Les vaches à lait…
Traite et Retraite :
Inquiétude dans le cheptel.
Depuis belle lurette, les vaches à lait se font du mauvais sang. Non seulement, pour fournir ce précieux liquide, on les a privées honteusement du fruit de leurs entrailles mais qui plus est, elles doivent supporter que ce liquide nourrissant soit pasteurisé, dégraissé, dénaturé et emballé au final dans des contenants indignes.
Où sont donc ces merveilleuses laitières qui jadis servaient de réceptacle à leur production ? Le lait d'alors faisait de la crème, se faisait fripon quand il prenait la poudre d'escampette sur le réchaud. Certains usaient même d'un petit ustensile : un anti-monte-lait pour prévenir en cas de tentative d'évasion, le bon temps en somme.
Le lait et la vache étaient intimement associés. Nombre de consommateurs allaient directement à la ferme pour discuter le bout de gras avec le fermier tandis que son épouse, assise sur un trépied, trayait à la main la Noiraude ou bien Marguerite sous l'œil goguenard d'un taureau qui avait pris sa part dans l'affaire.
Les enfants avaient alors droit à la plus belle friandise qui soit, le lait tout chaud directement sorti du pis, glissé quand un quart métallique qui ajoutait au plaisir. Le gourmand se retrouvait avec une belle moustache blanche qui amusait les adultes qui auraient eux aussi, aimé prendre une lichée. Pour effacer cette frustration et montrer qu'ils avaient grandi, parfois, ils se retrouvaient autour de la table de la cuisine pour vider un verre de vin blanc.
Blanc sur blanc, rien ne bouge, c'est évident tandis que, la tête pleine des histoires de la ferme, les clients et néanmoins amis s'en retournaient avec une douzaine d'œufs, quelques légumes et les chaussures toutes crottées. Les vaches ne pondent pas, je vous rassure, même si souvent, le lait de poule venait parachever cette délicieuse sortie.
Je devine la circonspection de quelques urbains indécrottables qui n'ont jamais foulé la paille dans une étable. Le lait de poule est un délicieux mélange d'œuf, de lait, de banane dans lequel, chacun peut ajouter à sa fantaisie, du rhum, de la vanille, des épices, du sucre. Un remontant qui vaut bien les boissons super-protéinées de l'industrie de la mort lente.
Puis nos amis les bêtes à cornes ont découvert les joies de la trayeuse automatique, le rendement à une chaîne qui resterait désormais à longueur de temps autour de leur cou. Pour beaucoup d'entre-elles, c'en était terminé des caresses de la fermière, la machine blessait des pis qui vécurent le premier dépit.
La suite fut du même tonneau. La prairie fut un lointain souvenir comme ce brave taureau qui avait trouvé dans l’inséminateur, un remplaçant bien moins sensuel. La vie de la vache devint un calvaire d'autant qu'on lui imposait des cadences folles pour pisser un lait dont la saveur n'avait plus aucune importance. Il est vrai que leur alimentation prit une tout autre natureÀ , même s’il est douteux que le mot nature ait sa place dans tous ces compléments si peu alimentaires.
Alors aujourd'hui, quand ces charmantes bestioles entendent que les humains de ce pays évoquent avec colère le mot retraite, elles lèvent la queue pour attirer leur attention. Elles peuvent parler par expérience, après la traite, point de retraite malheureusement. C'est la réforme qui les attend pour un dernier voyage vers les abattoirs. Toutes bêtes à cornes déconsidérées qu'elles sont, elles ont le sentiment que c'est bien ça qui se trame en haut lieu.
Comparaison n'est par raison, diront les tenants d'un monde déshumanisé. Le propos est si choquant que La Noiraude et Marguerite, leur expriment leur mépris en lâchant des bouses qui s'éclatent en tombant au sol. Que les promoteurs de cette réforme prennent garde à ne pas se retrouver le nez dans autre chose que de la farine… À bon entendeur, salut !
À contre-feu