samedi 14 janvier 2023 - par Carlo Gallo

LVMH / La reproduction sociale et les paradis fiscaux

En buvant mon café le matin du 12 janvier 2023, j’ai écouté l’éditorial de François Lenglet sur RTL[1]. Le titre de cet éditorial : « Comment le patron de LVMH Bernard Arnault prépare sa succession  ». L’introduction de l’éditorialiste : « Bernard Arnault, grand patron de LVMH, le champion français du luxe, prépare sa succession en offrant à deux de ses enfants des postes stratégiques au sein du groupe  ».

Si cet éditorial était une publicité, je comprendrais sans problème. Cependant ce n’était pas le cas « officiellement » ; il s’agissait d’un éditorial d’information, censé être le plus neutre et clair possible.

Alors, après avoir présenté brièvement le groupe LVMH et son président, insistant sur la nationalité du groupe (soyez fiers d’appartenir au même pays que la nationalité du groupe LVMH et de son patron), pas un mot sur « l’optimisation fiscale », c’est-à-dire l’évasion fiscale, en termes plus simples et concrets.

François Lenglet nous dit : « La succession se prépare à la tête d’un empire économique français. Une entreprise de premier plan, la première entreprise d’Europe. Et la famille qui en détient le contrôle est la première fortune mondiale : LVMH, le champion français du luxe, fondée et dirigée par Bernard Arnault. (…)… deux des enfants du patron viennent d’être promus à des postes-clé de l’entreprise. Il a été décidé ce mercredi 11 janvier que Delphine, la fille ainée, va diriger Dior. Le mois dernier, Antoine, l’un des fils, a été promu patron du holding familial qui contrôle LVHM. Les trois autres enfants de Bernard Arnault travaillent aussi dans l’entreprise. (…)

Plus loin le journaliste nous apprend (!) que presque toujours, la famille place un héritier à la tête de l’entreprise familiale. Il poursuit : «  Il faut reconnaître que les successions sont généralement plus réussies dans les boites familiales que dans les autres entreprises. Probablement parce que l’histoire, la culture familiale, la transmission d’un capital social et des valeurs permet de former l’héritier.  »

Quant à la façon de procéder, Lenglet dit : « Chez les Mulliez, propriétaires d’Auchan, Décathlon ou Leroy Merlin, on organisait naguère une sorte d’académie estivale, avec tous les jeunes de la famille élargie pour repérer les futurs talents. Il arrive pourtant qu’on n’en trouve pas, comme chez Norbert Dentressangle le transporteur, vendu en 2015 à un Américain pour plusieurs milliards, faute de motivation des enfants pour reprendre. C’est net, et bien documenté, elles sur-performent par rapport aux entreprises cotées classiques.[2] »

Aucun mot sur les paradis fiscaux où nombre d’activités de LVMH (et pas seulement) sont installées, aucun mot sur la reproduction sociale à travers l’héritage qui, dans la bouche de l’éditorialiste devient même quelque chose de très positif car ceux qui ne réussissent pas à trouver dans leur famille un héritier sont rachetés par des conglomérats étrangers.

Les inégalités non plus ne font pas partie du vocabulaire de l’éditorialiste. Cependant, quand on cherche un peu on se rend compte que tandis que la pauvreté, le chômage et les inégalités explosent, que les étudiants font la queue pour bénéficier d’une aide alimentaire, ça n’a pas été la crise pour tout le monde.

Selon Oxfam, la richesse des milliardaires français a augmenté de 68% depuis la crise du covid.

De plus, malgré la crise, les entreprises du CAC 40 ont versé des dividendes atteignent 56,5 milliards d'euros l'an dernier, contre 45,6 milliards en 2021. Les chiffres records du CAC 40 pour l'année 2022 contrastent avec le quotidien des Français, minés par l'inflation et la crise de l'énergie.

Dans le même temps, le gouvernement fait des économies sur le dos des plus précaires, en « réformant » les APL et les allocations-chômage, en proposant de reculer de l’âge légal de départ à la retraite.

Il est inadmissible de vouloir faire payer la crise aux plus fragiles, pendant que les grandes entreprises versent des dividendes record, et que les milliardaires s’enrichissent à un rythme insensé. D’autant plus que LVMH et Bernard Arnault pratiquent l’optimisation fiscale à fond :

* 27% des filiales de LVMH se situent dans des paradis fiscaux ! Cela représente 305 filiales dans des territoires considérés comme des paradis fiscaux[3].

* Le scandale OpenLux[4] a ainsi montré que LVMH détient 24 filiales au Luxembourg, la 2e entreprise française la plus présente après BNP. Le Monde nous dit à ce propos : « Les trois quarts des groupes tricolores cotés en France sont présents au Grand-Duché, à travers près de 170 filiales, souvent consacrées à une ingénierie financière complexe. A partir de la base de données OpenLux et de la documentation financière des sociétés, Le Monde a calculé que vingt-neuf des trente-sept groupes du CAC 40 ayant leur siège en France étaient aussi présents au Luxembourg, par le biais d’au moins 166 filiales. » Enfin, LVMH est également impliqué dans les ParadisePapers[5].

 

[2] Op.cit.



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