Lettre ouverte à MM. les professeurs Luc Brisson et Bernard Sergent au sujet de l’Atlantide qui se trouverait en plein océan ou nulle part
Monsieur le professeur Luc Brisson, bonjour.
Vous êtes considéré comme le plus grand spécialiste de Platon. Or, dans la traduction du Timée, vous écrivez ceci : C'est que, en ce temps-là, on pouvait traverser cette mer lointaine . Une île s'y trouvait en effet devant le détroit qui, suivant votre tradition, est appelé les Colonnes d'Héraclès. Cela vous amène à placer ladite île en plein océan.
Je suis très étonné. Il me semble, en effet, que le mot "πρό" que vous traduisez par "devant" ne peut avoir que le sens temporel d'avant, et en aucun cas celui de lieu ; exemple : "προ μεσημβρίας", l'avant-midi. Il faudrait donc lire "avant qu'existe le détroit", ce qui, je l'avoue, est assez curieux ; quoique, selon Pomponius Mela, cette brèche entre l’Europe et l’Afrique aurait été tranchée par Hercule, donc tardivement. Disons que le héros l'a ouverte à la navigation. Mais même si l'on veut donner au mot "avant" un sens de lieu, il aurait fallu comprendre que l'île, presqu'île ou partie du continent entourée d'eau, se découvrait AVANT que l'on franchisse le détroit (de Gibraltar), autrement dit, que c'était la Gaule d'avant la Gaule. Votre erreur est d'autant plus incompréhensible que c'est bien notre côte méditerranéenne que vous décrivez avant le détroit, une côte avec son "port au goulet resserré" - caractéristique bien connue de l'antique Massilia. Et que c'est bien notre côte atlantique que vous décrivez après avoir franchi le détroit, un côte bordée de nombreuses petites îles.
Vous évoquez la théorie de Platon concernant les civilisations qui disparaissent et qui sont remplacées par d'autres suite à des cataclysmes. Il ne vous a pas échappé que cette théorie est source d'ambiguités. Il me semble pourtant que vous n'ayez pas vraiment compris que, dans l'esprit de Platon, ces mutations n'entraînaient la disparition de la terre qu'en surface, et encore, principalement du fait de l'interruption de la transmission mémorielle.
Autre erreur d'interprétation, le fait de placer le conflit 9 000 ans plus tôt. En réalité, comme vous le traduisez correctement d'ailleurs, cela ne désigne que l'époque où la guerre éclata, un conflit qui remonte au plus loin dans le temps. Il ne peut s'agir que de la rivalité entre le monde phénicien et le monde grec pour la maîtrise de la Méditerrannée qui se termina en - 509 par la signature d’un traité entre une Rome pro-grecque et une Carthage pro-phénicienne, cinq ou six générations avant Platon.
Monsieur le professeur Bernard Sergent, bonjour.
Autre spécialiste, auteur d'un ouvrage intitulé "l'Atlantide et la mythologie grecque¨, vous développez l'idée que Platon aurait "fabriqué" le mythe de l'Atlantide en s'inspirant de mythes grecs qui se sont forgés dans un milieu entièrement grec. Ne faudrait-il pas plutôt dire : "dans le milieu de la mer Egée" pour respecter la primauté, dans le temps, du dieu phénicien/tyrien de la mer, Yam, rebaptisé du nom de Poséidon ?
S'il est admis, en effet, que tout a commencé à Sumer, ce n'est que vers le X ème siècle avant J.C. que l'écriture apparaît sur les rives orientales de la Méditerranée dans l'inscription du tombeau d'Ahiram, roi de Byblos. L'écriture n'arrivera en Grèce que plus tard.
De même, selon la Bible, c'est au X ème siècle, à Tyr, que le roi Hiram fit fabriquer des objets en bronze pour un temple de Salomon cananéen, notamment une grande cuve reposant sur douze taureaux et richement ornée. Or, les cratères, vases, hydries ou autres objets décoratifs en bronze n’apparaissent dans le monde grec que beaucoup plus tard alors que le cratère de Vix semble les devancer, en Gaule, par sa qualité exceptionnelle.
Autre élément de preuve de l'antériorité phénicienne : son émigration partie du port de Tyr et des rivages du pays de Canaan vers notre côte méditerranéenne, et même jusqu'à l'intérieur des terres.
De toute évidence, Platon évoque la colonisation phénicienne de la Gaule, en faisant se marier Poséidon, le dieu-mer de Tyr, avec la population indigène (du Crest). Il s'agit d'une colonisation/civilisation d'avant Athènes. Si Athéna a placé sur son bouclier une tête de Gorgone, c'est parce qu'elle l'a empruntée aux Gorgones dont parle Hérodote, Gorgones que l'historien grec situe bien à l'Occident (à Gergovie/Gorgona/Le Crest). Si, sur le pithos du Louvre, figure vers l'an - 600, une salamandre, c'est bien parce que c'était l'emblème de cette cité, un emblème qui n'était pas d'origine grecque. Quand Hérodote évoque le lac mythique des tritons, cela ne vient pas de Grèce car il ne s'y trouve ni tritons ni salamandre.
Dans les médailles gauloises dites à l'aurige, évoquant suivant l'interprétation courante un Apollon, rien ne dit que cela vienne des Grecs ou des Romains, mais alors d'où, sinon de l'Atlantide ?
C'est un curieux pendentif en sigillée trouvé à Lezoux sur lequel Antenor a attiré mon attention http://www.persee.fr/doc/racf_0035-0753_1967_num_6_4_1396 En haut, le dieu du ciel, brandissant le fouet et le foudre, prend appui sur un char de la terre tiré par un attelage de deux chevaux. En bas, un triton portant rame symbolise le monde inquiétant et vaseux d'en bas. Ce char de la terre tiré par un attelage de deux chevaux, ce ne peut être que l'évocation de Gergovie. Ce triton ne peut évoquer que le lac ou les mares arvernes où les tritons pullulaient. Peu importe la date de fabrication de cet objet. Il s'inscrit dans le symbolisme de la cité de Gergovie, en passant par le pithos à la salamandre du Louvre jusqu'à la médaille de Celtil, père de Vercingétorix, où cette salamandre, alias triton, figure.
Le vase de Vix s'inscrit dans ce symbolisme.
Après tous mes articles qu'Agoravox a bien voulu publiés, je suis étonné, et même scandalisé, en constatant la léthargie des universitaires qui en sont encore à penser que ce merveilleux cratère est venu de Grèce.
Ces têtes de reptiles, de couleuvres ou de vipères, sont d'Auvergne. Ces lions s'y rencontraient alors. Cette Gorgone, c'est Gergovie, Gorgona, dans son aspect guerrier redoutable, telle qu'elle figure sur ses boucliers. Cette statuette, c'est Gergovie, mais dans son aspect accueillant et civilisateur. Ce cratère, ce cône volcanique, ce sont les volcans d'Auvergne. Nous avons là, rassemblée dans un objet d'art, l'expression patriotique de la grandeur de la cité arverne, née des volcans, et de son mysticisme. Reste, certes, à comprendre comment il se fait que les guerriers arvernes ressemblent autant à des hoplites grecs.
Monsieur Luc Brisson, monsieur Bernard Sergent, comment expliquez-vous...
la ressemblance architecturable des temples de Jérusalem avec nos églises dites romanes les plus anciennes ? Comment expliquez-vous la ressemblance du temple de Mont-Saint-Vincent avec le temple cananéen de Salomon (1) ? Comment expliquez-vous que les chapiteaux aux lions qui s'y trouvent expriment une pensée si proche de la culture cananéenne voire sumérienne ? Comment expliquez-vous les très étranges chapiteaux du Crest qui s'accordent si bien avec le message symbolique du vase de Vix ? Comment expliquez-vous, dans les deux principaux chapiteaux, l'évocation des deux luminaires du texte de la Genèse : le soleil et la lune ?
Voilà la véritable Atlantide que l'on croyait perdue !
Emile Mourey, 4 septembre 2016
Renvoi 1. Extrait d'un tableau sculpté sur ivoire dont j'ai perdu la trace. Il s'agit de la prise de Jérusalem par Titus et non de la conversion de saint Paul, (Ier à III ème siècle), Jésus est représenté dans le ciel.