Les Observateurs observés : Portraits de députés godillots (2)

"Le 20 février 2008, Le Canard enchaîné révèle que Gérard Gaudron a cumulé pendant une longue période ses indemnités de député-maire avec une allocation de retour à l’emploi versée par les Assedic. Pourtant, le règlement de l’Assemblée nationale indique que : «  A la différence des maires et autres élus locaux, les députés ne peuvent bénéficier en aucun cas des allocations de chômage ». Il a informé l’AFP qu’il avait écrit aux services concernés afin de procéder au remboursement des sommes perçues, et ce, avant la révélation du Canard Enchaîné. De fait, Gérard Gaudron a été convoqué une première fois par l’ANPE le 11 mai 2007, mais ne s’est pas rendu au rendez-vous. Le 7 août 2007, les Assedic finissent par lui couper les vivres, après qu’il ne s’est pas rendu à un deuxième rendez-vous. Mais le 7 octobre, «  à la demande expresse du directeur départemental du Travail et de l’Emploi », son exclusion est annulée et le député-maire touche à nouveau son allocation."

Cet ancien ingénieur, député UMP, cosignataire d’un projet de loi pour renforcer le contrôle des fraudes en matières d’allocations sociales, s’est bien entendu défendu d’avoir voulu profiter du système en percevant, illégalement, ces 60 euros par jour, même s’il reconnait qu’au moment où il était dénoncé par le Canard, il touchait encore ces allocations, en connaissance de cause. J’ajouterais que nul n’est censé ignorer la loi, surtout lorsqu’on est un instigateur du renforcement de cette même loi.

 Un article publié à l’époque de l’affaire Gaudron, sur Agoravox et signé Sylvain Rakotoarison, relate les évenements et peut être lu comme une sorte de"droit de réponse" légitime de Gérard Gaudron. Cependant, il reste difficile de comprendre que l’auteur d’une proposition de loi sur les fraudes des allocations sociales, n’ait pas réussi à trouver une solution pour faire stopper le versement de ces allocations qu’il perçevait lui-même, illégalement pendant assez lontemps pour pouvoir réagir d’une manière adéquate. Le fait qu’il n’ait pas réussi à faire obstacle à une irrégularité aussi évidente pour lui, laisse perplexe sur ce contrôle renforcé qu’il veut imposer aux autres et pourrait même être considéré comme un facteur de discrédit d’une commission de contrôle aussi impuissante à se régulariser elle-même.

Les raisons d’être perplexe sont nombreuses. Ainsi on peut aussi se demander, comment un député pouvait déclarer aux impôts, en toute bonne foi, qu’il touchait simultanément les revenus d’un député ET ceux d’un chômeur, sachant que ces deux "salaires" ne sont en aucun cas cumulable, comme le stipule le règlement de l’assemblée, dont il est l’un des membres éminent..Mais on a surtout beaucoup de mal à trouver une justification raisonnable et cohérente, au fait que Monsieur Gaudron, expert en résolution de fraude, même involontaire, n’ait pas eu la bonne idée d’appliquer directement ce que son texte laissait présager comme attitude la plus diligente, en cas de perception illégale d’une indemnité d’assistance, soit le remboursement intégral et immédiat du trop perçu...sans autres formalités que l’on impose à tout citoyen de ce pays, même dans des situations bien plus précaires que celles du cumul de mandat politique. C’était quand même un moyen simple et sans obstacle majeur à sa réalisation, qui aurait pu susciter une réaction des Assedic qui, exceptionnellement et sans raison plausible, ne voulaient décidément pas suspendre des indemnités de survie, malgré deux courriers insistants.

Enfin, la dernière question est de savoir, en admettant cette fois, qu’un remboursement spontané n’était vraiment pas envisageable malgré un contentieux connu, pourquoi le député-maire Gaudron, disposant de surcroît d’une service juridique pour le conseiller, n’a pas fait consigner mensuellement la somme sur un compte d’avocat, comme la loi le propose ( l’impose) à tout citoyen qui veut régler honnêtement un litige de ce type, au lieu de dépenser cette somme en la mélangeant à ses autres revenus et laisser aller l’affaire jusqu’à être pris la main dans le sac ?

Quoi qu’il en soit, en février 2008, après l’article du Canard enchainé, il promet dans un communiqué de "tout rembourser", prouvant ainsi sa sincérité du moment, mais pointant dans le même temps, son manque d’initiative antérieure pour résoudre le problème si facilement. Car si le député met l’emphase médiatique nécessaire pour que cette promesse de remboursement résonne comme la mélodie du juste bafoué par les mauvaises langues, il avoue involontairement peut-être, que cette transaction si peu contraignante pour lui, n’avait pourtant jamais effleuré son esprit d’expert en fraude...Du moins pas avant sa dénonciation. Lorsqu’enfin l’évidence s’imposa à notre député observé en pleine action, il ne lui resta plus qu’à parcourir les 200m à peine, qui sépare sa mairie de l’antenne Assedic d’Aulnay-sous-Bois pour régulariser définitivement sa situation...

Tout cette histoire qui finit bien pour ce citoyen non blâmable mais blâmeur, est possible parce-que, parfois, on peut-être maire et pas très connaisseur de son quartier ou être député-godillot et en plus distrait par nature. C’est ce qui a dû se passer ce jour où, trop concentré à lever le bras le plus honnêtement possible pour approuver la création "d’ une commission d’enquête sur les fraudes aux prestations et aux prélèvements sociaux", GG ne remarque même pas que le contenu du texte présentant ce projet de commission dont il était un des signataires, décrit à la virgule près sa propre situation. Le préambule retranscrit ci-dessous, aurait provoqué une étincelle de réactivité chez n’importe quel bénéficiaire d’allocations de chômage perçues irrégulièrement...Et bien, Chez GG ça n’a rien suscité du tout, nada, rien à part l’avé du consentement collégial en fin de séance, alors que la lecture, même en diagonale, du projet de loi est éloquente :

"Depuis plusieurs années, nous assistons dans notre pays à la multiplication des fraudes aux prestations et aux prélèvements sociaux qui atteignent des proportions intolérables. Selon les estimations fournies par l’Institut national de la statistique et des études économiques, le Conseil des prélèvements obligatoires, la Cour des comptes ainsi que les divers rapports parlementaires le montant de ces fraudes se situerait entre 20 et 40 milliards d’euros.(...) il apparaît que c’est l’une des prestations qui concentre une grande partie des fraudes au point que de nombreux présidents de conseils généraux ont dû réagir pour faire face à cette situation. Ce fut le cas de celui de Dordogne qui a dû supprimer cette prestation à 80 ressortissants européens plutôt aisés (majoritairement des Britanniques) qui ont réussi à détourner plus de 660 000 euros. À Paris, le maire a lui aussi saisi la justice de nombreuses fois. (...)En matière de prestations sociales, les activités frauduleuses ne sont plus seulement passagères, ponctuelles. (...) par la faiblesse des risques courus par rapport à l’importance des enjeux financiers. "

Evidemment, si même quand on débat de son propre cas en assemblée parlementaire, un député-godillot n’est pas plus réactif qu’à l’accoutumée, il y a bien peu d’espoir qu’il le soit un jour pour défendre l’intérêt des citoyens qu’il représente, mais chuut, c’est l’heure de la sièste...

 SOURCES : http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion1072.asp - wikipédia - http://www.deputesgodillots.info/ - Sylvain Rakotoarison http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/affaire-gerard-gaudron-a-qui-36296 - Le Canard enchaîné - Gwenael Bourdon - Hervé Liffran  http://www.monaulnay.com/2008/02/assedics-le-canard-sacharne-sur-gaudron.html - http://www.monaulnay.com/files/Parisien20080220AssedicGaudron.png