Mustafa Akinci : Il accuse la Turquie d’annexion politique officieuse des territoires occupés
Les territoires de Chypre occupés par la Turquie depuis 1974 deviennent progressivement une préfecture de la Turquie, a déclaré l'ancien dirigeant chypriote turc, Mustafa Akinci, évoquant une politique d'annexion qui n'a pas encore été officialisée.
Dans une interview aux correspondants de la plateforme d'information Medyascope, publiée mardi 23 novembre 2021, par le quotidien chypriote turc Avroupa sous le titre "Il y a une annexion mais elle n'est pas nommée", M. Akinci a évoqué la nouvelle "scène politique" dans les territoires occupés de Chypre. L’ancien leader chypriote turc a également évoqué les interventions politiques de la Turquie dans cette partie de Chypre.
Selon le Bureau de presse et d'information chypriote, l'ancien dirigeant chypriote turc avait déclaré que pendant des années, il n'a pas été autorisé par la Turquie à mettre en place une structure qui puisse voler de ses propres ailes, qui puisse se débrouiller toute seule, dans le territoire septentrional de l’île de Chypre où vivent les chypriotes turcs après le nettoyage ethnique opéré par l’armée turque en 1974. Cette image a été clairement vue lors des élections « présidentielles » également, avait précisé Akinci, la Turquie ayant soutenu un candidat nationaliste, le pendant chypriote d’Erdogan, qui a finalement été « élu ». Il a noté que malgré le fait que la partie nord de Chypre entretient des relations amicales avec la Turquie, il doit garantir sa propre « identité authentique ».
« La recherche d'une solution avec le sud de Chypre apportera d'énormes avantages non seulement à la partie nord de Chypre mais aussi à la Turquie elle-même. Celle-ci pourra afin devenir un pays ami, dans une zone géographique plus large », a poursuivi Mustafa Akinci.
Se référant aux relations de la Turquie avec les pays de la région au sens large, Akinci a déclaré que la Turquie est constamment en conflit et en désaccord avec ses pays voisins et a ajouté qu'il n'y avait plus de pays avec lequel la Turquie entretenait de bonnes relations. Il a ajouté que si la Turquie parvient à atteindre un niveau de démocratisation de ses structures, cela aura un effet positif sur la partie nord de Chypre.
« Il y a un dicton classique à ce sujet : si la Turquie éternue, nous attrapons une pneumonie ici », a-t-il déclaré. Ensuite, précisant que le plus gros problème dans les territoires occupés était l'incertitude, M. Akinci a fait valoir que la stagnation économique et la question chypriote non résolue, ainsi que les décisions prises en Turquie pour l'économie, affectent négativement cette partie de l’île.
Il a souligné que si les élections dans le nord de Chypre se tenaient dans des circonstances normales, s'il n'y avait pas d'interventions, si le peuple ne vivait pas sous l'oppression, alors dans ce pays la majorité, qui soutient la solution du problème chypriote et la paix (avec les Chypriotes grecs), l’emporterait. Il a pronostiqué que « Ce jour viendra et tout cela sera discuté plus en détail ».
Il a dit encore : « A ce stade, dans le nord occupé de Chypre, la politique de non-solution et le maintien du statu quo prévalent. À tous égards, il y a aujourd'hui une tentative d'imposer et de faire prévaloir les perceptions de la Turquie. C'est la politique de la préfecture (il veut dire par là que la Turquie considère le nord de Chypre comme une de ses préfectures). Il y a une opération organisée et un effort pour faire prévaloir ici dans tous les sens les vues de l'AKP et de M. Erdogan. Et il y a des partis politiques ici et des gens qui en sont satisfaits et sont prêts à travailler avec ces perceptions. »
Akinci a précisé que, malheureusement, la communauté chypriote turque a complètement écarté les notions de démocratie et de laïcité, et que la perception du maintien du statu quo et de la transformation progressive de « Chypre du Nord » en une préfecture de Turquie a prévalu. « Peut-être existe-t-il une politique d'annexion qui n'a pas encore été officialisée ou nommée », a-t-il dit.
Evoquant l'ouverture d'une partie de la ville fantôme de Varosha par le régime d'occupation en 2020, M. Akinci a relevé que cette mesure avait été prise avant les « élections présidentielles » dans les territoires occupés et était une question qui a été politiquement exploitée et instrumentalisée par la Turquie et le candidat choisi par le président turc pour diriger la communauté chypriote turque.
Évaluant la situation en Turquie, Akinci a déclaré qu'au cours des 5 dernières années, le gouvernement AKP est devenu de plus en plus autoritaire et c'est quelque chose qu'il a personnellement réalisé, comme il l'a dit, après le coup d'État du 15 juillet en Turquie[1].
[1] D’après CNA, le quotidien chypriote turc Avrupa et le quotidien chypriote grec O Phileleftheros.
Photo : Mustapha Akinci, ancien leader de la communauté chypriote turque. La Turquie et les territoires occupés de Chypre qualifient le leader de la communauté chypriote turque de "président" ; ce territoire n'est reconnu par aucun pays dans le monde, à part la Turquie, son créateur.