Nicolas Sarkozy remporte les élections présidentielles
Non, non, vous ne venez pas de tomber dans une faille spatio-temporelle, et vous ne rêvez pas non plus. C’est une légère anticipation de l’évidence qui se profile. Une conjecture qui devient de moins en moins hypothétique. Une réflexion surgie à partir d’un fait connu : les élections ne se jouent pas dans les urnes.
Plus précisément, de nombreux éléments surdéterminent le scrutin : les positionnements de campagne, le choix de tel ou tel candidat, l’évolution de la société et de l’environnement mondial, les manœuvres des appareils politiques pour désamorcer telle ou telle candidature, les premiers discours de pré-campagne... Bref : on peut aujourd’hui estimer que les jeux sont faits à 80%. Ne cherchons pas à préciser ce chiffre : c’est un ordre de grandeur, au demeurant discutable, tiré de l’expérience de campagnes politiques passées. Disons que c’est une hypothèse de travail, pour se concentrer sur l’essentiel.
L’essentiel donc. Venons-y.
La révolution numérique et celle des communications,
l’accroissement considérable des richesses produites à partir des supports
virtuels, le vieillissement des populations dans les pays les plus développés,
l’expansion du secteur des services ont atteint et innervé la France sans que
celle-ci se décide à adapter sa politique intérieure à ces évolutions.
Soyons précis : la France ne subit pas la mondialisation, elle y participe pleinement. Globalement, elle continue toujours à y être gagnante : si des emplois quittent notre pays pour d’autres contrées, davantage d’emplois encore parviennent à se développer ou à se maintenir en France grâce à une activité développée au-delà de notre hexagone. Mais l’inadaptation de nos structures pourrait nous faire durement chuter, en touchant de plein fouet une frange toujours plus large de la population : ceux qui sont le moins mobiles, le moins formés, ou trop spécialisés, et qu’on abandonne trop souvent au bord du chemin.
Certes, les progrès sont partout, et notre généreux système de santé permet à tous, y compris aux exclus, de bénéficier des dernières techniques et des soins à la pointe de la recherche. Mais aujourd’hui, alors que les métiers évoluent rapidement, que les besoins changent, que les défis environnementaux appellent à des mutations complètes, il est absolument suicidaire de raisonner en terme d’acquis sociaux et d’immobilisme de principe. Quand des centaines de millions de personnes à travers le monde vivant moins bien que nous accèdent à une éducation et à des savoirs leur permettant de créer à moindre coût ce que nous leur vendions fort cher hier, il est normal de se remettre en question. Si nous voulons ne serait-ce que conserver notre niveau de vie, nous n’avons pas le droit de prétendre que c’est en travaillant toujours moins que nous y parviendrons. C’est un mensonge.
Ce constat, de nombreux pays développés l’ont déjà fait. De nombreuses populations l’ont compris et accepté. Et ont décidé de se donner les moyens de participer au développement de la planète, sans se résigner à perdre leur place ni leur rôle. Allemagne, Suède, Espagne, Canada, Danemark, Irlande, Grande-Bretagne, Etats-Unis : tous ces pays ont réduit drastiquement le poids de leur fonction publique, ont mis en place un marché du travail dynamique, soit protecteur mais limité dans le temps et fortement incitatif, soit souple et permettant de retrouver un emploi facilement.
En France, depuis vingt-cinq ans, nous avons laissé le poids de la fonction publique s’accroître considérablement, tandis que l’indemnisation du chômage est médiocre, peu contrôlée et peu incitative à la reprise d’emploi. L’endettement a explosé, non pour investir dans la recherche ou l’enseignement supérieur, mais pour payer nos administrations. Les sommes énormes collectées pour la formation professionnelle sont éparpillées et profitent peu à ceux qui en ont le plus besoin. Nos universités sont empêchées d’assumer une sélection républicaine, au bénéfice de sélections masquées et au détriment de ceux qui n’ont pas de relations ou de réseaux. En incitant trop peu à l’effort, nous formons finalement un nombre de diplômés insuffisant. Les déséquilibres des filières attractives mais fourre-tout mènent des dizaines de milliers de jeunes au chômage, ou à la frustration de métiers sans lien avec ce qu’ils espéraient.
Notre pays est aujourd’hui à un tournant de son histoire. Avec la réforme des retraites, avec la création d’un droit individuel à la formation, avec le rapprochement de l’Unedic et de l’ANPE, avec la réforme LMD, avec le CNE, avec le commencement d’une décrue du nombre de fonctionnaires, les gouvernements Raffarin et Villepin ont initié ce tournant, ont esquissé le mouvement qui manque tant à la France. Et en quelques mois, le chômage est passé de 10,2% à 8,7% de la population active.
Nous sommes un pays fort. Nos atouts sont immenses. Nos savoir-faire sont reconnus. Notre créativité aussi. Nous devons apprendre à ne plus avoir peur. A saisir, et même à susciter les opportunités. Avoir le réflexe de transformer nos idées en projets, nos projets en entreprises, nos entreprises en emplois, nos emplois en épanouissements, nos épanouissements en confiance en nous, notre confiance en nous en capacité à se lancer et relever des défis.
Avec les élections présidentielles de 2007, la France se trouve face à un choix de société. Malgré le duel manqué de 2002, le réflexe du vote utile et la très forte médiatisation (recherchée et assumée), de deux candidats en particulier, semble dessiner avec évidence un deuxième tour entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.
Le premier endosse le costume délicat de ministre de l’Intérieur et membre du gouvernement sortant. Mais son bilan est globalement positif, et surtout sa détermination et ses idées en phase avec une population exigeante en résultats. Les flux migratoires considérables rendent absolument nécessaire une politique d’immigration concertée / choisie / partagée : optez pour le plus plaisant, la réalité est la même. Nous avons le devoir de cesser d’entasser dans des ghettos tous ceux que notre bonne conscience nous pousse à accueillir sous prétexte que nous fantasmons l’incapacité de l’Afrique à se développer. La liberté de travailler plus doit être concrétisée, mais aussi l’interdiction de recourir à des embauches supplémentaires à temps partiel si certains salariés souhaitent augmenter leur temps de travail : il est inadmissible d’imposer et de multiplier les contrats de 25 ou 30 heures, avec un salaire final en dessous du Smic mensuel.
Ajoutons à la candidature de Nicolas Sarkozy, la perspective de le voir former un "ticket" avec Jean-Louis Borloo, et les mesures fortes que celui-ci porte avec lui : donner une formation à chaque élève sortant du système éducatif, transférer la moitié des charges sociales vers une taxation des revenus non salariaux, remettre à plat l’ensemble de nos aides sociales pour aider vraiment ceux qui en ont besoin et sortir les autres des trappes à pauvreté et inactivité, décréter l’environnement comme priorité nationale, instaurer une péréquation républicaine de la taxe professionnelle pour que les communes riches soutiennent les moins bien dotées.
Face à ces propositions, la candidature de Ségolène Royal apparaît chaque jour comme inadaptée : les parodies de débat organisés par le PS pour son investiture, la peur palpable du débat avec d’autres politiques ou experts, ses approximations en matière d’Education nationale, d’Affaires étrangères, de Défense, ses sorties extravagantes et non concertées sur de nombreux sujets, prenant de court son parti politique mais aussi ses propres conseillers, l’autoritarisme de sa pratique solitaire du pouvoir dessinent une personnalité aux antipodes de ce qu’elle prétend incarner, elle qui prône l’écoute et la démocratie participative. Ces contradictions sont d’autant plus flagrantes que Ségolène Royal ne semble pas vouloir assumer une vision personnelle sur des questions aussi essentielles que l’Europe ou la Turquie.
Surtout, surtout, surtout : Ségolène Royal était objectivement la moins proche des idées du Parti socialiste, elle n’a décroché l’investiture que par crainte des militants de voir Sarkozy enfoncer des postulants trop marqués par le socialisme. En 2002, Jospin avait maladroitement donné l’impression que son programme n’était "pas socialiste" ; en 2006, ce sont les militants PS eux-mêmes qui ne semblent plus assumer ce positionnement politique, alors que la droite revendique plus que jamais ses idées.
Et désormais, c’est l’UMP qui semble le plus réclamer le changement, quand le PS propose un retour en arrière qui ne saurait séduire qu’une frange réduite de la population, tant les vingt-cinq années qui viennent de s’écouler ne font envie à personne.
Au-delà des caricatures auxquelles se prêtent parfois les
partisans de Ségolène Royal d’un côté et ceux de Nicolas Sarkozy de l’autre, il
reste des éléments clés qui font pencher la balance de l’histoire nettement en
faveur du candidat de la rupture tranquille. Parce que, sereinement mais avec
détermination, les nouvelles générations, lucides et sans illusion, ont
objectivement intérêt à réaliser ces mutations. Et que la France ne peut être
grande que si ses enfants réapprennent à marcher.