jeudi 13 décembre 2012 - par imprécateur

NDDL, un combat plus judicieux

Le combat contre l'implantation d'un nouvel aéroport à NDDL est légitime, courageux et respectable ; la forme que prend ce combat si elle est spectaculaire, romantique, médiatique, n'est peut-être pas la plus efficace.

Quels sont les véritables enjeux de ce projet ? Ils sont d'abord financiers et ensuite idéologiques. Sur une utopie des (glorieuses)années 60 révant d'un développement régional idéal et magique du Grand Ouest, des prédateurs ont entrevu la possibilité lucrative de mettre en place un PPP(partenariat public privé), c'est-à-dire faire réaliser un projet d'équipement qui relève naturellement des pouvoirs publics par un consortium privé ; les arguments favorables a priori séduisent, le principe étant de se substituer à l'Etat pour financer le projet, donc pas d'augmentation de la "monstrueuse Dette", pas de création intempestive d'emplois territoriaux qui ponctionnent les impôts. Le consortium choisi livrera "clefs en main" au donneur d'ordre l'équipement prévu selon un cahier des charges adapté.C'est la théorie, la réalité c'est que le consortium loue bien pendant 30 ou 40 ans moyennant un loyer qui inclue le remboursement de l'investissement, les intérêts, les coûts de fonctionnement, de maintenance,ainsi qu'un maximum de prestations annexes, ce que l'on appelle les services facilitaires (sécurité,nettoyage, restauration, gestion des prestations, et tout ce qui pourra être imaginé dans le cadre retenu) et la rémunération du prestataire. C'est bien sûr le contribuable qui va supporter tous ces coûts, et au terme du partenariat la collectivité deviendra propriétaire d'un bien obsolète !

60% des PPP mis en place au Royaume Uni dans le domaine hospitalier sont en état de faillite après 15ans, l'exemple récent de l'hôpital d'Evry est éloquent, cependant les consortiums impliqués eux ne sont pas fragilisés. Mon expèrience personnelle permet d'éclairer un peu le phénomène :

les instances politiques embringuées dans de tels montages, soit pour des raisons politiciennes, soit pour des raisons moins avouables (corruption, financements occultes) la plupart du temps ne sont pas en mesure d'établir des cahiers des charges adaptés, ils font donc appel à des bureaux d'ingiénérie qui rédigent pour eux les cahiers des charges et les appels d'offres (le hic c'est très souvent ces cabinets de consultance sont inféodés aux possibles soumissionnaires). Les critères de sélection et d'exclusion ne laissent de place que pour certaines entreprises, les capacités, besoins, surestimés, les clauses juridiques taillées sur mesure pour ne pas dire orientées. Le dépouillement des offres (offres qui bénéficient parfois de fuites sur les critères décisifs) profitent du savoir faire de ces bureaux de conseils, et ensuite le lobbying (doux euphémisme) entre en action auprès de ceux qui auront voix au chapitre.

Après l'adjudication, la régalade commence, comme par malheur (ou par miracle !), les coûts ont été sous-estimés, il va falloir prévoir des rallonges, les matériaux sélectionnés sont revus à la baisse, il faut OPTIMISER ! Les services facilitaires vont subir une cure d'amaigrissement, et l'on aura beau inventer des SLA et des KPI (systèmes de contrôle et de pénalisation) L'adjudicataire est chez lui !

Voila schématisé l'enjeu financier et comment il se met en place, l'enjeu idéologique c'est de marchandiser au maximum les services publics selon les préceptes friedmanniens des "Chicago boys", les politiques n'étant là que pour engager les citoyens par signature interposé dans des opérations pour lesquelles on a omis de les infomer.

On n'a pas mis en prison Al Capone les armes à la main, ce sont les comptables qui l'ont fait tomber, pour NDDL il serait judicieux d'exiger tous les éléments par toutes les voies possibles, cahier des charges, toutes les offres déposées, l'intégralité du contrat passé avec Vinci, ainsi que les contrats passés avec des sous-traitants par ce dernier, enquêter sur tous ceux ayant à voir dans ce dossier.

Dans la foulée on jetterait un oeil sur le PPP Balard, sur les futures prisons, Bouygues, Eiffage, Sodexo et d'autres sont des spécialistes de ces montages mais à l'arrivée le dindon de la Farce c'est le citoyen, sans oublier les dommages collatéraux indéniables comme à Notre Dame des Landes.



7 réactions


  • Cocasse Cocasse 13 décembre 2012 11:12

    C’est bien dommage que votre article manque si peu de précisions, malgré le choix approprié de la concision.

    J’étais tombé sur le commentaire d’un agoravoxien qui en quelques lignes exposait les personnalités impliquées dans le projet, leur accointances, et la proximité avec le groupe Vinci.

    • imprécateur 13 décembre 2012 12:26

      Merci pour votre réaction,mon propos relève de mes observations personnelles qui peuvent être transposées dans le cas de NDDL ; vous apportez donc de l’eau à mon moulin en signalant un commentaire qui précise des indices sur ce dossier ;mais je ne suis pas du tout surpris, voyez dans le cas du Pentagone Balard, des manipulations plus que douteuses impliquant l’association Bouygues Sodexo et consorts ont été mises en évidence qui je l’espère pourront conduire à l’annulation du « partenariat » (pour le fun, le PPPde Balard prévoyait un hôtel de luxe avec piscine, indispensable bien sûr dans un ministère !)


  • paul 13 décembre 2012 12:47

    Pour le accointances, il y a déjà le cas de l’ancien préfet Bernard Hagelsteen qui avait piloté le dossier de DUP de 2007 à 2009,et qui travaille maintenant pour Vinci Autoroutes ....
    Le cas de Nicolas Notebaert est aussi cité par Bastamag : cet ancien conseiller au ministère de l’Equipement et des transports jusqu’en 2002, époque où s’établissait le dossier NDDL, est depuis chez Vinci où il est en charge des concessions aéroportuaires ...

    Le chiffrage des projets et de leur rentabilité est le cœur de ces PPP, car ils reposent sur des hypothèses souvent trop optimistes, pour ne pas dire gonflées : cas du Lyon-Turin passé de 12 milliards en 2002 à plus de 26 milliards en 2012, et encore parce que la Cour des Comptes vient d’y mettre son nez ! Après attribution des marchés, une rente est versée aux groupes du BTP adjudicataires pendant 30 ... 50 ans : au terme, un coût final qui a plus que doublé .

    Pour les estimations, exemple d’un nouveau pavé dans la ..le marécage de NDDL : Reporterre révèle une manipulation des chiffres du dossier de DUP : il s’agit de la manipulation des chiffres permettant l’évaluation des gains de temps permises par les nouvelles infrastructures :
    Notre Dame des Landes : comment l’état a manipulé les chiffres
     www.reporterre.net/spip.php ?article3563 

      


  • imprécateur 13 décembre 2012 13:07

    Merci Paul pour vos précisions qui confirment donc ce que je ne pouvais que supposer par expèrience ; ça commence souvent par des présupposés gonflés, mais cela confine au délire lorsque l’on se penche sur les clauses annexes, par exemple l’obligation pour le « locataire » du PPP à faire appel pour la maintenance à l’adjudicataire ou l’un de ses sous-traitants à des tarifs qui frisent la correctionnelle. 


  • alinea Alinea 13 décembre 2012 16:04

    J’avais lu déjà des choses croustillantes sur le PPP ; à part la grève ou la désobéissance aux impôts, je ne vois pas ce que l’on peut faire !
    L’argent « de la Princesse » et le « bien commun » semblent être le cadet des soucis de mes concitoyens. Il est pas inutile de le seriner, au contraire mais... le temps presse !
    Merci en tous cas pour cet article


  • paco 13 décembre 2012 17:29

     Bien vu l’Imprécateur....
     Un exemple de PPP délicieusement foireux sur EL PAIS d’aujourd’hui, en Espagne...
     Sur Madrid, un hopital flambant neuf ainsi financé devait entrer en fonction ces temps ci pour un cout de transferement des services de 22 millions d’euros. Le contrat est de presque 2 millards sur 30 ans. La Région pour lisser son déficit abyssal a décidé de ne l’ouvrir qu’en 2014. Jusque là ça peut passer, à la rigueur.
     Le gestionnaire, Capio, a dans son contrat une clause lui permettant de facturer 900 000 euros par mois l’entretien du site. Ca va de la dératisation aux espaces verts. Du coup la Région pour économiser 22ME avec un hopital qui marche va payer 11 ME pour un hopital vide, en 2013.
     Certains gagnent à tous les coups.


  • jef88 jef88 13 décembre 2012 18:10

    La corruption c’est maintenant....


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