vendredi 2 septembre 2005 - par Thierry Meyer

Les révélations de Katrina

Des milliers de victimes, une zone sinistrée grande comme la moitié de la France, la ville de la Nouvelle-Orléans submergée, des affrontements entre pilleurs et autorités, en un mot : le chaos.

Les USA, première puissance mondiale et première émettrice de gaz à effet de serre, vient de faire la connaissance des tornades du XXIe siècle. Et si le spectacle de désolation qui s’étale aux yeux du monde est consternant, il a au moins l’intérêt de nous montrer où peut nous mener un certain type de libéralisme.

Il aura donc fallu attendre l’arrivée de Katrina pour que l’on puisse enfin apprécier la politique de prévention mise en place par les porte-parole de notre mode de vie face au réchauffement climatique : le chacun pour soi !

En suivant cette logique, si ceux qui n’ont pas les moyens de fuir, fussent-ils américains, doivent rester seuls pour affronter la colère des éléments, tant pis pour eux. On ne va quand même pas perdre du temps et de l’argent pour essayer de prendre en compte de prétendues dérives du climat.

Autant dire que les pays qui souffrent actuellement d’évènements exceptionnels, que ceux-ci soient liés à la sécheresse, aux inondations ou aux tornades[1], n’ont pas été pris en compte dans les visions d’avenir de nos voisins américains. Ce qui montre à quel point ils sont loin de remettre en cause leurs idéaux, cause pourtant de toutes ces catastrophes.

Mais ne leur jetons pas la pierre car, même sur notre vieux continent, nous continuons à ne pas vouloir regarder la réalité en face. Que l’Allemagne cherche à ouvrir de nouvelles centrales électrique au charbon[2], par exemple, est affligeant, mais que dire de notre réaction face à une simple proposition de limitation de vitesse ? Le débat parle du besoin de vitesse, parfois du prix du pétrole (et des taxes !), rarement de la violence routière, mais jamais de l’environnement !

Comme quoi, il risque de nous falloir plusieurs Katrina pour comprendre...

[1] Voir une liste détaillée sur VieRurale.

[2] Voir l’article de WWF.be.



9 réactions


  • Didier Vincent Didier 4 septembre 2005 07:21

    Même si je partage vos préccupations environnementales, je me mefie des raccourcis et des amalgames. Question simple : Y a t-il un lien entre la puissance de la tornade et le mauvais traitement que nous faisons subir à la terre ? Cette manière de voir les choses ne relève t-elle pas de la vanité humaine (je veux dire, est ce que ces phénomènes naturels n’ont pas toujours existé) ? Je pose la question, je n’affirme rien.


  • (---.---.118.224) 4 septembre 2005 10:16

    Bonjour Didier.

    Voilà une question intéressante, même si elle est forcément embarrassante, puisque aucune personne honnête ne pourra affirmer quoique ce soit ! La meilleure des réponses que je puisse faire est de vous inviter à lire le dossier complet disponible à l’adresse donnée en complément, et dont je vous ai extrait quelques passages, mais je pense que la bonne question est : pouvons-nous nous permettre d’attendre d’avoir une réponse factuelle, alors même que le pergélisol* a commencé à dégeler ?

    Introduction du chapitre : Que risquons-nous ?

    La grosse difficulté, à ce stade, provient de l’impossibilité scientifique d’attribuer de manière certaine les évènements au réchauffement. Dans l’absolu, si l’on veut démontrer une relation de cause à effet, il faut montrer qu’un certain « effet » ne se produit que pour une certaine « cause ». Bien évidemment, il nous est impossible de revenir en arrière de 150 ans pour revivre cette période en y modifiant quelque chose. Il est donc difficile d’affirmer, par exemple, que la canicule de 2003 est liée directement à la modification de la composition de notre atmosphère, même si des scientifiques britanniques ont déjà rendu un rapport sur ce sujet.

    Citation Météo France :

    Certaines caractéristiques de l’été 2003 correspondent bien aux simulations du GIEC**, notamment la chaleur nocturne (4°C de plus sur les températures extrêmes) ; pourtant la température moyenne sur la France pour l’ensemble de l’année 2003 ne dépasse pas de plus de 0,1°C celle de 1994, la seconde année la plus chaude depuis 1860. Ceci illustre bien le fait qu’une modification apparemment faible d’une moyenne annuelle peut recouvrir des phénomènes très inhabituels. Ces vagues de chaleur pourraient voir leur fréquence quintuplée au cours du siècle.

    Cordialement,

    Thierry Meyer.

    * Pergélisol : sol gelé en permanence. D’après une étude rendue publique dans l’hebdomadaire britannique « New Scientist », le pergélisol sibérien est en train de fondre pour la 1ère fois depuis 11.000 ans ! Ce phénomène est « probablement irréversible et il est sans aucun doute lié au réchauffement climatique », explique Sergei Kirpotin, chercheur russe de la Tomsk State University. Cette surface, grande comme la France et l’Allemagne réunie, va donc émettre du méthane, gaz à effet de serre 20 fois plus puissant que le gaz carbonique...

    ** GIEC : Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, dont le rôle est « d’expertiser l’information scientifique, technique et socio-économique qui concerne le risque de changement climatique provoqué par l’homme ».


  • Didier Vincent Didier 4 septembre 2005 12:08

    Voilà des liens bien intéresssants. Mon souci est bien sûr de ne pas aggraver la situation mais je trouve raisonnable de chercher à comprendre d’où viennent les responsabilités, c’est à dire à mieux cerner quel est le véritable impact des activités humaines sur les changements observés. Je pense que vous partagerez mon analyse lorsque je dis que nous sommes alarmés car nous avons aujourd’hui les moyens d’observer ces changements. Qui nous dit que de telles modifications ne se sont pas déjà déroulées dans le passé ? Quelle est la part de l’homme là dedans à léchelle du temps planétaire ? Je ne souhaite ni tomber ni dans l’angélisme ni dans le catastrophisme. Que sont, que représentent ces phénomènes dans la vie longue de la planète ? Sont ils de pure dégradation irreversible causés par l’homme ? Cette question ne nous ouvre pas les portes pour faire n’importe quoi mais relativiser les choses me parait important. Je n’apprécie guère la vision « conservatrice » de certains écologistes. Il y a un processus (je n’emploie pas le mot évolution qui pourrait être mal interprété). Quelle est notre part dans celui-ci ?


  • (---.---.3.170) 4 septembre 2005 13:19

    Il est clair, Didier, que vos questions sont les premières à se poser mais, cette fois, je peux y apporter des réponses catégoriques, car cela fait maintenant bien des années que les scientifiques se les posent !

    C’est en 1966 qu’a eu lieu le premier forage en Antarctique, et c’est dans les années 70 que les premières modélisations informatiques ont commencé. Dans les années 80, de nombreux programmes internationaux sont lancés (WCRP - programme de recherche mondial sur le climat, CLIMAP - étude de climats du passé, PCMDI - comparaison des modèles climatiques, ...). Pour y voir plus clair, c’est en 1987 que le GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat, IPCC en anglais) voit le jour, dans le but de fournir des synthèses régulières de l’impact de l’homme sur le climat. En France, c’est en 92 que le gouvernement crée la Mission Interministérielle de l’Effet de Serre ! Cela fait maintenant déjà quelques années (Rio - 92, Kyoto - 97, Johannesburg - 2002) que les gouvernements du monde entier essayent de prendre des mesures, et il y a donc peu de chance que cela repose sur du vide.

    Si je peux me permettre, je vais de nouveau citer le dossier (chapitre Faisons le point !)

    Texte de Dominique Dron, Présidente [en 2003] de la Mission interministérielle de l’effet de serre.

    "Plusieurs milliers de chercheurs du monde entier ont depuis 1988 confronté leurs résultats et fait converger leurs modèles dans le cadre du Groupement Intergouvernemental d’Etudes sur le Climat (GIEC). Les résumés pour décideurs de leurs trois rapports successifs ont été approuvés ligne à ligne par tous les Etats, y compris Etats-Unis et pays de l’OPEP. L’Académie des Sciences américaine en a confirmé en 2002 les résultats et l’administration fédérale a dû en prendre acte*. La controverse sur la réalité du dérèglement climatique en cours que semblent encore porter quelques voix isolées, mais persistantes, semble donc close pour l’essentiel. Qu’en est-il donc aujourd’hui de notre compréhension du phénomène de l’effet de serre, et quelles en sont les conséquences pour les démarches territoriales ?
    ...
    Selon les travaux du GIEC, la température moyenne du globe pourrait s’élever d’ici 2100 de 1,4°C (le mieux qui puisse se produire) à 5,8°C. La moitié de cet écart vient des incertitudes sur les fonctionnements biophysiques eux-mêmes, l’autre moitié dépend des politiques que nous mettrons en œuvre. 4 à 6°C de plus en moyenne sur le globe, soit 6 à 8°C de plus en moyenne sur les continents, ce serait l’équivalent du passage d’une période glaciaire à une interglaciaire en 100 ans au lieu de 10 à 20 000 ans, ce qui donne une idée de la violence du choc pour les écosystèmes, notamment végétaux, et pour les sociétés humaines."

    TM.

    * : le 7 juin 2005, les académies des sciences des pays du G8 (l’Allemagne - Deutsche Akademie der Naturforscher Leopoldina, le Canada - Royal Society of Canada, les États-Unis d’Amérique - National Academy of Sciences, la France - Académie des sciences, l’Italie - Accademia dei Lincei, le Japon - Science Council of Japan, le Royaume-Uni - Royal Society, la Russie - Russian Academy of Sciences) et celles des trois plus gros pays en voie de développement consommateurs de pétrole (la Chine - Chinese Academy of Sciences, l’Inde - Indian National Science Academy, le Brésil - Academia Brasileira de Ciencias) ont signé une déclaration commune à Londres, affirmant que le doute entretenu par certains à l’endroit des changements climatiques ne justifie plus l’inaction et qu’au contraire, il faut « enclencher immédiatement » un plan d’action planétaire pour conjurer cette menace globale. Lire la déclaration commune des Académies des sciences sur la réponse globale au changement climatique.


  • colza (---.---.245.246) 4 septembre 2005 13:53

    Même si le pire n’est jamais certain, je crois qu’il serait suicidaire de ne rien faire pour tenter d’améliorer les choses.

    Quoi faire, ça je n’en sais rien, mais les scientifiques ont bien quelques idées sur la question, non ??


  • (---.---.1.217) 4 septembre 2005 18:07

    Bonjour Colza.

    Malheureusement, le problème n’est pas simple, et attendre de l’aide des scientifiques est illusoire.

    En effet, non seulement ce ne sont pas eux qui gouvernent - et on peut remarquer l’effet de la déclaration commune des 11 plus grandes académies des sciences sur l’évolution de notre politique - mais, en plus, il n’y a pas de solutions techniques !

    Je m’explique. La première chose à savoir, c’est que les gaz à effet de serre sont intrinsèquement lié à nos sociétés de consommation (pour des détails, merci de lire le dossier). Autrement dit, à chaque fois qu’il y a une croissance quelque part - et je rappelle que tous les pays cherchent la croissance - il y a une augmentation de nos rejets, que cela vienne de l’utilisation de l’énergie fossile (charbon, pétrole, ...) ou de notre façon de nous alimenter (les engrais ou les élevages intensifs ne dégagent pas de CO2 mais d’autres gaz à effet de serre).

    Il y a peu, nous pouvions estimer que nous étions 1,2 milliard d’occidentaux consommateurs-pollueurs. Mais, avec l’émergence (et le mot est faible !) de pays comme la Chine, l’Inde, voir le Brésil, nous allons multiplier par 3 ces consommateurs-pollueurs. Or, les gaz à effet de serre ont une inertie conséquente. Par exemple, le dioxine de carbone (CO2) met au moins 100 ans avant d’être « digéré » par notre biosphère !

    Il faut donc bien comprendre que, même si nous arrêtions tous rejets immédiatement, la température continuera à s’élever pendant tout le siècle à venir, et c’est pourquoi le scientifique russe, que j’ai cité dans mon commentaire précédent, estime que la fonte du pergélisol est irréversible. Du coup, nous ne sommes même pas sûr que nous pourrons éviter l’emballement du système...

    Évidemment, on va me rétorquer que l’on peut rouler avec autre chose que du pétrole (et les avions ?), que d’ici une trentaine d’année nous aurons des piles à combustible (mais comment fabrique-t-on l’hydrogène ?), et des centrales nucléaires à fusion (plutôt prévues pour la fin du siècle). Malheureusement, le rapport intitulé « relever le défi du climat », rendu public à Londres en janvier 2005 par un groupe de scientifiques de 9 pays, estime qu’un accroissement de plus de 2° C de la température moyenne mondiale (par rapport à l’ère pré-industrielle, soit 1750) rend l’arrêt du dérèglement climatique impossible. Pour eux, la Terre aura atteint ce point de non-retour lorsque son atmosphère contiendra 400 parties de CO2 par millions (ppm). Aujourd’hui, elle en contient déjà 379 ppm, un niveau augmentant de 2 ppm chaque année, souligne l’étude.

    Je pense donc, pour ma part, que notre salut ne viendra ni des scientifiques, ni des politiques, mais de nous même.

    Cordialement,

    Thierry Meyer, alias TM.


  • Didier Vincent Didier 6 septembre 2005 09:32

    Que notre salut ne puisse venir que de nous même, voilà qui est bien parler -)

    Vous répondez sans répondre. Qu’est ce qu’un siècle, voire un millénaire, dans la vie de notre planète. Pour être provocateur, je dirais que ce n’est pas parce qu’un homme a de la fièvre pendant 24h de sa vie qu’il est condamné à être considéré comme malade pendant le reste de ces jours ! Quel est le poids relatif des actions de l’homme dans la manière dont notre planète se comporte vue à l’aune de sa vie à elle ? Encore une fois, cela ne nous autorise pas à tout « saloper » mais il faut regarder cela dans cette perspective. Les conditions de la vie telles que nous les connaissons aujourd’hui n’ont pas toujours prévalues sur la terre. Les changements actuels sont ils inscrits dans sa vie propre et l’homme n’est il pas en train de se monter un ciméma pour se prouver qu’il est super puissant ? Comprnez bien que ce raisonnement ne fait pas de moi quelqu’un qui n’est pas préoccupé par cette question mais je souhaite aussi la considérer en perspective et regarder le poids relatif des acteurs en présence. D’accord, cela ne résoud pas le problème mais cela peut aussi nous amener à le prendre pour ce qu’il est vraiment, ce que nous en savons pas très bien faire aujourd’hui.


  • (---.---.89.50) 6 septembre 2005 10:33

    Que cherchez-vous Didier ?

    Je ne suis pas Dieu le Père, et si vous me demandez « l’homme est-il responsable du réchauffement climatique », je ne peux que vous donner la réponse du monde scientifique actuel. (Ce que je pense avoir retranscrit honnêtement lors de ma réponse à votre second commentaire - comme cela devient un peu brouillon, c’est celui qui commence par « Il est clair, Didier... » - smiley ! Pour plus de détail, merci de visiter la page Faisons le point !).

    Maintenant, si vous souhaitez détourner les yeux en espérant que nous parviendrons à pressurer suffisamment la planète pour que la fin de votre vie ne se passe pas trop mal, je ne peux malheureusement pas vous en empêcher, et il est indéniable que vous êtes loin d’être seul dans ce cas ! Si vous avez raison, j’en serai le premier ravi mais, sans vouloir vous offenser, je préfère croire aux rapports du GIEC qui, je le rappelle, ont été approuvé « ligne à ligne par tous les Etats, y compris Etats-Unis et pays de l’OPEP. »

    TM.


  • Emmanuel Delannoy Emmanuel Delannoy 6 septembre 2005 11:25

    Je vous propose deux sources complémentaires sur ce dossier (Malheureusement dans la langue de Shakespeare) :

    Le site www.greenfacts.org et notamment le dossier relatif au changement climatique :

    Et aussi le site du Worldwatch institute

    Qui titre dans son dernier dossier : « Katrina, les leçons d’une catastrophe non naturelle » :

    Le réchauffement climatique n’est pas seul en cause : La destruction des marais, l’endiguement des fleuves, l’imperméabilisation des sols sont aussi en cause.

    Mais il est troublant de noter, ce que les carotages dans les glaces polaires confirment, la correlation entre le taux de carbone atmosphérique (qui explose depuis la révolution industrielle), et les températures mesurées, ou déduites d’analyses d’éléments isotopiques.

    Bonne reflexion ...


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