Les tracts pour les européennes - Entre hypocrisie et ignominie
On ne s'attendait guère à quelque chose d'extraordinaire en recevant, à l'approche des élections, la fameuse enveloppe contenant les tracts publicitaires préparés par les candidats aux élections européennes. Beaucoup l'ont d'ailleurs déjà remarqué et constaté. En revanche peu on souligné à quel point l'hypocrisie, l'auto-contradiction et l'agressivité déplacée ont été poussées à des niveaux dépassant l'entendement chez les plus institués. C'est pourquoi, ayant fait un effort de lecture, je me propose de vous faire un résumé des morceaux choisis puisés directement dans les tracts des principaux concurrents « mainstream » et aussi de certains de leurs faire-valoir, soi disant opposants.
La palme de l'hypocrisie qui mériterait un prix de renommée mondiale revient à Raphaël Glucksmann pour « Envie d'Europe écologique et sociale ». Il peut être à lui seul la synthèse de toute la gauche caviar, bobo et néolibérale, mondialiste jusqu'au bout des ongles, antiprotectionniste, adoratrice du libre échange et américanolâtre (en théorie jusqu'à l'arrivée de Trump qui est simplement trop « cash » pour la mission) et ceci jusqu'au soutien indéfectible, même s'il s'agit de soutenir n'importe quelle opération perverse de destruction des états. Hollande nous en a fait la parfaite démonstration, ne l'oublions pas. Tout y était, et on ne s'étonne donc pas que le PS fasse partie de l'alliance. Jusqu'ici rien de surprenant, mais le pire arrive. Citons quelques extraits qui vont nous emporter jusqu'à l'incroyable. Car oui, je l'ai bien lu et même entouré, c'est en première page : « Il est temps de rompre avec les dogmes du libre échange », une phrase que l'intéressé ou n'importe quel encarté PS (de Hollande lui-même jusqu'au militant moyen) aurait dénoncée comme un discours honteusement nationaliste, égoïste, et je vous passe « les heures sombres de l'histoire ». Hollande avait d'ailleurs cette fois clairement mis les points sur les « i » avant son élection [1]. Mais tout comme avec Macron, les électeurs n'entendent que ce qu'ils ont envie d'entendre et se bouchent les oreilles quand ça risque de les décevoir, se raccrochant à leur rêve du changement illusoire et de la nouveauté. Mais avec Glucksmann on ne s'arrête pas là dans le retournement de veste et de pantalon. Il vient de découvrir que l'Union Européenne est « dénaturée par les lobbies ». Certes il ne peut tout de même pas reconnaître que ce sont ces lobbies eux-mêmes qui ont oeuvré pour sa construction, mais ce sera peut-être pour le tract des prochaines européennes, après quelques années de continuation de son petit travail de télégraphiste de Washington et de chantre de la destruction des nations. La seconde page du tract, quant à elle, ne nous laisse pas souffler : Tout ce que les affreux « populistes » ont réclamé depuis des années est sur le tract, à l'exception de cette béatitude immigrationniste qui permet de conserver le label politiquement correct. Elle a pourtant été affichée cette fois de façon bien plus modérée, on se demande pourquoi... Il lui a fallu aussi garder le thème de l'ennemi extérieur qui servira comme causes à vos malheurs. Ici ce n'est plus simplement la fixation russophobe qui prévaut : Trump et Xi Jinping sont aussi invités au bal des ennemis, dès les premières lignes du tract. Le Napoléon des temps modernes qui va offrir la civilisation aux peuples du monde n'est pas loin. La marque de fabrique profonde reste donc là, montrant que tout le reste n'est que feinte. La chanson de Dutronc n'est ici plus une caricature. Bientôt il faudra peut-être la prendre même au sens propre ! Et que ceux qui croient à un véritable changement d'opinion de l'intéressé se réveillent un peu, sinon ils finiront par réélire Macron aux prochaines présidentielles après avoir manifesté pendant trente samedis !
Parmi les gros poissons qui se réveillent tout à coup en opposants alors que Macron leur a aussi volé la moitié de leur programme (l'autre moitié venant du PS), il y a bien entendu « les républicains ». Eux aussi veulent bien entendu « refonder l'Europe » car cette courte phrase sonne comme une poésie idéale pour contenter tout le monde. Mais là où l'on vire littéralement dans le style Pompeo après avoir aperçu les visages souriants, c'est seulement quelques lignes plus loin : « Face à la Chine, face à l'islamisme » suivi de divers fléaux qui nous menacent, certains réellement, d'autres supposément. Notons que cette fois le rôle de l'ogre extérieur n'est plus joué par la Russie, je souffle un peu. Mais là aussi l'hypocrisie est sans bornes. Lorsqu'un protectionniste comme moi lit de telles choses de la part de personnes qui depuis près de trente ans crachent sur lui, il lui vient une irrésistible envie de saisir le tract pour se torcher avec. Mais je ne voudrais pas contracter quelque infection donc je m'abstiens. Nous voici ainsi sujets à une véritable tentation vers la paranoïa aigüe : Sont-ils à ce point débiles ou tout a-t-il finalement été fait exprès ? Il était évident que la Chine, en toute légitimité, profiterait de l'occasion des délocalisations occidentales pour accéder à l'indépendance technologique en attendant que le transfert du travail de nos gueux soit suivi par celui du travail de nos « innovateurs », cette race si spécifique qui soi disant n'existait que dans les pays occidentaux. Les états agissent selon leurs intérêts et la faute est donc à 100 % imputable à ceux qui ont gouverné l'UE et les USA contre les intérêts de leurs propres citoyens. Mais le mouton suit, tant qu'à court terme on peut lui donner une impression de prospérité en endettant le pays. Et quand on ne peut plus on dit qu'on a changé d'avis. C'est même pire que ça : On fait mine de ne jamais avoir eu l'avis contraire auparavant. Ainsi, là aussi, la rhétorique presque guerrière s'accompagne de fausses envies de protectionnisme. Mais les républicains savent moins retourner leur pantalon que Glucksman, ils sont encore douillets. Leur litanie en seconde page ne convainc donc personne, et même pas eux-mêmes car ça se voit. Aucune vraie mesure protectionniste (qui serait donc interdite par l'UE) ne peut être extraite de ce gloubi-boulga où on ne pèche que des « accorder la préférence » ou choses du même acabit. Mais là où je ris jaune, c'est quand je vois les « républicains » tenter de se redonner une image de traditionnalistes (conservateurs au sens non économique), quitte à faire comme le vilain-pas-beau Viktor Orban en « inscrivant nos racines judéo-chrétiennes dans les traités ». A l'époque où Orban avait fait simplement ajouter une phrase se référant à Dieu et sans conséquences pratiques dans sa constitution, je n'avais pourtant pas vu de « républicains » venir le défendre face à la horde de bobos et jacobins venus nous donner un os à ronger dans notre presse. Bizarre bizarre... On pourra par ailleurs noter que toutes les choses naturellement évidentes qui sont avancées dans le tract ne sont que la stricte application de lois qui existent déjà mais ne sont simplement pas appliquées pour des raisons approuvées par tous les partis politiquement corrects, y compris les « républicains ».
Aussi, bien sûr, tout le monde l'attend... ou plutôt pas : C'est la liste de « En Marche » ou encore mieux : « Renaissance » ! Je ne m'attarderais pas sur l'aspect ridicule de la présentation car d'autres l'ont déjà fait abondamment. Je ne m'attarderais pas non plus sur la constatation de cette sorte de persévérance qu'ont les candidats LREM à faire semblant de croire qu'ils sont crus en répétant toujours les mêmes poncifs européistes, en appliquant les mêmes méthodes Coué, etc. Finalement c'est le tract le moins surprenant car ils sont restés égaux à eux-mêmes. Comme les autres listes, « renaissance » se découvre bien entendu écologique. Si on est dit « de gauche » on « met de l'argent » pour l'écologie. Si on est dit « de droite » on « favorise l'investissement » pour l'écologie. Bref, jamais grand-chose d'écologique au final et surtout du greenwashing, alors que les partis officiellement écologistes s'occupent en première priorité d'immigration, de LGBT, de politiques du logement, etc... Il est donc normal que les héritiers de la concrétisation de ce qu'on appelait autrefois l'UMPS jouent de la même manière sur tout et son contraire, saupoudrant le sociétal branché, les promesses économiques bidon et les marronniers habituels comme « tirer les droits des femmes vers le haut » et « le climat » (car finalement on a déjà oublié que le problème écologique numéro un est la pollution, mais bon). L'armée européenne revient en force, même si ça ne plait pas aux USA qui voudraient plutôt une filiale européenne de l'OTAN et non une armée européenne. Mais une fois la dite armée en place il suffira de donner le manche. Simple procédure administrative ! On ne m'enlèvera d'ailleurs pas de l'idée que le soutien des gilets jaunes par les médias mainstream (quoiqu'on en dise, je n'en démordrais pas) n'était pas une prise de conscience mais un avertissement à Macron de la part de ses copains dont une bonne partie gravite dans les cercles de la FAF.
Mais, me direz vous, nous sommes loin d'avoir fait le tour et je n'ai pas encore abordé la galaxie de la gauche « dure » ou « radicale ». En tête nous avons notre Syriza français : LFI. Finalement pas aussi internationalement belliqueux que les précédents cités, c'est au moins l'avantage, mais toujours dans la posture « on va désobéir mais on va rester » qui fait vite place à « on va désobéir mais juste un peu, pas trop ». La leçon grecque a déjà été pour nous une parfaite illustration. Dans ce contexte, comme en Grèce, l'obtention du label « gauche radicale » ne pourra être réalisée que par la mise en place de ce qui est toléré par les néolibéraux et la gauche caviar : la persécution de l'Église, les chipotages sur le concordat d'Alsace, et l'immigrationnisme de masse. Rien de plus. Je ne suis même pas sûr que la politique internationale de la France puisse vraiment changer dans de telles conditions. L'art de l'esquive à l'aide de talents oratoires peut parfois faire espérer beaucoup trop aux auditeurs. N'est pas encore né celui qui, comme Mélenchon, parviendra à répondre sans choquer en abordant le concordat d'Alsace quand on lui pose une question à propos du terrorisme ! Le tract est donc relativement sans surprises. On ne peut pas dire que c'est du retournement de veste mais ça s'apparenterait plutôt à une liste au père Noël.
Mais alors, me direz vous, il y a la « vraie gauche radicale », dispersée au point qu'on redécouvre grâce à cette enveloppe qu'il en existe encore tant de variantes. Par exemple un PCF polymorphe qui se rangera bientôt du côté du parti « label gauche » le plus vendeur, selon la tradition française des 40 dernières années, mais aussi des spin-off du PS qui auront au moins un rôle positif : Celui de lui siphonner les dernières voix qui lui restent jusqu'à disparition. Là aussi, sans surprise, que des lettres au père Noël : Je veux être bien payé, que les produits que j'achète soient bon marché (donc implicitement faits ailleurs), continuer à acheter et jeter un tas de trucs sans polluer, voire ne pas travailler du tout en me faisant payer un « RU », façon Hammon, par des riches qui ne spéculent plus et ne délocalisent plus (donc tirant leurs revenus de quoi ici ?) car ils auront été ramenés comme par magie à la sagesse, au nom de l'Europe sociale et en conformité avec les GOPE. Mais après cette petite fumette passagère je n'ai pas fait le tour de toute la galaxie « gauche radicale » : Il nous reste les authentiques trotskystes, avec la fameuse Nathalie Arthaud qui va nous libérer du grand capital. Comment ? Et bien, si on commence la lecture du tract par le début on suppose que le plus important vient en premier, alors je cite la seconde ligne : « pour les femmes, (il n'y a) même pas la généralisation du droit à l'IVG ! » Ouaouh... ça c'est l'avancée sociale que des milliers de gens réclament tous les samedis ! Si vous ne l'avez pas entendue c'est juste parce-qu'ils crient trop fort ! Décidément les trotskystes seront toujours complètement à côté de la plaque. Là-dessus on ne peut d'ailleurs pas dire qu'ils retournent leur veste comme Glucksman. Le fond comme la forme restent bel et bien trotskystes : « Mais nous ne sommes pas de ceux qui vantent le repli national. Les frontières ne protègent pas les travailleurs ». Notons, pour ceux qui douteraient, le mot « frontière » inclut ici tous ses sens possibles à la lecture de l'ensemble : Régulation du commerce, immigration et même définition des pays. Malgré cela nous avons droit à une liste d'exigences qui ne sont plus une lettre au père Noël mais une oukase au père Noël sous menace d'exécution, le tout s'appliquant paradoxalement dans un espace de libre échange absolu. N'oublions pas que c'est le programme original de Trotsky lui-même, ce bourgeois europhile qui s'évertua avec grande joie à détruire en un temps record l'économie, l'industrie et l'agriculture de son pays pourtant déjà devenu l'URSS conformément à ses souhaits, y accentuant encore plus le chaos sanglant déjà amorcé. Ceci jusqu'à ce que ses « collègues » se rendent compte que la mise en place d'un quelconque état ne pouvait reposer sur de tels non-sens. Il est à remarquer que même les tyrans commettent parfois, par chance, de bonnes actions. Ce fut le cas pour Staline lorsqu'il décida d'offrir à Trotsky une fin à son niveau. Hélas, ce fut trop tard pour éviter la propagation de cette gangrène du trotskysme dans le monde, soit sous la forme du mondialisme moderne (la mutation néolibérale) qui sert souvent à dissimuler les hégémonies traditionnelles, soit sous celle du trotskysme revendiqué d'origine (néanmoins tout aussi paradoxal dans ses principes) et qui, lui aussi, courtise les gilets jaunes.
Enfin, les pseudo-souverainistes éparpillés se multipliant, ces derniers n'échapperont certes pas à un paragraphe. Tout le monde sait maintenant que le RN est rentré dans le dit « système » en abandonnant toute idée de Frexit. C'est un peu maintenant comme les « républicains » mais avec tout de même la rhétorique guerrière à l'international en moins. Oui, c'est bête à dire mais le RN c'est maintenant « les républicains » en plus tendre, ce qui pourrait au passage expliquer le ralliement plutôt compréhensible de Mariani lasé par trop de russophobie. Mais on obtient néanmoins la même lettre au père Noël que les autres, moins remplie de paradoxes mais donnant tout de même l'impression qu'ils se sont tous copiés. Là aussi, pas de mesures concrètes donnant l'idée d'une once de preuve de la possibilité de réalisation de ces promesses sans frexit. J'ai longtemps refusé la comparaison mais il est vrai désormais que si le RN était immigrationniste et bouffeur de curés ce serait la FI. Et ceci du simple fait qu'ils ne sont pas décidés à sortir de l'UE, rendant ainsi toutes leurs promesses irréalisables. Certains rétorqueront que d'autres choix souverainistes existent, mais il y a hélas bien trop de faux souverainistes dans la course garantissant ainsi l'échec total des rares persévérants et la conservation du pouvoir par tous les néolibéraux bien institués. J'aurais bien voulu croire Philippot s'il ne faisait pas campagne en se présentant à côté d'un gilet plus ou moins jaune qui, quelques jours avant, affirmait lui-même que Philippot se « trompait de scrutin » [2] en promouvant le frexit ! Pour le reste on demeure dans le ton : Promesses du père Noël, moins de taxes et plus de social, plutôt que la présentation sérieuse des étapes d'un frexit, du but à atteindre, des enjeux mais aussi de ses contraintes. Je connais trop de consommateurs compulsifs et d'hédonistes exigeants qui se prennent pour des marxistes ou des écologistes, alors pour les frexiters ça pourrait parfois être un peu pareil, qui sait... C'est peut-être la cas de Nicolas Dupont-Aignan qui n'évoque même plus clairement une sortie de l'UE mais se limite à des « défendons, défendons » sans jamais préciser concrètement par quel moyen. Girouettes trop peu crédibles que tous ceux-là, même s'ils savent constater des évidences. Et cependant celui qui récoltera probablement le moins de voix sera encore celui qui était plus cohérent. La politique c'est comme le show business : Si les radios et les télés ne vous diffusent pas pour vous « lancer », vous resterez animateur de fêtes du village, peu importe votre talent. Ainsi, Asselineau, même s'il a aussi tendance, dans une bien moindre mesure, à écrire une lettre au père Noël, fait l'effort de présenter comment son groupe pourrait intervenir à son niveau et avec ses moyens au sein de l'institution existante. Il mentionne aussi clairement la notion de frexit et de ce qui l'accompagne inévitablement : Autonomie monétaire et sortie de l'OTAN. Mais je vous parie que dimanche soir il se ramasse encore un 0,2 %, ce après quoi on me dira de me préoccuper de ce qui se passe le samedi dans les grandes villes... Je vais finir par l'oublier...
Liens en annexe :
[1] https://youtu.be/ToZaNoyMQ5o?t=17
[2] https://youtu.be/BSeyBuzeHdA?t=1717