Les risques d’une manipulation hasardeuse du vote des Français
Cet article est partisan, je suis un électeur de Mme Royal, je ne m’en suis jamais caché et c’est là que se situe mon combat. Je voudrais cependant que les électeurs de M. Bayrou le lisent sans a priori et réfléchissent à ce que nous sommes tous en train de vivre et de construire.

Le cas François Bayrou
Si on en croit les sondages que l’on se doit de relativiser
tout particulièrement, il apparaît que madame Ségolène Royal est la mieux
placée pour être présente face - sans doute - à Nicolas Sarkozy au second tour.
Mais l’électorat entre l’ancien ministre de l’Intérieur et
Jean-Marie Le Pen est assez poreux, ce qui peut laisser penser à une
surestimation du candidat UMP et à une sous-estimation du candidat frontiste.
Il est donc extrêmement délicat de savoir s’il reste
relativement bas ou s’il rivalise, pas loin des 20 %, avec M. Bayrou.
Il existe donc un risque d’un nouveau « 21 avril
2002 ». François Bayrou a fait une erreur tactique en prétendant trahir sa
droite pour prendre à gauche. Ainsi, s’il a pu monter dans les intentions de
vote, il n’a pu prendre la place de la principale candidate de gauche.
Cependant il a créé clairement un doute. Mais la place de M. Bayrou
n’aurait-elle pas dû être celle du candidat d’une droite républicaine et
modérée pour représenter une alternative à Nicolas Sarkozy et rendre sa
dignité au débat ?
Plutôt que de harceler les électeurs de gauche en leur
disant « votez François Bayrou pour
battre Nicolas Sarkozy » (ce qui n’est en rien avéré, bien au
contraire) les militants UDF n’auraient-ils pas dû dire aux électeurs de droite
« Votez François Bayrou, ne vous
compromettez pas moralement avec Sarkozy. » ?
En effet la tactique choisie s’est trouvée confrontée à deux
obstacles majeurs :
1) la réalité du terrain : les électeurs de gauche
voient bien chez eux que l’UDF travaille le plus souvent en bonne intelligence
avec l’UMP et si l’on en croit Le Canard Enchaîné, c’est bien parti pour
durer.
2) la réalité du programme : le programme économique de
François Bayrou (au-delà de savoir s’il est bon ou mauvais) est un programme de
droite. Il parait plus modéré en comparaison avec l’absurdité du programme de
M. Sarkozy, mais il est de droite
Pour ces raisons, la « drague » à gauche de
François Bayrou n’aura été qu’un demi-succès. C’est pourquoi il repart
« chasser » à droite (mais un peu tard peut-être).
Pour conclure : la grande question électorale dont on n’ose
guère parler aujourd’hui est celle du report des voix. Il apparaît qu’en cas de
second tour Ségolène Royal / Nicolas Sarkozy, les électeurs de l’UDF se
reporteraient majoritairement sur Nicolas Sarkozy. Finalement, ils disent avec
la bouche en cœur et les yeux plein d’amour aux électeurs de gauche : « Venez avec nous, nous seuls pouvons
battre Nicolas Sarkozy » et s’ils n’y sont pas, pour qui
voteraient-ils ? Pour M. Sarkozy... C’est-à-dire pour celui qui « glace »
Bayrou, pour la stigmatisation raciste, pour le candidat qui
« drague » le Frontnational. C’est dire si, loin de se sentir au
centre, cet électorat historique de l’UDF est d’abord un électorat de
droite.
La dimension médiatique
Les médias et une certaine élite dirigeante tentent ces
derniers jours de commettre un véritable « hold-up » électoral :
la mise à l’écart de la gauche dans le paysage politique français et
l’avènement d’une droite dure et pérenne concentrée autour de l’UMP et du FN.
Une droite dure dont la seule opposition viable serait une sorte de « social-libéralisme
droitier » débarrassé d’une gauche vendue partout comme
"archaïque".
Pour cela, ils omettent de relayer trop sérieusement les
trop nombreux dérapages (le mot est faible) de Nicolas Sarkozy pour relayer
largement les « attaques » à son encontre de Jean-Marie Le Pen.
Des attaques qui en réalité n’en sont pas : alors que
Nicolas Sarkozy commençait à être difficile
à distinguer de M. Le Pen, voilà que le leader frontiste accuse
ses origines hongroises : de quoi dédouaner le candidat UMP.
Cette connivence est un peu plus confirmée par les appels de
Brice Hortefeux (bras droit du président de l’UMP, il ne s’agit pas d’un cerveau esseulé en mal de reconnaissance)
à la proportionnelle (posture opportuniste tant l’UMP s’y est toujours opposé)
et ainsi au FN.
Cette alliance qui se crée tranquillement et que les médias
tentent de faire passer pour fausse en diffusant désormais les contestations de
certains vieux « barons » UMP (tel M. Raffarin) contre les propos de
M. Hortefeux (par ailleurs toujours
ministre délégué aux Collectivités territoriales) qui serait soi-disant isolé.
Un isolement peu crédible lorsque l’on connaît les relations
qui lient ce dernier au principal candidat de la droite. Lorsque Jean-Marie Le
Pen déclare vouloir recommander sa fille pour la constitution d’un éventuel
gouvernement de crise (Le Parisien,
15 avril 2007), on ne peut que supposer un peu plus un accord avec l’UMP.
Responsabilités
C’est alors que l’on est en droit de rappeler à ses responsabilité l’ensemble de l’élite médiatique de notre pays : pourquoi
aucun journaliste n’ose poser véritablement la question ? Pourquoi aucun
journaliste n’a, durant toute cette campagne, su répliquer aux innombrables
mensonges de Nicolas Sarkozy ? Pourquoi aucun média n’a su avertir la
population du danger réel que représente ce candidat ? Pourquoi l’ensemble
des médias oublie de faire part de l’avis de certains journaux étrangers sur
l’autoritarisme du candidat UMP (dernièrement, le quotidien Le Soir, 15
avril 2007) quand ils relaient en masse les
rares articles le soutenant, (The Financial Times et The Economist, soit des titres très
libéraux et très atlantistes) ? Pourquoi aucun média n’a su condamner
fermement les propos d’un candidat à l’encontre d’un allié de soixante ans
(l’Allemagne, propos sur la « solution finale ») ? La liste est
longue, et une analyse plus sérieuse en a déjà été faite : Les
dérapages irresponsables de Nicolas Sarkozy.
Alors, oui, aujourd’hui nous pouvons déclarer à toutes ces
élites : « Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas et nous pourrons dire que vous n’avez rien
fait ».
Avant de voter, ayons tous à l’esprit que la dispersion a toujours fait le jeu de MM. Sarkozy
et Le Pen. Ainsi, si nous refusons le monde autoritaire, du chacun pour soi, du
danger pour tous, votons pour le candidat qui est le mieux placé pour se
retrouver au second tour face à Nicolas Sarkozy : Ségolène Royal.
Ne cédons pas aux sirènes déclarant François Bayrou comme le
plus à même de vaincre le candidat UMP car le président de l’UDF n’a que très
peu de chance de parvenir au
second tour : ainsi, un vote en sa faveur, c’est un vote en moins pour Mme
Royal, et un vote supplémentaire pour M. Sarkozy, voire M. Le Pen.
De plus, je crois sincèrement que le seul projet
véritablement ambitieux et réformiste est porté par Ségolène Royal. Un vote en
sa faveur équivaut au choix d’une société plus juste et apaisée face à celle
brutale de Nicolas Sarkozy, et active et engagée face à celle qui m’apparaît immobile
de François Bayrou.
Que ceux qui idéologiquement se déclarent de droite votent à
droite est totalement respectable. Même si l’on peut ne pas comprendre qu’ils
puissent préférer un Sarkozy démagogue et extrémiste à un Bayrou républicain.
Mais que ceux qui idéologiquement se déclarent de gauche votent en faveur de M.
Bayrou, homme de droite de par son passé et son projet, pose la question de la responsabilité citoyenne. Cette fois-ci, si Jean-Marie Le Pen passe le
premier tour, ce ne sera pas un Chirac qu’il aura en face mais un Sarkozy. Et
ça n’a rien à voir.