps », comme on dit dans le noble art, faisant d’abord d’un des candidats le modèle de toutes les vertus… pour ensuite s’en remettre aux efforts conjugués de toute la presse pour le rendre absolument inacceptable. L’alternative était Juppé, un homme raisonnable. Un homme dont la vie prouvait qu’il comprenait les subtilités du jeu de boules … Juppé a donc, et c’était bien prévisible, ‘raisonnablement’ choisi de ne pas se mettre en travers de la route qui paraissait aplanie pour le Seigneur. Exit la Droite.
« Restait cette redoutable infanterie de l'armée d'Espagne… » Il y a des années qu’on diabolisait le FN. Pour en finir avec le clivage Gauche–Droite, quoi de mieux que de montrer l’incapacité de l’une comme de l’autre – les deux en total désarroi ! – à barrer la route au FN ? Il suffisait que les médias et les sondages diminuent un peu la pression sur le parti maudit devenu le premier choix des classes populaires, pour que celui-ci puisse respirer un peu et paraisse s’envoler, projetant plus grande que nature l’image menaçante souhaitée. il suffirait ensuite – une fois en place le duel LePen-Macron – de clore l’intermède contre nature qu’avait été la généreuse couverture du FN par les médias, pour que la guerre du Bien contre le Mal reprenne son cours normal et trouve sa « bonne » conclusion. Inutile de supposer que Marine puisse avoir été incitée à devenir soudain plus ‘raisonnable’, à l’image de Juppé, puisque cette hypothèse. comme disait de Dieu le vieil athée, « n’est pas nécessaire à la démonstration. »…
Une Gauche divisée, une Droite avec un candidat soudain discrédité et l’autre jouant les arlésiennes, un FN qui devient d’abord, contre toute attente, la coqueluche des medias et la seule alternative… puis qui perd tout aussi soudainement tous ses moyens, avec une candidate pourtant depuis longtemps bien habile, mais qui soudain, au débat, se met en mystérieusement en mode d’autodestruction … ainsi se crée par défaut un consensus
Il semble que le clivage idéologique Gauche-Droite qui polarisait le vocabulaire sur des voeux pieux opposant « plus de Liberté » à « plus d’Égalité » – et qui garantissait depuis des lustres le seul statu quo qui compte vraiment dans une société comme la nôtre, celui du partage de la richesse ! – ait été mis en veilleuse cette année. Un consensus inédit s’est créé en 2017 entre ceux qui rêvent de recevoir toujours plus et ceux qui veulent donner toujours moins.
Un consensus improbable. Les Français se sont mis d’accord sans même avoir à s’entendre. JAMAIS une telle connivence n’a été réalisée et n’a permis une telle manipulation réussie de ce qu’on a appelle la démocratie à l’occidentale. Promesses ? Menaces ? Mystère…. Comment l’ont-ils fait ? On a parlé de fascination. Il reste un autre mystère à élucider : POURQUOI L’ONT-ILS FAIT ? A la prochaine…
Pierre JC Allard