jeudi 27 août 2020 - par Patrice Bravo

Méditerranée : le conflit armé entre la Turquie et la Grèce devient-il inévitable ?

La brusque escalade de la tension entre la Grèce et la Turquie à cause d'un litige territorial en Méditerranée orientale a sérieusement secoué les puissances de l'UE. Pendant qu'Athènes et Ankara échangent вes menaces, organisent des exercices militaires et renforcent leur contingent dans la région contestée, l'Allemagne a envoyé d'urgence dans les deux capitales en conflit son ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas pour régler cette crise qui menace à tout moment d'échapper au contrôle. 

En prévision de son entretien avec le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, le chef de la diplomatie allemande a déclaré que "la fenêtre de dialogue entre la Grèce et la Turquie doit s'élargir au lieu de se fermer". Toutefois, la Turquie, qui attend également la visite de Heiko Maas, a immédiatement paré : c'est la Grèce qui "sape" l'objectif de rétablir les contacts à haut niveau entre les deux pays voisins, mettant ainsi la diplomatie allemande dans une situation très difficile. 

Ankara fait allusion à la décision de la Grèce de désigner la zone au sud de la minuscule île de Kastellorizo de zone d'exercices navals. Le territoire litigieux, où le navire de recherche turc Oruç Reis est actuellement à la recherche d'hydrocarbures sous la protection de navires de guerre, est fermé à la navigation à partir de la soirée du 25 au 27 août. Mais la Turquie "ne fera pas un seul pas en arrière", cite le quotidien turc Daily Sabah les propos du président turc Recep Tayyip Erdogan. "La Grèce sèmera le chaos qu'elle ne pourra pas éviter. Maintenant seule la Grèce est responsable pour tous les conflits dans la région et elle sera la seule à en souffrir", a mis en garde dans la manière qui lui est propre le dirigeant de la Turquie. Pour appuyer les paroles par les actes Ankara a annoncé le lancement immédiat d'exercices militaires au sud de l'île grecque Crète en attisant davantage la situation. 

Rappelons que le fantôme du conflit gréco-turc en mer d'Egée qui planait dans l'air depuis le milieu des années 1990 (en 1996, les pays étaient déjà au seuil d'une guerre à cause du litige autour de l'îlot Imia) devient cette fois pratiquement inévitable. Et pour cause non seulement les ambitions territoriales grandissantes de la Turquie, qui considère comme injustes les frontières maritimes tracées dans la région après la Première Guerre mondiale, mais également les riches ressources pétrolières et gazières découvertes sur place. Personne ne veut céder dans la bataille pour leur contrôle. Cherchant à "baliser" son droit au plateau riche en gaz la Turquie a préalablement signé un accord sur la délimitation des frontières maritimes avec le gouvernement d'union nationale de la Libye. De son côté, la Grèce a signé, le 6 août, un accord sur la démarcation des zones maritimes avec l'Egypte. Athènes et Ankara ne reconnaissent pas la légitimité de ces accords et estiment qu'ils transgressent les droits du camp opposé. 

Pour la Grèce le compromis est inacceptable : en cédant aux Turcs une partie du plateau même près de l'île de Kastellorizo, située à 580 km de la Grèce continentale et à seulement 2 km de la Turquie, les Grecs risquent de se retrouver confrontés aux appétits territoriaux et énergétiques encore plus grands d'Ankara. Sans trop compter sur ses propres moyens Athènes cherche à tout prix à internationaliser le conflit, le présentant comme une atteinte d'Ankara aux principes du droit international et aux frontières extérieures de l'UE. En l'absence d'un soutien de l'Otan, qui généralement ne brûle pas d'envie d'impliquer l'Alliance dans les querelles gréco-turques qui perdurent, les Grecs misent sur la menace de sanctions antiturques de l'UE, ainsi que sur les alliances situationnelles avec l'Egypte, Israël, les Emirats arabes unis et Chypre. Toutefois, on ignore quelle aide pratique ces pays pourront et surtout s'ils voudront apporter aux Grecs en cas d'un véritable conflit armé contre la Turquie. 

Pour l'instant, la Grèce a bénéficié d'un soutien pratique uniquement de la France, qui a envoyé en mer d'Egée une frégate et un porte-hélicoptères pour participer aux exercices conjoints avec les Grecs. Sachant que Paris, qui fait preuve sous la présidence d'Emmanuel Macron d'une activité internationale accrue, n'est pas tant guidé par la solidarité européenne que par ses propres intérêts économiques. Le fait est que la compagnie française Total dispose déjà d'un droit d'exploitation des gisements gaziers sur le plateau de Chypre, et il n'est pas exclu que les Grecs aient promis aux Français une part dans le futur partage du gâteau énergétique méditerranéen. 

En ce qui concerne les Etats-Unis, sur qui les Grecs comptaient principalement, ces derniers seront manifestement très déçus. Bien que ces dernières années le gouvernement grec se plient à toutes les exigences de Washington en mettant son territoire à disposition pour les nouvelles bases américaines et en élargissant la présence militaire américaine dans le pays, le président américain Donald Trump voit obstinément en Recep Erdogan un "dirigeant puissant" et un "excellent joueur d'échecs". 

"Nous pensions pendant des décennies qu'en cas d'aggravation menaçante des relations entre la Grèce et la Turquie, Washington interviendrait pour régler la situation. La récente retraite politique des Etats-Unis de plusieurs régions du monde réduit la probabilité d'une intervention américaine dans les relations gréco-turques. Cela résulte du choix stratégique personnel du président américain", affirme le journal grec Kathimerini.

Alexandre Lemoine

Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs

 

Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=1915



16 réactions


  • Clark Kent Séraphin Lampion 27 août 2020 12:24

    L’OTAN aurait-elle du plomb dans l’aile ?

    « Alors que la Grèce, la France, l’Italie et Chypre conduisent un exercice militaire conjoint en Méditerranée orientale, la Turquie a également annoncé mener « des exercices d’entraînement militaire » avec la marine américaine dans la même zone » : lien


    • berber 27 août 2020 18:14

      @Séraphin Lampion

      Selon Brezinski (ϯ-2017) (le grand échiquier-1997) « L’ Ukraine, l’ Azerbaïdjan, la Corée, la Turquie et l’ Iran constituent des pivots géopolitiques cruciaux »( les État s- Unis devraient peser pour faire entrer la Turquie dans le marché commun !!!)

      « La Turquie. facteur de stabilité dans la rég ion de la mer Noire, verrouille l’ accès à la Méditerranée, sert de contrepoids à la Russie dans le Caucase, d’antidote au fondamentalisme islamique( !!!!) et de point d’ ancrage au sud pour l’OTAN. »

       

      « Aussi la Turquie et l’Iran ne sont-ils pas uniquement d’importants acteurs géos tratégiques ; ils représentent également des pivots géopolitiques, et leur situation interne est d’ une importance cruciale pour l’avenir de la rég ion ».

       Quant à la Grece….pas un mot dans le grand échiquier !

       J’en déduis que les EU(OTAN) ne bougeront pas pour la Grèce….heureusement Brezinski s’est , assez souvent trompé


    • Aaltar Aaltar 28 août 2020 14:31

      @Séraphin Lampion
      Les USA ont participé aux manœuvres de la Grèce (et cie)... et le lendemain à celles de la Turquie...


  • karibo karibo 27 août 2020 13:26

    Bonjour j’ attend avec impatience l’ étincelle qui fera exploser L’ UE , on verra qu ’ elle ne protège rien et qu’ elle n’ est que ruine des nations !!!

    Et si cette étincelle venait des Grecs ? QDB .


    • Clark Kent Séraphin Lampion 27 août 2020 13:39

      @karibo

      « Et si cette étincelle venait des Grecs ?  »

      Elle viendra des Américains qui n’ont plus intérêt à avoir un seul interlocuteur pour son business, mais 50 en les mettant en concurrence et même en les incitant à se faire la guerre, comme ils l’ont fait pour la seconde guerre mondiale avant d’intervenir et comme ils le font au Moyen-Orient.


    • Clark Kent Séraphin Lampion 27 août 2020 14:18

      @ShawShaw the Barbare

      Que te den


    • alainandré 27 août 2020 18:33

      @ShawShaw the Barbare
      singulier : cojón, pluriel cojones
      et non cojone


    • Ouallonsnous ? 27 août 2020 23:44

      @karibo

      Ce serait un juste retour des choses, car qui a « déruit » la Grèce, sinon l’UE avec l’Allemagne !


  • DLaF mieux que RN ou Z / Ukraine vraidrapo 27 août 2020 15:57

    Est-il temps de lâcher le drone (chirurgical) sur le Fez d’Erdogaz Express ?

    Qui va tirer la courte paille ?

    Si une guerre éclate dans la Région, ça va être Beyrouth X 100 !


  • ETTORE ETTORE 28 août 2020 11:50

    Si personne n’aide les grecs, on verras surtout qui sont les vrais « salopards » dans cette affaire qui consiste à plaider pour l’aide à un pays faisant partie de l’UE et qui magouillent EXCLUSIVEMENT pour leurs intérêts personnels.

    Si personne n’aide les grecs, on verras surtout que cette instance européenne garantit que pouik, aussi bien au niveau sanitaire, qu’au niveau sécurité des peuples.

    Cela fait beaucoup de loupés en peu de temps pour une organisation qui se voulait « supranationale » et qui était garante de la souveraineté de chaque pays la composant, malgré les prises de décisions à répétition pour spolier les états de leurs responsabilités.

    Mais là, on ne touche pas à la règlementation concernant la rectitude des concombres, il s’agit de la souveraineté d’un état, menacé par les vues politico-financières d’un individu dont on sait ses accointances avec des illuminés, qui attendent avec impatience des subsides conséquents pour continuer leur propagande moyenâgeuse à travers le monde.

    On voit bien comment les accords sont passés d’un côté à l’autre de la Méditerranée, et surtout, surtout, comment les allemands manoeuvrent pour sauvegarder leurs intérêts au travers de négociations, visant à protéger, plus leur

    économie, au travers de la diaspora Turque, installée dans leur pays, et qui représente bien plus en terme d’économie, que ce que nous pensons, être que l’industrie du Kébab.

    (On as bien vu comment ils ont enfoncé les Grecs, dans la misère...Méritée ou non )

    Les autres....Ce sont des petits pas, du genre, comment être avec et contre en même temps, sans fâcher personne, dès fois qu’on puisse profiter d’un peu de gaz si cela s’arrange, c’est toujours mieux que l’huile d’olive pour les salades.

    Voilà le comportement mollasson d’intéressés, qui donne des ouvertures à des instables provocateurs.

    Nous serions vraiment, ce que l’Europe veut faire croire qu’elle est, jamais cela n’arriverait !

    L’heure de l’échéance du pipo arrive à grand pas, si ce n’est à coup de canon !

    Et personne ne demande un pareil feu d’artific(i)e(r) pour fêter cela.


  • DLaF mieux que RN ou Z / Ukraine vraidrapo 28 août 2020 12:32

    Je suis très bien placé pour te déclarer que l’Histoire continue depuis 100 ans avec cet État qu’on l’appelle Empire ottoman ou Turquie.

    Je crois pouvoir établir un parallèle suggestif avec le « Champignon » du billard électrique !

    Les pays « lourds » de la planète commandent les 2 flippers, la boule est le jeton que l’on envoie tour à tour pour atteindre les cibles réparties ( l’hydrocarbure ).

    Lorsque la boule heurte le « Champignon » la boule est déviée et il faut que chacun des 2 Flippers use de finesse pour rétablir la situation à son avantage.

    Aux commandes des Flippers se sont succédé principalement Empire Allemand, Angleterre/France, USA/Israël avec quelques très brèves intrusion de la Russie (le temps d’aller pisser..).

    Le Hic, c’est que le Champignon s’est vu gonfler d’importance. On a du mal à imaginer qu’un dirigeant soit aussi naïf mais, l’hystérie de la foule peut faire perdre le sens de la mesure..


  • zygzornifle zygzornifle 28 août 2020 13:15

    BFMerde et ses journalopes vont en faire leurs choux gras ….


  • zygzornifle zygzornifle 28 août 2020 13:16

    Macron a fait nettoyer ses bunkers , sait t’on jamais ….


  • ETTORE ETTORE 28 août 2020 16:35
    Emohtaryp 28 août 15:21

    @zygzornifle

    Le magicien scatophile
     

    On sait maintenant ce qu’il y avait dans le coffre fort de Benne à allah....


    Dans un post sur un autre fil, je posai la question pour qui « roule Macron »....

    Avec cette appréciation bien calibrée de Trump, on commence à entrevoir qui sont les donneurs d’ordres de notre intérimaire national.

    C’est bien pour cela, que le Liban, n’as pas voulu être« emmerdé » plus que cela par les propositions « vexantes » de ce parvenu, loué âme et paroles, à des groupes, pour qui la misère humaine, n’est que le moyen de s’enrichir, encore et encore.

    Il a réitéré la pose de ses étrons pour l’affaire de « l’empoisonnement ».....

    Et comme toujours, la belle affaire lui est passé entre ses doigts bien trop glissants..

    Quand est ce que quelqu’un va se décider à lui dire, qu’il faudrait qu’ils se les lave ?


  • wpjo 28 août 2020 16:48

    Non, il n’y aura pas de guerre. Il y aura un accord comme en München en 1938. Et ce n’est qu’APRÈS qu’il y aura une guerre, comme en 1939.Probablement pas tout de suite après, mais un peu plus tard, par exemple, en 2042 ce qui me semble un « bon » anniversaire.


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