vendredi 7 décembre 2007 - par Paul Villach

« Médiapart » d’É. Plénel, un nouveau média ou un média de plus ?

Parce qu’on ne peut se satisfaire de la qualité de l’information disponible aujourd’hui, l’annonce de la création d’un nouveau média suscite intérêt, espoir et sympathie. Des journalistes parmi lesquels on reconnaît des anciens du journal Le Monde, comme Édwy Plénel, Laurent Mauduit, Érich Incyan, viennent, le 2 décembre dernier, de mettre en ligne leur projet d’un journal participatif, Médiapart.

On ne peut que souscrire au diagnostic qu’ils portent eux aussi sur l’état préoccupant de l’information en France. On enregistre avec satisfaction leur volonté de rompre avec cette dépendance économique qui a fait des médias les porte-parole du pouvoir économique. Et quand celui-ci est étroitement lié au pouvoir politique, la pluralité des médias ne garantit plus le pluralisme des opinions : cette apparence pluraliste n’a d’autre fonction que de servir d’écran à l’unique « voix de son maître ». Évoquant son expérience au Monde dans l’interview télévisée disponible sur le nouveau site, Laurent Mauduit rapporte ainsi l’incident, parmi d’autres, qui l’a conduit à quitter ce journal : une enquête, qu’il venait de rédiger sur les Caisses d’épargne, a été tout simplement censurée. Le président du conseil de surveillance du journal, a-t-il découvert peu après, assurait des missions de conseil secrètes et rémunérées auprès des Caisses d’épargne ! Tout est dit : « Nul être sain ne livre volontairement des informations susceptibles de lui nuire ». Qui peut contredire ?

L’ambition d’un journalisme « repensé », « refondé »

C’est pourquoi on attend de ces pionniers d’un nouveau journalisme qu’ils abandonnent les mièvres légendes d’une mythologie journalistique qui, pour partie, a conduit à cette situation en fortifiant la naïveté des lecteurs. L’autre responsable majeur est l’École qui inculque toujours à ses élèves, sans scrupule ou en toute ignorance, des notions erronées empruntées, il est vrai, ... à la mythologie journalistique.

- L’éditorial-manifeste que signe, ce 2 décembre 2007, Édwy Plénel, insiste avec bonheur sur leur ambition de « repenser » et de « refonder » l’activité journalistique en lui assurant d’abord l’indépendance économique. Il dénonce avec raison l’illusion de la gratuité de l’information. L’accès apparemment gratuit à des journaux et à des sites internet l’a particulièrement développée : c’est oublier naïvement que la publicité et la course à l’audience, qu’elle impulse pour sa plus large exposition possible, est le prix souterrain que le journalisme finit par payer très cher, celui de l’auto-censure et de « l’information indifférente ». Laurent Mauduit rappelle ainsi que l’ancien patron de Vivendi, J.-M. Messier, mécontent des informations publiées sur son entreprise, avait refusé toute campagne publicitaire au journal : comment se priver de gaîté de cœur de 15 millions d’euros ?

- É. Plénel montre également que l’équipe de Médiapart paraît avoir pris conscience que cette indépendance est avant tout conditionnée par ses lecteurs : « Désormais soumis à vos avis, commentaires et contributions sur ce pré-site, leur écrit-il, l’avenir de ce projet est entre vos mains ». Nul doute que des lecteurs avertis constituent le meilleur rempart de l’indépendance du journaliste : on ne raconte pas de bobards à qui est capable de le repérer, sauf à prendre le risque de se discréditer. Pourquoi les journaux de 1914-1915 (Le Temps, 4/8/1914 - L’Intransigeant, 17/8/1914 - Le Matin de Paris, 27/4/1915, etc.) pouvaient-ils se permettre de raconter que «  les balles allemandes ne (tuaient) pas  », que « les schrapnels (retombaient) en pluie inoffensive  », que «  les gaz asphyxiants n’(étaient) pas bien méchants », sinon parce qu’ils s’adressaient à des lecteurs que leur passage par l’École laïque et obligatoire n’avait pas moins rendus inaptes à percevoir les leurres dont on les amusait ?

La persistance d’une mythologie fallacieuse

Aussi, ce nouveau journalisme « repensé » et « refondé » devrait-il être attentif à écarter désormais les erreurs diffusées quotidiennement par l’ancien, qui ont cultivé chez les lecteurs la crédulité. Or, cet éditorial-manifeste ne laisse nullement augurer de l’aggiornamento nécessaire. On y relève, au contraire, les concepts erronés de la mythologie journalistique la plus traditionnelle.

- L’usage de termes moraux sonne l’alarme. Les principes de ce nouveau journalisme sont fixés en ces termes : « Sa première obligation est à l’égard de la vérité, sa première loyauté envers les citoyens, sa première discipline la vérification et son premier devoir l’indépendance ».

- Plutôt que de parler de « vérité », réalité insaisissable pour un être humain qui n’est ni omniprésent ni omniscient, pourquoi ne pas viser plus modestement « une représentation de la réalité la plus fidèle possible » ? La formulation serait-elle trop longue ? Avant de se lancer dans d’autres enquêtes, calerait-on déjà à Médiapart devant les contraintes d’airain qui s’exercent sur la perception humaine de la réalité ? Cette formulation a pourtant le mérite de ne pas présenter le journal comme une source biblique montrant « la voie, la vérité et la vie ». La loyauté, de son côté, est un engagement déontologique qui fait honneur à ceux qui le prennent : mais qui peut affirmer qu’il s’y tiendra toujours ? La défense de sa survie nécessite souvent qu’on y manque pour égarer celui qui menace. Un lecteur doit-il donc se fier seulement à cette promesse ? Quant à « la discipline de la vérification », qui est assuré de toujours s’y astreindre ? Surtout, des informations vérifiées suffisent-elles à garantir une information de qualité ? Il est bien souvent des informations dûment vérifiées qu’on se garde justement de publier, car, encore une fois, « nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire » : ce principe fondamental de la « relation d’information » est intangible.

« Journalisme d’investigation », ce joli pléonasme

Ainsi la fonction prioritaire assignée désormais au nouveau journaliste, « remis à sa juste place » et «  (fondant même) sa légitimité démocratique  », est-elle entachée d’une carence majeure : «  chercher, écrit É. Plénel, trouver, révéler, trier, hiérarchiser, transmettre les informations, les faits et les réalités, utiles à la compréhension du monde, à la réflexion qu’elle suscite et à la discussion qu’elle appelle  ».

Ce travail d’enquête est certes le rudiment de la profession, même si son « oubli » a conduit à inventer un joli pléonasme, « le journalisme d’investigation », sans doute pour ne pas nommer par charité ou dissimulation celui qui ne l’est pas, « le journalisme de connivence » ou « le journalisme de l’information indifférente ». Il ne faut pas pour autant tomber dans l’image d’Épinal de Rouletabille ou de Tintin reporter. En fait d’investigation, le journaliste voit souvent venir à lui des informations de première main sans qu’il ait à beaucoup courir le monde : un simple courrier anonyme dans sa boîte aux lettres ou un rendez-vous discret dans un café avec un informateur ou des rencontres plus romanesques dans un parking souterrain, comme entre « Gorge profonde » - pseudonyme de W. Mark Felt, directeur adjoint du FBI - et deux journalistes du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein, entre 1972 et 1974, devenus les figures emblématiques du genre, après « l’affaire du Watergate » qui a poussé Nixon à démissionner.

L’information est une guerre à intensité variable

Mais dans tous les cas, une fois l’information établie, se pose la question essentielle : la diffuser ou pas ? Telle est la question et tel est le commentaire qui s’attache indissolublement à sa diffusion ou à sa rétention ! À en croire la règle d’Édwy Plénel, le critère de diffusion serait son «  (utilité) à la compréhension du monde, à la réflexion qu’elle suscite et à la discussion qu’elle appelle ». On le veut bien. Mais qu’est-ce qu’une information « utile à la compréhension du monde » ou encore une information « d’intérêt public » ?

- Trop d’exemples montrent que ce sont précisément ces informations qu’un émetteur garde de préférence secrètes pour avoir l’avantage sur son adversaire. L’information n’est pas un club où l’on devise courtoisement, elle est d’abord une guerre, même si, heureusement, son intensité varie. Et toute guerre est d’abord une guerre d’information pour attirer l’ennemi sur de fausses pistes.

« L’Opération Mincemeat », menée par les Alliés en avril 1943, en est un bel exemple. L’information « utile à la compréhension du monde » devait être impérativement cachée à l’ennemi nazi pour qu’il se désengageât des plages de Sicile si évidemment propices à un débarquement de troupes venues d’Afrique du Nord. Le cadavre d’un officier britannique échoué sur une plage d’Huelva au sud de l’Espagne, avec une sacoche de documents ultra-secrets attachée au poignet, a permis d’égarer les nazis, en leur faisant croire que la Sardaigne et la Grèce étaient préférées à la Sicile. Seulement, ce cadavre qui signait apparemment un accident d’avion, était celui d’un SDF, mort empoisonné, qu’on avait déguisé et acheminé en sous-marin au large de Huelva : pour rendre crédible un accès simulé à des informations aussi secrètes, il fallait bien faire croire à une chance inouïe tombée du ciel.

Or quelle « représentation de la réalité » était alors accessible et en premier lieu aux journaux désireux d’en rendre compte, en dehors d’une photo de la plage où avait eu lieu la découverte, et de l’interview des découvreurs, avec leur état-civil, le temps qu’il faisait, leur émotion et toute « l’information indifférente » qui s’ensuit, faute de pouvoir accéder à une « information extorquée », la seule pourtant qui eût valu la peine, mais que la vie de dizaine de milliers d’hommes et de femmes commandait de garder rigoureusement verrouillée ?

- Le journaliste peut bien vouloir «  (redonner toute la) vigueur et (la) force (qu’il veut) à ce travail d’information, d’enquête et d’explication, de terrain et de contextualisation  », même s’il y parvient - ce qui n’est pas sûr - la question essentielle demeurera au bout du compte : publier ou ne pas publier ? Et la réponse dépendra toujours des intérêts en jeu.

Ces sempiternelles erreurs promotionnelles chères à la profession

On retrouve, enfin, sous la plume d’É. Plénel les mêmes erreurs qu’il n’a cessé de propager avec sa profession dans le but d’acquérir un crédit à peu de frais. S’il convient volontiers que «  le jugement, le point de vue, l’analyse ou le commentaire, l’analyse et l’engagement, l’expertise et la connaissance ne sont pas (la) propriété exclusive (du journaliste)  », et qu’il se félicite de cette redécouverte, c’est pour aussitôt attribuer d’office au journaliste celle de la transmission des « informations  », des « faits » et des « réalités ». Et revoilà revenues par la fenêtre la distinction fallacieuse entre « fait » et « commentaire » et la définition erronée de l’information présentée comme « un fait », base erronée d’« une théorie promotionnelle de l’information » répandue par les médias depuis des lustres.

- É. Plénel n’a pas varié sur ce point, au moins depuis son ouvrage La Part d’ombre publié en 1994. La rédaction du Monde dont il était le directeur, reprenait huit ans plus tard une même conception du journalisme dans la brochure L’Esprit du Monde en janvier 2002 : «  L’information du Monde doit être honnête et équilibrée, lisait-on. Cela signifie en premier lieu qu’elle doit être scrupuleusement dissociée du commentaire : priorité doit être donnée à l’établissement des faits, aussi impartialement que possible, sur le jugement que ceux-ci suscitent ». Le Monde, était-il ajouté, «  a naturellement pour but de permettre aux lecteurs de faire le tri entre ce qui relève des faits, qui doivent être considérés comme sacrés, et ce qui relève du commentaire, libre par définition ». Les révélations de Laurent Mauduit, évoquées plus haut, montrent l’usage qui peut être fait de ses professions de foi, la main sur le coeur !

- Interrogé par la revue Médias (n° 3) en décembre 2004, après sa démission, E. Plénel, lui-même, répétait invariablement ce « credo » : «  Un bon journal, c’est d’abord un journal honnête. Un journal dont je connais les règles de production, qui ne me fourgue pas une marchandise clandestine, qui ne mélange pas l’information et le commentaire, qui ne biaise pas, qui ne ment pas par omission, qui vérifie ses informations, n’oublie jamais de les sourcer et s’efforce de les contextualiser (...)  »

- Au martèlement de l’erreur doit répondre celui de sa correction. On ne répétera jamais assez que l’on n’accède jamais à « un fait » par ses médias (les cinq sens, les postures, l’apparence physique, les mots, les silences, les images, les diverses prothèses électroniques, etc.) - qui par nature s’interposent entre soi et la réalité. Ainsi une information n’est- elle pas « un fait », mais «  la représentation d’un fait plus ou moins fidèle qu’on garde secrète, livre volontairement ou extorque, selon ses intérêts » : autant dire qu’ « un fait » est indissociable du « commentaire » qui le livre, et qu’on ne peut l’en extraire comme on tire le radium de la pechblende. Le journaliste peut bien enquêter sur le fameux « terrain », comme aime à dire É. Plénel et ses collègues. Ce qu’il en rapportera pour autant, ne sera jamais « le terrain », mais « une carte » de ce terrain plus ou moins fidèle, selon le mot de Paul Watzlawick, disparu en mars dernier. Pour le lecteur qui veut en savoir plus, il suffit qu’il se reporte à plusieurs articles précédents qu’on a publiés sur Agoravox, et en particulier « La leçon tragique de journalisme de Géraldine Muhlman sur France-Culture » ou « Si le JT n’est ni de l’information ni du journalisme, alors qu’est-ce que c’est ? ».

On souhaiterait que les promoteurs de ce nouveau journalisme comprennent que c’est leur propre avenir qu’ils engagent dans le choix d’ « une théorie de l’information » qui arme ou désarme leurs lecteurs ou auditeurs contre la crédulité. Ils ont tout à gagner à long terme à mettre sur la table les contraintes d’airain qui s’exercent sur « la relation d’information » au lieu de ruser une fois encore. Contre la pression implacable exercée sur l’information par la contrainte des motivations de l’émetteur et par celle des médias, comme l’emprise des « ressources » (propriétaires et annonceurs), un lectorat averti est un bouclier plus sûr qu’une simple profession de foi déontologique.

É. Plénel et l’équipe de Médiapart s’inscrivent, disent-ils, dans la lignée d’Albert Camus, animateur du journal Combat, issu de la Résistance, décidément très sollicité aujourd’hui. Comme lui, soutiennent-ils, ils ont l’ambition «  à (leur) place et pour (leur) faible part, (d’) élever (le) pays en élevant son langage ». La première preuve de cette volonté d’ « élévation du langage » ne commence-t-elle pas par l’abandon des erreurs d’ « une théorie promotionnelle de l’information » qui n’a que trop désorienté jusqu’ici les citoyens ? L’École qui s’est toujours refusée à cette correction, serait, après, bien obligée de suivre.



22 réactions


  • tvargentine.com lerma 7 décembre 2007 10:12

    Si comme moi vous avez été jeter un oeil sur le site de l’ex-donneur de leçon de morale du « Monde » Edwy Plenel qui vient de lancer son site web http://www.mediapart.fr/ afin de faire payer des gogos pour lire sa tribune tout les matins,vous allez rigoler !

    Il y a plein de bobos qui rejoignent la secte pour payer plus pour donner moins !

    Il dit « Economiquement, la presse quotidienne française est entraînée dans une spirale dépressive sans fin. C’est le règne du perdant-perdant : des déficits qui se creusent, des lecteurs qui s’en vont, des recettes publicitaires qui se réduisent et des plans sociaux qui se répètent, privant les journaux de leur capital le plus précieux - l’expérience de celles et ceux qui les font. Economie et politique vont de pair : une presse fragile est une presse faible. »

    Il pense à sa co-gestion du « Monde » avec son ami Colombani qui s’est rempli les poches avant de quitter le navire qui coule ? ? ? ? ?

    Notre ami ex-troskiste dit aussi quelques bonnes vérités qu’il a oublié de mettre en application quand il dirigeait la rédaction du « Monde »

    "Avec l’avènement du média personnel, la révolution d’Internet a fait tomber de son piédestal le journalisme qui prétendait avoir le monopole de l’opinion. S’il l’avait oublié, il lui a fallu réapprendre, parfois à ses dépens, que le jugement, le point de vue, l’analyse ou le commentaire, l’analyse et l’engagement, l’expertise et la connaissance ne sont pas sa propriété exclusive. ’

    Et notre ami journaliste-Bizness dit nous aussi

    « Adhérer au projet MediaPart, c’est payer pour les garantir. C’est d’abord acheter la promesse d’une information exigeante, sans dépendance publicitaire ni courbe d’audience. C’est ensuite acquérir le droit de participer à un média totalement inédit, d’appartenir à sa communauté de lecteurs et de contributeurs, de faire vivre soi-même l’information, la réflexion et le débat. C’est enfin construire durablement l’indépendance de cette nouvelle presse, radicalement démocratique »

    Bref,vous l’aurez compris,,cela sent le pognon à plein nez et soyons certain que notre ami trouvera un ami banquier pour lui donner (des millions d’euros en crédit ?) ce qu’il refuse chaque jours à des créateurs ou des petits chef d’entreprises pour se développer.

    AGORAVOX reste le meilleur car il n’y a pas de pensée unique imposée par une ligne directive venant d’en haut et soyons certains que les enquêtes qu’AGORAVOX fera auront une qualité bien supérieure à cette de ce site de bobos

    Il n’y a qu’a lire les commentaires de ce site sur l’édito du camarade journaliste E Plenel pour comprendre que c’est déjà le veau d’or :- ))


  • wesson wesson 7 décembre 2007 10:32

    MediaPart, rien que le nom ressemble déjà à une régie publicitaire...


  • ZEN ZEN 7 décembre 2007 10:56

    Bonnes questions, Paul. Attendons ce que cela va donner. Derrière la phraséologie de convenance, de quelle nature sera le bébé ?

    Beuve-Mery disait, je crois : « Un fait (journalistique) est le résultat de jugements »


    • Paul Villach Paul Villach 7 décembre 2007 11:19

      Bien sûr ! Wait en see ! Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.

      Je souhaite seulement qu’un aggiornamento de la théorie naïve de l’information, aujourd’hui répandue dans les médias et par l’École voit enfin le jour.

      Ces initiatives nouvelles en sont l’occasion. Où est le danger ? On a tout à y gagner. Paul Villach


    • ZEN ZEN 7 décembre 2007 12:10

      Bonjour, Paul, une proposition :

      Vous envoyez cet article et les meilleures commentaires à Plenel sur son site en gestation, comme une sorte de défi. Il pourrait peut-être vous prendre au mot et faire du nouveau. Le fait que ce site soit payant me laisse interrogatif...


  • Et si on inscrivait DW à MEDIAPART...vous croyez qu’il nous lâcherait les baskets ?


  • Tonio Tonio 7 décembre 2007 12:47

    Je suis tout à fait d’accord avec vous su la distinction fait/commentaire. Avec le nouveau système d’Agoravox (rebondissons smiley )je me vois mal soumettre un article « faits ». Quelque soit le sujet, la case « opinion » me semble plus honnête...


    • Paul Villach Paul Villach 7 décembre 2007 13:09

      Oui, j’ai découvert comme vous avec surprise ce classement nouveau sur AGORAVOX : article d’opinion - article privilégiant les faits.

      Mes articles personnels ne cessent d’apporter un démenti à cette distinction qui fait partie de la mythologie journalistique la plus traditionnelle. Qui donc a transmis le virus à AGORAVOX ?

      Voyez comme les erreurs non seulement ont la vie dure, mais continuent à gagner du terrain. Paul Villach


  • Torvald 7 décembre 2007 13:23

    >

    Le cadavre d’un officier britannique échoué sur une plage d’Huelva au sud de l’Espagne, avec une sacoche de documents ultra-secrets attachée au poignet, a permis d’égarer les nazis, en leur faisant croire que la Sardaigne et la Grèce étaient préférées à la Sicile. Seulement, ce cadavre qui signait apparemment un accident d’avion, était celui d’un SDF, mort empoisonné, qu’on avait déguisé et acheminé en sous-marin au large de Huelva...

    Juste une précision à propos de l’Operation Mincemeat.

    Le corps en question n’était pas celui d’un vagabond gallois décédé en janvier 43 parce que, d’une part il était déjà trop décomposé même dans un frigo et de plus il n’avait pas d’eau dans les poumons ce qui aurait paru curieux.

    C’était celui de John Melville, un marin du porte-avion HMS Dasher coulé accidentellement le 27 mars 43 au large de l’Ecosse.
    Petit secret dans le secret.

    source

    Un autre secret dans le secret :
    Raspoutine aurait été achevé par un agent du S.I.S. alors que le géant était mithridatisé, et que les Russes avaient tremblé en lui tirant deux balles dans le corps qui ne l’avaient pas tué.


    • Paul Villach Paul Villach 7 décembre 2007 13:35

      Merci de cette correction. Mon information datait d’un article paru dans « LE MONDE » en 1996.

      P. de Beer,«  »L’homme qui n’a jamais existé « était un SDF Gallois », Le Monde, 31/10/1996 :

      Les services britanniques « qui cherchaient un cadavre plausible, jetèrent leur dévolu » sur celui d’un SDF gallois qui s’était suicidé en avalant de la mort-aux-rats : « Il fallut lui forger une identité, une carrière. Ses poches furent remplies de billets de théâtre, d’une lettre de son banquier, de lettres d’amour et d’une photo de jeune femme en maillot de bain. »

      Cette nouvelle version est-elle confirmée ? Paul Villach


  • Torvald 7 décembre 2007 14:05

    Selon les sources anglaises, « The Secrets of HMS Dasher » de John and Noreen Steele, Scotland : Argyll Publishers, 2002, le trajet effectué par Montagu indique un contournement de l’Ecosse par le Nord alors que ce n’était pas nécessaire si on avait déjà un corps à disposition.

    source http://en.wikipedia.org/wiki/Operation_Mincemeat#HMS_Dasher_connection

    Le secret parce qu’on n’a pas averti la famille qui n’aurait peut-être pas accepté, faute de temps, l’opération devenant urgente.

    Pour ce qui est du Monde il y a belle lurette qu’ils ne sont plus à jour.


  • Marsupilami Marsupilami 7 décembre 2007 17:06

    @ Paul Villach

    Intéressante réflexion, pas neuve mais qu’il faut toujours rappeler. Les faits existent en eux-mêmes, mais nous ne pouvoir y avoir directement accès que lorsque nous les avons directement vécus en-dehors de toute médiatisation. Et encore cet accès aux faits bruts s’opère-t-il nécessairement par la médiation plus ou moins biaisées du filtre de nos perceptions, elles-mêmes souvent biaisées par des proto-représentations qui les orientent à notre insu.

    Pour compléter ta réflexion, je dirais que si l’espace médiatique ne nous permet d’accéder qu’à une représentation des faits (aussi honnête que possible ou plus ou moins manipulatrice, tendant autant que possible vers l’objectivité ou purement subjective), il est tout aussi vrai que s’effectue dans ce même espace l’opération inverse : les proto-représentations dont nous sommes dépositaires de par nos conditionnements socio-culturels tendent à accoucher de pseudo-« faits » (qui ne sont en fait que des réactions affectives ou émotionnelles) qui nous font réagir comme si c’en étaient des vrais. Sarkozy est un expert en la matière.

    Représentations des faits, et faits issus de nos représentations... On peut déclencher ou représenter des guerres et des paix avec des mots ou des images...


    • Paul Villach Paul Villach 7 décembre 2007 17:33

      Je reprends de préférence la notion de « cadre de référence » pour désigner cette grille constituée par l’histoire de chacun, et à travers laquelle transite toute information livrée ou reçue.

      Ce filtre est évidemment issu d’une sédimentation de nos goûts et aversions formés par notre expérience personnelle, de nos connaissances, préjugés et ignorances, et surtout des réflexes innés dont nous sommes équipés à la naissance ainsi que des réflexes acquis que le groupe social nous inculque par éducation.

      Est ce à quoi tu fait allusion en parlant de « proto-représentations » ?

      S’il est une donnée désormais irréfragable, c’est bien que l’on n’accède qu’à « une carte » du terrain et non au « terrain » lui-même.Il en découle toute une théorie de l’information qui heurte de plein fouet la mythologie journalistique traditionnelle. Paul Villach


  • Marsupilami Marsupilami 7 décembre 2007 18:55

    @ Paul

    C’est entre autre à ça auquel ce que j’appelle « proto-représentations » se réfère. Mais pas seulement. Ces proto-représentations ne sont pas seulement subjectives, personnelles, individuelles. Elles sont aussi des matrices langagières et icôniques qui orientent nos perceptions des faits, et qui nous sont à la fois transmises par le biais des conditionnements socioculturels initiaux, et par celui des conditionnements ultérieurs (pub, propagande). En cela elles revêtent une dimension extrapersonnelle, objective. C’est ainsi que, bien conditionnés, nous réagissons à des discours ou des images (des représentations donc) qui nous incitent à développer une appétence affective, émotionnelle vis-à-vis de certains faits, voire même à créer ceux-ci de toutes pièces pour qu’ils soient en rapport avec ces proto-représentations qui peuvent donc être étrangères à nos histoires et expériences subjectives, personnelles, individuelles.

    L’art de la pub ou de la propagande, de ce point de vue, est de sélectionner, à l’intérieur de cette matrice structurelle de proto-représentations neurogénétiquement programmées (lire pas exemple sur ce sujet Naître humain de Jacques Mehler, bon bilan des récentes découvertes en psychogénétique), ce qui, dans la majorité des cas, est le plus efficace pour un conditionnement de masse maximal.


    • Paul Villach Paul Villach 7 décembre 2007 19:01

      @ marsupilami.

      Aurais-tu un exemple à donner ? Paul Villach


    • Marsupilami Marsupilami 7 décembre 2007 19:19

      @ Paul

      Deux exemples. L’un pris dans la psychogénétique (citation extraite du bouquin sur lequel j’ai fait le lien, écrit par un type très très sérieux, pas un psy à la gomme) :

      Ce serait parce que le petit enfant, vierge de conditionnements socioculturels à sa naissance, « vit au sein d’un environnement riche d’énoncés linguistiques, qu’il intégrerait cette structure et deviendrait capable de produire de tels énoncés ». De cela il découle qu’il est capable de s’émouvoir à partir d’énoncés « proto-représentatifs » (cela se passe avant que l’enfant soit capable de se représenter clairement des faits, donc vers 3 ans environ.

      Autre exemple : un Sarkozy sait avec talent trouver les énoncés linguistiques capables de provoquer des affects, qui eux-mêmes incitent à faire l’expérience des faits. C’est jouer sur les images ou les mots, évoquer le mot « rose » pour faire réagir à la couleur ou la senteur de la chose « rose », ou à ses épines...

      Exemples : Guy Môquet ou Betancourt : ces deux êtres sont réduits à des images qui vont fonctionner comme proto-représentations, comme icônes susceptibles d’engendrer des réactions vis-à-vis de pseudo-faits. Dois-je insister ?

      Plus banalement : les mots ou images évoquent et provoquent des faits ou affects perceptifs ; inversement, les faits ou affects perceptifs évoquent ou provoquent des mots ou des images. C’est un phénomène de boucle cybernétique.


    • Paul Villach Paul Villach 7 décembre 2007 20:30

      C’est intéressant, bien sûr. Mais, dans le cas de Guy Môquet ou d’Ingrid Bétancourt, n’est-on pas dans la stimulation du réflexe de compassion, appris par l’éducation et, pour la seconde, du réflexe d’assistance à personne en danger, qui est aussi appris par l’éducation, suscitant pour la victime et son sauveur le même réflexe d’identification ?

      Pour Guy Môquet, s’ajoute le réflexe dérivant de l’appartenance à un groupe : le patriotisme qui fait un devoir d’ héroïsation du héros martyrisé.

      Autrement dit, un clavier est à la disposition de celui qui sait en jouer pour déclencher par leurres appropriés les réflexes attendus dont l’individu est équipé. Paul Villach


  • KOUINO Didier Couineau 8 décembre 2007 07:31

    @ l« auteur de l’article : Bravo pour cette intéressante réflexion. A lire en complément »Les médias en question" sur http://sondagesnonmerci.unblog.fr

    Extraits : « ... Le discours convenu sur l’indépendance des entreprises de communication ne peut plus tromper personne. Ce qui les caractérise est, au contraire, leur interdépendance. Les maîtres mots de leur réalité politique et économique sont : concurrence et concentration. L’objectif de ces entreprises est certes de produire de l’information, mais cette information n’a de sens que si elle s’adresse au plus grand nombre, que si cela est fait à travers un langage commun à tous et que si le média qui la véhicule est positionné, du plus possible, au plus près du pouvoir. La » pensée unique « , c’est » eux « . Un peu plus chaque jour, de TF1 à M6, de Moscou à New-York et même jusqu’à Kinshasa, les informations distillées aux téléspectateurs, répondent au même cahier des charges, à la même idéologie, et presque jusqu’aux mêmes contenus. La » World Company Médias § Co « étend son emprise. » Big Brother « , le vrai, c’est » elle..."


  • docdory docdory 8 décembre 2007 12:32

    Cher Paul Villach

    Certes , l’indépendance du site Mediapart par rapport à la publicité est apparemment une bonne chose , cependant , je n’ai pas l’impression que les rédacteurs d’Agoravox soient réellement limités dans leurs articles pour des raisons publicitaires . J’ai moi-même fait une quinzaine d’articles , un seul a été refusé parce qu’il était trop fantaisiste , et non pour des raisons de politique ou de publicité . Personnellement , je n’irais sûrement pas payer neuf euros par mois chez Médiapart pour publier des articles que je publie ici gratuitement ! ( il semble d’aileurs y avoir un site concurrent d’Agoravox qui paie même ses rédacteurs , mais je ne suis pas intéressé ! ) Cette entreprise me paraît donc vouée à l’échec , d’autant que j’ai un doute quant au fait que Edwy Plenel et son comité de lecture laisseraient publier des articles ou des commentaires non conforme au « politiquement correct  » . ( Je ne suis pas sûr qu’un seul de mes articles aurait été accepté et publié dans leur blog s’il avait existé à ce moment-là , les opinions personnelles d’Edwy Plenel me paraissant un facteur nettement plus limitant de la liberté des rédacteurs que les intérêts des quelques annonceurs sur Agoravox , où toutes les opinions et orientations politiques s’expriment ! )

    D’accord avec vous pour dire que la vérité est un concept métaphysique et moral , mieux vaut s’en tenir à la représentation la plus fidèle possible de la réalité . ( Comme le dit Philip. K . Dick dans sa célèbre définition : « la réalité est ce qui refuse de disparaître quand on cesse d’y croire ! » )


    • Paul Villach Paul Villach 8 décembre 2007 15:22

      Je constate avec plaisir comme vous, cher Docdory, qu’AGORAVOX n’est pas bridé dans son pluralisme par la publicité. J’ai même analysé une publicité qui était en cours de diffusion sur le site.

      La question de la main-mise des annonceurs ne se pose que lorsqu’ils assurent une part importante du financement d’un média. Paul Villach


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