lundi 13 novembre 2017 - par Clark Kent

Non non non non, Berlusconi n’est pas mort, car il bouffonne encore !

Comment revenir sur la scène politique sinon en racontant des blagues graveleuses à une foule déjà lobotomisée par des overdoses télévisuelles répétées ? C’est la recette de grand-mère que papy Berlusconi, 81 ans a utilisée la semaine dernière dans un discours à Ischia. Et ça a marché !

Pour évoquer la question de l'immigration, sujet sensible dans la vie politique italienne depuis plusieurs mois, Pervers Pépère a narré à ses ouailles une anecdote « croustillante » dont il est très fier : son copain Kadhafi lui aurait fait visiter un camp de migrants dans lequel les sanitaires n’étaient pas équipés de bidets, ce que lui aurait fait remarquer notre célèbre amateur de gaudrioles cradingues. Devant l’air surpris de son hôte, Berlusconi aurait souligné l'importance de bien se laver avant de coller les timbres à la cave : « C’est comme ça que j’ai appris l’importance des préliminaires aux Africains », a-t-il conclu devant un public définitivement conquis.

Ainsi, Mesdames et Messieurs, tel le phœnix, celui que ses fans surnomment « Il Cavaliere » (un chevalier à la figure cent fois refaite) renait de ses cendres, toujours aussi vulgaire et arrogant. Encore plus fort : l’issue des élections régionales de Sicile dimanche dernier a couronné de succès son étonnante capacité à refaire surface après plusieurs épisodes calamiteux de scandales sexuels, d'innombrables allégations de corruption et une condamnation pour fraude fiscale. En plus, cerise sur le gâteau, tout ça 18 mois après une opération à cœur ouvert.

Même si, actuellement, Berlusconi ne peut pas se présenter lui-même aux élections (tout en faisant appel de sa condamnation pour fraude fiscale) il a largement contribué à faire gagner l’élection à une coalition réunissant son parti du « centre »-droit « Forza Italia » et les deux partis d'extrême droite : « la Ligue du Nord » et les « Frères d'Italie » qui ne sont pas à une compromission près. Ce faisant, il a laminé le mouvement « Five Star » (parti qualifié de « populiste » par les médias officiels) qui comptait conquérir une région pour la première fois, ainsi que le parti démocrate de centre-« gauche », qui était au pouvoir en Sicile depuis 2012.

"La Sicile a choisi la voie du changement réel, sérieux et constructif, basé sur l'honnêteté, la compétence et l'expérience", a écrit Silvio, l’homme providentiel, sur sa page Facebook, en attribuant ce succès à ses nombreuses et prodigieuses apparitions sur les tribunes siciliennes juste avant le scrutin. 

Il faut dire que son second mandat de premier ministre de 2001 à 2006, a été le plus long depuis la seconde guerre mondiale. C'est cette expérience et cette longévité qui fascine ses tifosi comme Catia Polidori, élue de Forza Italia et vice-ministre du développement économique de son dernier gouvernement : "Il n'est pas surprenant que Berlusconi soit revenu au centre de la scène politique. Sa démission a été provoquée par un complot international, mais son leadership est resté intact. C'est un grand homme d'affaires et il a mené une bonne politique économique. Si vous consultez les données économiques de la période où il était au pouvoir, c'était beaucoup mieux que maintenant. Les retraites étaient plus élevées, les gens vivaient mieux, il y avait moins de pauvreté et moins de chômage. » Elle a également regretté la disparition Kadhafi : "Nous n'avions pas le genre d'invasion des migrants que nous avons aujourd'hui." Et elle a déploré le puritanisme ambiant : "Nous connaissons le vrai Berlusconi - il est gentil et c’est l'un des hommes les plus élégants du monde. En ce qui concerne les femmes de son parti, il nous a toujours respectées, de même que notre travail. " Manifestement, le syndrome Weinstein n’a pas (encore ?) contaminé l’Italie.

Un récent changement dans la loi électorale permettant aux partis de former des alliances avant une élection pourrait permettre d’étendre le stratagème utilisé en Sicile à l'ensemble du pays.

Cela ne signifie que Berlusconi sera à nouveau premier ministre lui-même : il fait effectivement appel devant la cour européenne des droits de l'homme contre une condamnation pour fraude, mais il est peu probable qu'un verdict soit prononcé avant le scrutin. Cependant, il pourrait tirer les ficelles de ses « Pupi », car les électeurs blasés se méfient du « Mouvement Cinq Etoiles » et, soit ils risquent de basculer vers la droite, soit ils risquent de s’abstenir massivement, et Pépère compte bien récupérer ces voix perdues, peut-être pas pour tout le monde : la moitié de l'électorat n'a pas voté en Sicile.

Berlusconi serait capable de former le même type de coalition en visant des électeurs modérés sur des questions telles que l'immigration, la criminalité et la situation économique, même si ces électeurs rejettent habituellement les partis d'extrême droite. Un électeur de gauche ne votera jamais pour la Ligue du Nord, mais un électeur de droite « classique » pourrait voter pour une coalition autour de « Forza Italia » en escomptant que Berlusconi contrôle ses alliés et les tienne en échec comme il l’a déjà fait.

En France, le vote contre nature baptisé par le PS « vote utile » a permis à Chirac d’être élu avec des voix de gauche et à Macron d’accéder à la présidence en ratissant large. En Italie le vote contre nature n’aurait pas l’excuse d’être « utile », mais il pourrait être « désabusé ». 



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