vendredi 9 novembre 2012 - par Roland Gérard

Lyon mars 2013 : Mobilisation citoyenne pour la biodiversité

Le mouvement des assises de l'EEDD lancé en 2000 à Lille et passant par Caen en 2009 est en train de montrer que pour l'EEDD les citoyens disent présents. C'est une mobilisation d'un genre nouveau qui est en marche.

Comme le montre cet exemple du terrain, l’heure est à la réconciliation. C’est en Charente : « Une école où il se passe des choses depuis longtemps maintenant en matière d'EEDD : un jardin et une mare en construction avec l'appui des services de la mairie (bientôt un atelier ouvert aux habitants sur "accueillir la biodiversité au jardin" dans ce lieu), 20% de bio au restaurant communal qui sert les enfants de cette école, des projets EEDD dans plusieurs classes chaque année avec les interventions de Charente Nature et la communauté d'agglo (eau, déchets, milieux naturels, changements climatiques), des classes de découvertes (pour les CE2 cette année sur le thème des mares au centre de découverte d'Aubeterre), bientôt des nichoirs à hirondelles (construits par les enfants de centre de loisirs) sur la façade pour espérer faire augmenter la colonie existante…  »*

Réconciliation entre l’Homme et la nature, c’est juste ça la nouvelle voie qui est devant nous. Des établissements d’enseignement mettent déjà en œuvre ce qu’il faut pour y arriver. Ils sont dizaines, ils pourraient très vite, devenir milliers.

Mot fort que ce « mobiliser »

Nous sommes, les humains, de plus en plus nombreux à être saisis par la crise écologique et en particulier par l’extinction des espèces. La dégringolade continue. En milliers plantes et animaux disparaissent et après des dizaines d’années de palabres et d’échecs, nous entendons : « il faut mobiliser pour la biodiversité ». Mot fort que ce « mobiliser ». Il renvoie immanquablement, à la guerre : « mobilisation générale » ! A l’époque c’est l’émotion qui levait les troupes. Le sentiment patriotique, le désir d’en découdre avec « l’ennemi », la peur des autorités qui emprisonnaient ou fusillaient les « lâches » ou simplement la peur de ce que diraient les voisins si on devait refuser de prendre les armes. La raison n’y avait pas sa part et l’on connaît les résultats de ces « mobilisations » les morts en millions, nos mémoires qui sont encore pleines des cris, des souffrances, des horreurs.

Parce que rien ne s’arrangera sans mobiliser les intelligences.

La mobilisation que propose l’EEDD en faveur de la biodiversité est de tout autre nature. Si l’émerveillement est à la source de très nombreux engagements, ce qui nous commande au fond, ce n’est pas l’émotion. Pas question d’envoyer les troupes au front à l’appel d’un chef. Quelque soit la valeur éthique des grands combattants pour l’environnement du moment, les acteurs de l’EEDD n’invite pas à les suivre. L’éducateur n’invite personne à suivre personne. S’il y a quelque chose à suivre, c’est notre propre conscience. Et celle-ci, notre propre conscience, nous avons chacun le devoir impérieux de la forger. L’éducateur tâche juste d’éclairer le chemin pour que chacun puisse y poser ses pas de la façon qu’il jugera bonne pour lui. Très bien donc si l’émotion est à l’origine des choses, elle déclenche, elle éveille, elle alarme, mais le plus important c’est qu’elle incite à prendre le chemin de la compréhension. Parce que rien ne s’arrangera sans mobiliser les intelligences. Mobiliser c’est ce que le CFEEDD tente de faire avec sa pétition pour l’EEDD***.

l’expérience

La séquence d’éducation à l’environnement et au développement durable ne comporte pas de moment « mot d’ordre ». Il ne s’agit pas de diffuser de l’opinion, il s’agit de développer l’esprit critique. C’est en cela que l’EEDD reprend à son actif tout le corpus de l’éducation nouvelle avec ses méthodes de pédagogie active connues de longues dates. Célestin Freinet reste un grand maître du geste pédagogique. Il n’y a plus beaucoup de bœufs et le labour profond est passé de mode, mais tout le monde comprendra : « Les acquisitions ne se font pas comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience. Etudier d’abord ces règles et ces lois, en français, en art, en mathématiques, en sciences, c’est placer la charrue devant les bœufs. ». Donc en premier l’expérience. Il disait aussi : « La voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration, processus essentiel de l’Ecole, mais le tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle. ». Oui laissons chacun qui veut apprendre, essayer, se tromper…recommencer.

Quelque chose à être

Aller dehors sur le terrain, rencontrer des intervenants, travailler en petits groupes, susciter la créativité collective, apprendre à débattre…penser « savoir être » et « savoir faire » avant de s’enferrer dans l’acquisition de connaissances : "Ce qu’il faut aux hommes, ce n’est pas quelque chose à apprendre mais quelque chose à être." Disait Henry David Thoreau, c’est la voie de l’EEDD. La connaissance dont nous avons besoin est le produit d’une construction sociale et non le déversement de savoir d’un cerveau dans un autre. « Personne n'éduque autrui, personne ne s'éduque seul, les hommes s'éduquent ensemble par l'intermédiaire du monde » **. Et puis affirmons le haut et clair : « folie que l’école, qui nous demande de faire parfaitement seul au jour de l’examen, alors que nous devons faire au mieux, ensemble, durant toute notre vie ».

Rendre le monde habitable

Alors amenons les enfants et tous les humains au contact du beau. Laissons, comme l’UICN nous y invite, avec « Love Not Loss  » l’émerveillement opérer. Donnons à voir du beau, touchons au cœur les publics. Mais ne nous contentons pas de cela, apprenons ensemble à penser. Mettons nous en quête de la compréhension des grands enjeux que met à jour la crise écologique. C’est tellement simple, il suffit de tenter de rendre le monde habitable pour nous les humains certes, mais aussi pur tout ce qui vit avec nous.

Ouvrir l’horizon

C’est pour ça que nous organisons les troisièmes assises de l’EEDD. Elles ont démarrée depuis le printemps et se déroulent dés à présent dans 85 territoires. Elles sont régionales, départementales, ou plus locales mais partout ce sont ateliers et discussion avec toujours cette seule et même idée : « comment faire en sorte pour que les pratiques d’EEDD se développent dans les territoires ? ». Territoires ? Voilà un mot clé qui nous invite à modifier nos images mentales forgées par le passé. Il n’est pas que de proximité, il est aussi national, européen ou mondial. C’est la crise écologique et sociale mondiale, c’est la mondialisation pour tous, pas que pour le marché et la finance. Ces assises nous les vivons en pédagogie de projet, nous les coconstruisons, avec les territoires, avec toutes les parties prenantes : Etat, collectivités, associations (évidement, elles sont moteur), syndicats, entreprises. Les assises sont une occasions pour décloisonner, nous avons choisi « ouvrir l’horizon » comme slogan fédérateur.

Ce que nous attendons

Nous nous sommes donnés trois objectifs opérationnels. Il s’agit d’abord d’intégrer la dimension éducative aux politiques et stratégies des organismes publics et privés pour changer les représentations et modes de vies des personnes et des groupes. Ensuite nous voudrions nous doter d’une définition de l’EEDD qui ait du sens pour tous les acteurs rassemblés et qui soit compréhensible par la population. Enfin nous souhaitons aboutir à 10 propositions consensuelles partagées entre tous les acteurs des Assises avec une déclinaison opérationnelle pour les territoires qui donne lieu à des engagements multi-acteurs. Les objectifs plus globaux apparaissent sur le site http://www.assises-eedd.org/

BIODIVERSITE : Se réconcilier avec la Nature

11 chantiers sont ouverts. Ce sont les chantiers de la transition écologique : « eau », alimentation », « climat », « consommation et production responsables »…les chantiers de la mobilisation collective : « place aux jeunes », « tous acteurs » ou ceux de la capacité à agir : « valeurs, éthique » et « gouvernance ». Le chantier dédié à la biodiversité est libellé ainsi : « Observer, ressentir, rencontrer, comprendre : c’est au contact de la nature que nous renouvelons et confortons notre sentiment d’appartenance à la biosphère. Pour beaucoup, aujourd’hui, être dans la nature ce n’est finalement pas si naturel, et cela s’apprend. Faire émerger, enrichir et partager une nouvelle culture de la Nature est une étape indispensable pour renforcer notre capacité à agir ensemble pour la biodiversité en faisant de la participation citoyenne et de la formation des acteurs et professionnels (sport, tourisme, santé, gestion des territoires…) des leviers de réussite. »

Au nom du principe 10.

Les assises sont inscrites dans un contexte dont il faut dire deux mots. Elles sont françaises certes mais le 4 mars 2013, toujours à Lyon, elles sont précédées d’une journée européenne de l’EEDD. De cent à deux cents personnes venant de tous les pays d’Europe viendront pour l’échange et la rencontre, mais aussi pour la mise en réseau et la consolidation d’un Espace Européen de Concertation (EEC). Les assises s’inscrivent aussi dans le temps, en juin 2013 de nombreux participants des assises de Lyon participeront au World Environmental Education Congress (WEEC 7) en juin à Marrakech, il y aura ensuite en France la deuxième conférence environnementale, puis il y aura au Japon la conférence de clôture de la décennie de l’EDD des Nations Unies en novembre 2014. Quant aux quatrièmes assises en France ce sera pour 2017 ou 2018. Tout cela nous le faisons au nom du principe 10 du sommet de la Terre de 1992 : « La meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens… ». Qualité de l’environnement et démocratie sont lié, sur cette ligne, il y en a peu, Etats et société civile sont entièrement d’accord. Reste à savoir comment allons nous nous y prendre pour que les citoyens participent ? Parce que là, ils n’y sont pas. Se rencontrer, se parler, échanger, c’est le tout début, c’est ce que proposent les assises.

Roland Gérard.

* Ca se passe à l'école Marie Curie de La Couronne en Charente, une école rassemblant 220 enfants de cycle 3.

** Paulo Freire, in pédagogie des opprimés, 1974

*** http://www.cfeedd.org/petition/




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