lundi 21 décembre 2020 - par Thierry Millière

Nexialisme mode d’emploi

Très tôt, j'ai senti que je suis différent des autres. Aujourd'hui, je sais pourquoi, j'étais ce qu'on appelle un enfant précoce. Réaliser adulte qu'on a été un enfant précoce pose néanmoins une question, que suis-je devenu maintenant ? Un adulte précoce ? Et ce sont des gens qui prétendent vouloir aider qui inventent des expressions débiles de ce genre. Des enfants précocement adultes, au raisonnement adulte avec la maturité émotionnelle d'un enfant, là on décrit quelque chose.

Et la caractéristique de l'adulte est justement qu'il ne mûrit pas émotionnellement, il reste une éponge, enfant tardif est dans ce cas assez juste. Mais à l'époque, je ne le savais pas, fin des années 70 début 80, ça n'intéressait pas encore. N'allez pas croire que je m'en plains, c'est vrai que j'aurais aimé savoir que je n'étais pas le seul et que j'aurais adoré pouvoir échanger avec d'autres enfants qui fonctionnent sur le même mode que moi, je le cherche encore désespérément aujourd'hui en écrivant ça, mais devoir le cacher pour avoir une vie sociale à peu près possible oblige à un exercice un peu plus intéressant que se retrouver entouré de ses semblables.

Un enfant, ça n'aime pas être différent. C'est cruel et conformiste un enfant. Celui qui s'écarte de la norme est exclus. Cacher sa différence est une question de survie, nous sommes des animaux grégaires, seul on crève, c'est inscrit au plus profond de nous. Mais cacher c'est difficile, il faut rester concentré en permanence. C'est impossible. Il y a toujours un moment où on laisse échapper une phrase qui provoque une réaction qui vous hurle « toi t'es pas comme moi » et vous renvoie à votre solitude. Toujours, c'est une question de temps.

Comme le problème semblait venir de ce que je savais plus de choses que mes camarades, j'ai trouvé une solution simple. Apprendre le moins possible. Contrairement aux enfants qui ont à présent la chance d'être détectés et à qui on va donner accès à toutes les connaissances qu'ils désirent, ceux à qui on donne les moyens de satisfaire l'appétit de la bête, moi, j'ai choisi de l'affamer. Pour vous donner une idée, je me suis autorisé à lire à l'âge de 25 ans. Avant, que du pas sérieux, de la science fiction. Une des formes les plus abouties de littérature, on n'arnaque pas son cerveau si facilement.

Parce qu'il a faim, l'enculé. Faute d'avoir de la nourriture en abondance, il exploite celle qu'il attrape au vol à son potentiel maximum, exactement comme le corps le fait avec le principe du jeûne de 16 heures. La caractéristique d'un enfant précoce, ce n'est pas l'appétit d'information démesuré qu'on lui prête, tous les enfants sont des ogres, mais la rapidité avec laquelle ils la traitent. Parce qu'ils ne la traitent tout simplement pas, ils la stockent jusqu'à la sieste et la digèrent en dormant. Techniquement, ils zappent la mémoire de travail pour tout passer directement dans la mémoire à long terme.

La doctrine actuelle dit que c'est mal, que pour être normal, il faut utiliser sa mémoire de travail. C'est tout à fait vrai, et c'est comme ça qu'on transforme un enfant précoce en adulte normal. En abreuvant le cerveau d'une foule d'informations superflues, le cerveau s'engraisse, les infos non digérées s'accumulent dans les réserves. Il devient moins agile, moins endurant, il s'essouffle, il n'y a que sa souplesse qui reste surprenante avec une telle masse corporelle. Je sais de quoi je parle, toute mon enfance, j'ai été obèse, faut bien compenser un appétit par une autre.

La différence entre la mémoire de travail et la mémoire à long terme, c'est que la mémoire de travail ne dispose que de 8 cases, pour tout le monde, précoce ou pas. La mémoire à long terme n'a pas de case, parce qu'il faut bien se représenter que cette notion de case est une réalité, 8 petites zones du cerveau contre l'entièreté de sa surface. Pourquoi donc voulez vous que je m'enferme dans cette prison ridicule ? Je veux bien être normal, mais je préfère être libre. Fuck la mémoire de travail !

C'est là que j'ai peut être quelque chose d'intéressant à dire. Malgré le régime que je me suis imposé, j'ai appris énormément. La caractéristique de l'intelligence, ce n'est pas tant la capacité à traiter de gros volumes de données pour en retirer quelques maigres principes pour un effort colossal, mais de retirer un énorme volume de données de quelques maigres informations qui ont établit des principes essentiels.

Zapper la mémoire de travail permet ça. A condition de ne pas saturer la mémoire à long terme d'informations inutiles. Je pense qu'à une époque ou la quantité d'information est devenue ingérable, il serait préférable d'affamer les enfants précoces, de les faire jeûner pour qu'il apprennent à reconnaître les signes de la faim au lieu de satisfaire leur envie de manger. Cela m'aiderait beaucoup dans ma quête de l'information minimale nécessaire, la pierre philosophale de tout bon nexialiste.



10 réactions


    • Thierry Millière 21 décembre 2020 12:05

      @Séraphin Lampion
      Je ne connaissais pas, mais c’est une forme d’autohypnose, vous avez tout à fait raison. Tesla l’utilisait déjà pour trouver des solutions à ses problèmes


  • Thierry Millière 21 décembre 2020 13:07

    C’est vrai que les règles arbitraires de l’orthographe et de la grammaire sont plus difficiles à déduire. Heureusement les spécialistes en la matière comme vous ne manquent pas.


  • Albert123 21 décembre 2020 16:19

    Qu’importe l’importance du nombre de données accessibles, les « individus singuliers » ne s’intéressent avec profondeur, in fine, qu’a ce qui les passionne.

    les phénomènes riches et complexes qui vous tiennent à coeur, vous tiendront en haleine longtemps, le reste sera évacué et résolu intuitivement en des laps de temps court, ce qui énervera le commun des mortels, mais ça c’est indépendant de votre volonté.

    il faut plus travailler sur la réalisation concrète de travaux personnels prédéfinis que sur le fait de chercher à limiter le nombre des données accessibles,

    Se fixer des objectifs (quitte à ne pas les atteindre) semble bien plus sain que de se contraindre à réduire le champ des possibles d’une manière arbitraire et par le fait assurément frustrante.

    votre stratégie d’adaptation ne semble pas la bonne, elle est semble t’il déjà source de souffrance pour vous même.

    partez du principe que de toute façon et sans y consentir d’effort particulier vous traitez naturellement des masses de données qui filent le tournis et des migraines aux personnes communes, acceptez le et faites en une force et non une faiblesse, 

    le reste suivra naturellement.

    de plus ne cherchez pas à vous calquer sur la norme ou les doctrines en vigueur, vous n’êtes pas câblé pour, ce qui marche avec les autres ne marchera jamais avec vous, et c’est tant mieux en fait, 

    oubliez aussi « leurs » théories du moment, elles sont la plupart du temps fausses ou simplement biaisées, elles fonctionnent de manière ponctuelle pour eux même, mais c’est tout,

    au mieux faites tout ce qui pourrait améliorer la qualité du substrat qu’ils représentent, celui là même où vous poussez, le but étant de leur offrir à la fin les plus beaux fruits, les plus juteux et les plus gouteux que vous pourrez produire et ce sans même espérer d’eux un simple « merci »,

    ne leur faites jamais part de cela, encore plus vis a vis de vos proches, cela est juste impossible et surtout improductif, donnez sans rien espérer en retour, ni gloire, ni amour. Et ne les percevez pas comme des ingrats car ils ne se doutent en fait tout simplement de rien de tout cela, 

    appréciez autant les moments de sociabilité (quand bien même ceux n’ont aucun intérêt d’un point de vue intellectuel) que les précieux moment de solitude qui de toute façon constitueront l’essence première de votre existence.

     


    • Thierry Millière 21 décembre 2020 17:35

      @Albert123
      Votre commentaire me va droit au coeur Albert. 
      Je vous rassure, la quête de l’information minimale nécessaire ne m’obsède nullement, mais si je ne dis pas une grosse connerie, je ne suis pas satisfait de moi, parfois, j’en dis plusieurs. Mon plus grand bonheur est d’arriver à transmettre des idées prêtes à l’emploi aux gens qui en ont besoin sans qu’ils ne s’en rendent compte et mes relations sociales ne se compliquent qu’à partir du moment où je dois m’adresser à plusieurs personnes à la fois. Tant qu’elles se limitent à une seule, j’adore les humains qui me le rendent bien.
      Encore merci Albert de vous être préoccupé de moi, c’est une qualité devenue trop rare qu’il faudrait mettre en valeur au moins autant que l’intelligence trop surestimée à notre époque


    • Albert123 21 décembre 2020 20:36

      @Thierry Millière

      « mes relations sociales ne se compliquent qu’à partir du moment où je dois m’adresser à plusieurs personnes à la fois. »

      parce que seuls ils réfléchissent eux même, en groupe ils cherchent le leader qui réfléchira à leur place, et si ce leader (par bêtise ou malignité) vous considère comme un rival (ce que vous n’avez pas vocation à être) il vous enverra ses « troupes » pour vous briser,

      préparez vous aux jours sombres qui adviennent, les « chacals » règnent pour le moment, les jours meilleurs viendront après.


    • Thierry Millière 21 décembre 2020 23:09

      @Albert123
      Vous m’enchantez Albert.
      L’abolition du jugement personnel qui résulte de la dynamique de groupe m’a toujours effrayé. Y résister est pourtant montré en exemple lorsqu’il s’agit de Jean Moulin, mais on s’aperçoit vite que c’est beaucoup mois apprécié quand on l’incarne.
      Et comme je ne me prends pas pour Jean Moulin, j’ai quand même conscience que les risques qu’il prenait sont sans comparaison possible avec ceux auxquels je m’expose à notre époque, leurs attaques ne devraient pas m’atteindre plus que ça.
      Et comme je crois à présent que les jours meilleurs pourraient effectivement venir et que nous ne sombrerons pas forcément dans le chaos et la misère, je m’adresse à ces gens d’après plutôt qu’à ceux d’aujourd’hui qui pour moi sont déjà du passé


  • Albert123 21 décembre 2020 20:50

    « je ne suis pas satisfait de moi »


    les médiocres sont satisfaits d’eux, vous ne pouvez pas l’être, l’absolue pourrait vous satisfaire, mais il n’existe pas,


    acceptez d’en souffrir autant que vous devez accepter la solitude qui sera votre seule réelle compagne


    • Thierry Millière 21 décembre 2020 23:17

      @Albert123
      Et ces gens d’après sont déjà là, ce sont les enfants. Ils ne comprennent pas ce que j’écris ici, mais quand je leur parle, je ne cesse de m’étonner de ce qu’ils comprennent beaucoup plus vite, et surtout beaucoup mieux que leurs parents formatés depuis longtemps.
      Mais je ne désespère pas non plus de trouver le truc pour eux.
      La patience, voilà ce à quoi il est le plus dur pour moi de me résigner. Mais je progresse


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