Léviathan : les nouvelles d’un jour ordinaire

LA nouvelle aujourd’hui, comme en 1989, c’est l’état préoccupant de la santé de Zsa Zsa Gabor. Elle vient de se faire amputer d’une jambe gangrenée, mais les médecins sont optimistes. Comme en 1989 où on l’avait opéré de la hanche. En Grèce, un candidat à l’émission culinaire vient d’être renvoyé parce que son médecin a révélé aux producteurs qu’il était séropositif. En fait l’émission, avant le début du cycle de l’émission mène une enquête approfondie sur l’état de santé des candidats, n’hésitant pas de frapper à la porte du médecin, du curé, de l’avocat de chaque prétendant. On bétonne quoi. Eratosthène, vers 250 av JC, justifiait la politique « multiethnique » d’Alexandre en disant « c’est un non sens de diviser le monde entre Grecs et Barbares : il y a de grecs stupides et ignares, et de barbares brillants et cultivés ». A Alexandrie, se servant d’un bâton, d’un puits, des rayons du soleil et d’un ou deux théorèmes euclidiens, ce même Eratosthène, alors directeur de la grande bibliothèque, calcula la circonférence de la terre : il ne se trompa que de 318 kilomètres sur une distance, aujourd’hui avérée, de 40.008 kilomètres. Inutile de dire que pour lui, le fait que la terre était ronde était une évidence. Aujourd’hui, à Alexandrie on ne discute plus de tout cela : la presse locale parle d’un processus de « libanisation », chaque fratrie, chaque confession déterrant allègrement se hache de guerre divisant le monde entre « grecs » et « barbares ». Le tout sous le regard distrait d’une dynastie « laïque » celle des Moubarak. De quoi faire les Ptolémées se retourner dans leurs tombes, eux qui les premiers avaient traduit en grec la Thora, ou Ancien testament, ou Pentateuque, aux choix. Revenons aux Grecs. Un « ami de cœur » du chef de la droite, celle qui a mené la Grèce en faillite, vient de déclarer : ce n’est pas normal que dans notre pays la politique soit menée par des bébés-cadoms et autres tantouses. En effet, comme le disait si bien Benito Mussolini, la politique est le fait des hommes virils, vêtus de chemises noires, exaltant l’Etat fasciste, tout comme en Allemagne les nazis (préférant le gris – marron) qui considéraient la République de Weimar comme « efféminée » et « molle ». Ce sacré Eratosthène avait raison : il y a des « grecs » stupides et ignares.
En Tunisie, une autre « dynastie élective », celle des Ben Alli, fait face à une insurrection populaire. Le miracle tunisien fait long feu, pauvreté, chômage, misère et dégradation ne pouvant plus être cachés qu’aux touristes insoucieux venus passer des vacances bon marché dans des conglomérats gigantesques offensant les paysages magnifiques de ce pays. Cela s’appelle occidentalisation ou progrès, au choix. Le miracle ne réside pas en l’économie mais au fait que les Ben Alli ont « promené » le regard de la presse internationale vers un paradis imaginaire. D’ailleurs, cela continue. En effet, pour un journaliste le choix est simple : ou il est « touriste » et ne voit que ce qu’on lui montre, ou il est « terroriste », alors on le met en prison ou on lui interdit le voyage. Il ne faut pas s’étonner. La Tunisie est le pays des Lotophages, qui persuadèrent Ulysse que la solution était de tout oublier et de profiter des plages, du soleil et des filles. Eux mêmes étant « un peuple sans mémoire » nous chante Homère. A l’autre bout de la Méditerranée, Israéliens et Chypriotes filent le parfait amour, sur le dos des Philistins. Il y a de quoi : 450 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Selon Noble Energy, se sont les réserves les plus importantes jamais découvertes dans la région, et cela doit être vrai puisque vite fait bien fait, Chypre et Israël viennent de conclure un accord d’exploitation commune et une délimitation bilatérale d’une zone d’exploitation économique. Le tout dans le secret absolu, pour ne pas réveiller le voisin turc. Si vous espérez une prompte solution du problème palestinien, vous serez déçu. Pour bien verrouiller la chose, Israël vient de proposer à la Grèce d’être le distributeur européen du pactole gazier via un pipe line sous-marin. A la grande satisfaction de Bruxelles et des États-membres. Savez-vous comment s’appelle la région gazière : Léviathan. Dans le livre de Job ce nom désigne un dragon marin et évoque un cataclysme pouvant changer la face de la Terre. Les Israéliens ont de l’humour. Mais choisissons plutôt la signification que lui donne Thomas Hobbes : un Etat monstre qui s’épanouit sur le dos des peuples. Souvenez vous de l’arraisonnement de la flottille humanitaire se dirigeant à la bande de Gaza. On se demandait alors pourquoi tant d’efforts de la part d’Israël pour délimiter une « zone d’exclusivité » dépassant les eaux territoriales. Et bien, vous avez la réponse. On se demandait quelle mouche avait piqué Erdogan pour lancer une « croisade humanitaire » sur ces eaux et bouleverser la politique de la Turquie vis à vis d’Israël. Et bien, vous avez la réponse. Et ce n’est pas celle de Jonas. Ni de la solidarité envers le peuple palestinien. La presse ne sait et ne dit rien. Et encore moins aujourd’hui : la Hongrie, présidant désormais l’UE, vient de voter une loi liberticide sur sa propre presse. Que le gouvernement actuel soit la conséquence d’une alliance du centre, de la droite et de la droite extrême est une chose les lois qu’il vote n’en sont que la conséquence. Que la presse européenne et la Commission ne réagissent pas vigoureusement contre les libertés que Budapest prend avec la liberté de la presse en est une autre.
Stéphane Hessel nous dit : indignez vous ! Archimède disait : donnez moi un point d’appui, et je bougerai la terre entière