samedi 26 mars 2011 - par
Mme Chirac, « Gentilledame Bourgeoise » ou « Tartuffe » ?
Il est toujours amusant de surprendre un(e) démagogue la main dans un sac de jute quand un Vuitton est son ordinaire. Le journal Le Monde a illustré un article sur l’élection contestée de Mme Chirac par une photo de l’AFP qui ne manque pas de sel : elle dresse à elle seule un portrait burlesque et pitoyable de la nouvelle élue, ex-première dame de France (1) ! On la voit assise de trois-quarts accoudée à une table en train de répondre au micro d’un journaliste qui l’interviewe.
Les métonymies d’un contexte rustique
- À la différence des photos où le personnage doit capter toute l’attention en étant placé dans une mise hors-contexte totale sur fond uni ou méconnaissable, la mise en scène élargit ici le champ le plus possible au grand angle autour de Mme Chirac pour, à la fois, la voir de près et identifier clairement les lieux où elle entend se montrer.
- On découvre par métonymie les parties d’un tout (pars pro toto) qui ne peut être qu’une cuisine rustique d’un intérieur de gens aisés mais modestes : à gauche, un évier de couleur sous un mitigeur, au centre, une haute plante verte sur un petit buffet devant une baie lumineuse qui éclaire la pièce, à droite un plan de travail apparemment carrelé comme les murs, avec dans un coint la photo encadrée d’un personnage à chapeau traditionnel. Hormis les carreaux blancs et le muret-cloison central, le bois est prédominant.
- Une autre métonymie tend à faire jouer à cette cuisine le rôle de la salle à manger de la maison paysanne. La table de bois à laquelle s’accoude Mme Chirac, paraît épaisse et large comme celle des fermes d’autrefois. Deux autres chaises en plus de celle qu’occupe la candidate, indiquent que cette table est propre à réunir la famille pour les repas.
Le leurre du négligé-apprêté
- La posture choisie par Mme Chirac n’est pas non plus laissée au hasard. On reconnaît le leurre du négligé-apprêté qui fait croire à un instantané pour rendre plus fiable l’information livrée par la photo : c’est une variante du leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée. Tournée vers le journaliste-porte-micro qui se prête à sa promotion, Mme Chirac feint d’ignorer l’objectif comme si elle était photographiée à son insu.
- La posture adoptée confirme l’absence simulée de pose : y a-t-il tenue moins soignée pour une ex-première Dame de France ? D’abord, elle ne s’est pas mise en frais sur le plan vestimentaire : sans doute sa veste est-elle en tissu chevron et le foulard négligemment noué autour du cou est-il de prix, mais tous deux bannissent un souci ostentatoire d’élégance. Ensuite, accoudée de son bras gauche, la main droite posée à plat sur la table, Mme Chirac choisit vraiment d’accueillir ses visiteurs à la bonne franquette. Il manque le coup de rouge de bienvenue ou une petite Suze !
Une intericonicité : « la Gentilledame Bourgeoise »
Ce contexte rustique et ces manières un peu frustes campent irrésistiblement un personnage de comédie à la Molière, dont le comique naît d’un caractère écartelé entre deux aspirations contradictoires. Mme Chirac exhibe pareille contradiction. Vautrée à sa table de cuisine-salle à manger, elle fait penser, par intericonicité, à l’image inversée du « Bourgeois Gentilhomme », une sorte de « Gentilledame Bourgeoise » ou une « Contesse-Fermière ».
- Qui peut oublier que Mme Chirac-Chodron de Courcelles n’a vécu que sous les ors et lambris des palais les plus somptueux, ceux de la République et ceux des potentats qu’elle a fréquentés tout le temps de l’activité politique de son mari. Le couple possède, en outre, en Corrèze, le château de Bity. Quand à sa tenue vestimentaire discrète, est-ce bien celle de l’administratrice du groupe de luxe LVMH qu’elle est devenue ?
- On ne peut s’empêcher de reconnaître une scène de farce dans cette pose affectée que prend Mme Chirac pour faire peuple. Châtelaine, elle joue à la bourgeoise modeste qui reçoit les gens dans sa cuisine, accoudée à la table familiale, à moins que ce ne soit la Comtesse en visite qui s’est invitée chez ses gens…
Un amalgame audacieux
C’est qu’en campagne électorale, le 5 mars 2011, il lui fallait dans un amalgame audacieux faire croire qu'elle ressemblait aux électeurs dont elle briguait les suffrages. Avec les Corréziens, comme avec les Corréziens ! On voit à cette scène de farce toute la considération qu’éprouve Mme Chirac-Chodron de Courcelles pour ces rustres : elle les sait assez ballots pour n’y voir que du feu.
Une majorité s’y est laissée prendre, en effet, puisque Mme Chirac a été réélue pour la 6ème fois consécutive, même si c’est à une voix près et qu’un recours en annulation aurait été déposée par un inconnu, les candidats socialiste et écologiste s’étant obligeamment abstenus de le faire : on aurait relevé une voix de plus que les 49 votants enregistrés au bureau de vote de Meyrignac-l'Église ; en outre, une ressortissante européenne aurait voté sans en avoir le droit à Eyrein.
Tout compte fait, cette scène de Bourgeoise-Gentilledame pourrait être aussi celle d'une Tartuffe ? Mme Chirac a un incontestable talent de comédienne. Pourquoi ne pas l'exploiter ? Ses électeurs ne s’en aperçoivent même pas. Ils n’ont pas lu Molière… Paul Villach
(1) Alain Albinet, « Cantonales : un recours déposé contre la réélection de Bernadette Chirac », Le Monde, 25.03.2011