vendredi 18 novembre 2005 - par Dominique Dutilloy

Nos élites gouvernementales, politiques, patronales et syndicales ?

La violence dans les banlieues semble s’atténuer... L’état d’urgence est-il nécessaire, alors que notre pays se trouve dans un état d’urgence sociale ? La question reste posée.

Dimanche 21 avril 2002, dimanche 27 mars 2004, dimanche 29 mai 2005 : ces dates sont les témoins des trois gifles assénées par un peuple exaspéré, qui a choisi la voie des urnes pour exprimer ses colères, ses attentes, son désespoir profond... Quoi de plus banal que d’être enfin être entendu le plus légalement du monde, quand on envoie un Jean- Marie Le Pen « triomphant » se mesurer au Président Jacques Chirac, candidat à sa propre succession, lorsqu’on fait basculer 21 régions sur les 22 que compte la France métropolitaine dans le camp de la gauche, quand, par un « non » massif au projet de constitution européenne, on fait part de ses craintes face à la possible arrivée de l’ouvrier polonais et face à l’éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union européenne ?

Mais là où le bât blesse, c’est lorsque des banlieues s’embrasent ! Là aussi, il y a de nombreux mécontents, des jeunes pour la plupart, qui, au lieu de s’exprimer dans le secret de l’isoloir, préfèrent saccager, incendier, tabasser tout ce qui bouge et tout ce qui représente l’autorité, le patronat, les « nantis », les bourgeois et la République.

Dans ces deux cas, ce message, qui est envoyé au gouvernement, aux parlementaires, aux patrons, aux responsables d’organisations syndicales, est clairement destiné à faire comprendre qu’il y a un ras-le-bol généralisé face à la montée du chômage, face à la précarité et à la pauvreté de plus en plus envahissante, au blocage des salaires, à l’augmentation des prix, à l’augmentation de certains impôts, aux grèves catégorielles de plus en plus nombreuses et de moins en moins supportées...

Certes, on est en train de payer tellement d’années de laxisme, pendant lesquelles nos élites politiques ont laissé s’installer, dans ces cités, des zones de non-droit, où toutes les institutions de la République sont bafouées, voire détruites, lorsqu’elles sont présentes.

L’école, qu’il est bon ton d’accuser de tous les maux, est vécue comme un échec, alors que des instituteurs, des professeurs, se retrouvent malmenés, voire maltraités par des élèves en situation d’échec scolaire. Pendant ce même temps, des parents, se moquant éperdument de l’éducation de leurs enfants, les laissent livrés à eux-mêmes au bas des cités.

Dans ces cités, ces quartiers dits « défavorisés », on a laissé des associations cultuelles vouées à l’islamisme radical prospérer, au mépris des lois de 1905 instaurant la laïcité de l’État, pendant que des vendeurs de drogue s’en vont offrir leurs poisons aux portes des écoles, des collèges, des lycées, des centres de formation, ou bien au bas de leurs cités.

Dans ces mêmes cités, de jeunes adolescentes et de jeunes femmes sont violentées, tabassées, voire tuées, parce qu’elles sont jugées, aux yeux de leurs « bourreaux », « coupables d’être trop bien habillées, trop jolies, trop effrontées ou trop libres », alors qu’elles n’ont qu’un simple désir : celui de vivre d’une manière moderne et laïque dans le respect des lois de la République.

Des associations, qui font pourtant preuve d’une utilité évidente, ont manqué de moyens financiers. L’école, quant à elle, manque de moyens humains, puisqu’on prône, çà et là, des réductions de personnel pour cause de restrictions budgétaires. La Police nationale, qui est censée représenter la République, s’est vue retirer son rôle principal de police de proximité.

On ne va pas faire un pataquès d’un lapsus linguae dû aux graves circonstances auxquelles notre Pays est confronté ! Bref...

Il est facile, en tant que chefs de grandes centrales syndicales, de brandir l’arme de la grève, en faisant valoir la crainte de l’arrivée du bon Polonais de service, ou en s’opposant fermement à toute idée de privatisation d’entreprises publiques. Mais il est de bon ton, quand on représente ceux qui bénéficient de la sécurité de l’emploi, de ne pas s’en prendre à des salariés, à des dirigeants de petites et moyennes entreprises ou à des chômeurs contraints d’emprunter les transports en commun ou d’utiliser des services publics ! Il est également de bon ton de penser à ces familles entières qui, pour se nourrir décemment, sont obligées d’aller aux Restos du cœur parce qu’elles n’ont aucun emploi.

Lorsqu’on est responsable d’une grosse entreprise, il est très aisé de concocter de nombreux plans sociaux drastiques pour appâter l’actionnaire majoritaire de la société pourtant bénéficiaire. Mais est-il vraiment moral, pour satisfaire ces « forcenés du CAC40 », de jeter ainsi de nombreux travailleurs à la rue, dans la spirale du chômage ?

Quant à certains agents immobiliers qui, avec la complicité de certains propriétaires « véreux », en demandent trop à celles et ceux qui veulent se loger, loger leur famille d’une manière décente, organisent des ventes à la découpe, entassent des familles entières dans des endroits insalubres loués fort cher, on peut se demander où se situe leur sens moral et citoyen ! A croire qu’il est vraiment trop facile d’être un excellent marchand de sommeil...

On dirait que travailler est actuellement un luxe ; on dirait que vivre décemment, vêtir et nourrir sa famille est également un luxe ; on dirait que se loger et loger sa famille est aussi un luxe. Pourtant, ce sont des droits, bien inscrits dans notre Constitution.

Devant ce sentiment de frustration, il est logique de parler d’« échec véritable ». Face à ces violentes émeutes urbaines, inexcusables, mais, tout à fait prévisibles, tout le monde a sa part de responsabilité :

  • nos élites gouvernementales, politiques, patronales et syndicales, qui n’ont pas su enrayer les discriminations de toutes sortes, la corruption, la détresse sociale, le chômage, la précarité, la pauvreté, les mauvaises conditions de travail, l’islamisme radical
  • de nombreux parents trop laxistes, eux, qui n’ont pas su éduquer leurs enfants dans le respect des lois de la République...

L’instauration d’un service civil volontaire pour des jeunes filles et des jeunes garçons est-elle la solution idéale, dès lors qu’elle ne revêt pas un caractère obligatoire ? N’aurait-il pas été de loin préférable d’adapter, de moderniser, de rallonger le service militaire, en payant beaucoup mieux les appelés et en leur demandant de faire des choses utiles pour la Nation, plutôt que de le supprimer purement et simplement ?

L’abaissement de 16 à 14 ans de l’âge légal pour l’entrée des enfants dans le cycle de l’apprentissage, est-ce vraiment la solution idéale pour combattre l’échec scolaire ? N’aurait-il pas été préférable de maintenir ces enfants dans une scolarité normale, mais adaptée, pour leur permettre d’approcher le monde de l’entreprise grâce à des initiations à l’apprentissage ?

« Nous sommes », a rappelé le Chef de l’État, « tous et toutes, fils et filles de la République ». Certes, mais il est tout à fait inutile de rappeler d’un ton fort méprisant, à des Français, qu’ils s’appellent « Mohamed », ou de rappeler, comme le font certains médias, « leurs origines étrangères »...

Alors, pour mettre les paroles en phase avec cette réalité « citoyenne » exigée avec juste raison par le Président Jacques Chirac, nous pensons que la prolongation de l’état d’urgence ne constitue pas la seule alternative face à cette crise, qui était prévisible.

Même si elles s’avèrent nécessaires, à condition d’être pratiquées sous un strict contrôle judiciaire strict, l’expulsion de tous les étrangers -même parfaitement en règle, coupables d’exactions, de violences ou de destructions- la possibilité de pratiquer des perquisitions de nuit, la mise en place éventuelle d’un couvre-feu selon la loi de 1955, ces mesures, qui sont de possibles solutions, ne sont pas la seule alternative face à cette insurrection généralisée...

D’autres réponses, claires, nettes, précises et urgentes doivent être fournies immédiatement par toute la classe politique ! Alors, que faire face à cet état d’urgence sociale dans lequel est plongé notre pays ?

  • Lorsqu’on sait que certains syndicats politisés ont détruit notre marine marchande, ainsi que des pans entiers de notre économie, en demandant très souvent l’impossible aux dirigeants de leurs entreprises, ne faudrait-il pas réglementer, voire interdire, le droit de grève dans les entreprises publiques ou dans la fonction publique ?
  • Ne faudrait-il pas, puisque les lois existent, sévir très rigoureusement et sans exception devant tous délits constatés de discrimination sociale, raciale, religieuse, physique, sexuelle ?
  • Quand de nombreux plans sociaux, de nombreuses délocalisations, jetant à la rue de nombreux salariés, sont décidés par des entreprises pourtant bénéficiaires, ne faudrait-il pas les inviter à rembourser toutes les aides qui leur ont été octroyées par le gouvernement ou par des conseils généraux et régionaux ?
  • Ne faudrait-il pas également humaniser le travail ? Il est anormal de constater que de nombreux salariés sont stressés par des impératifs de rentabilité ou de bénéfice, à leur détriment et à celui de leurs familles, alors qu’ils sont trop souvent sous-payés...
  • Ne faudrait-il pas également augmenter immédiatement tous les salaires qui n’ont pas été revalorisés depuis tant d’années ?
  • Ne faudrait-il pas prévoir le logement pour tous, en accélérant la mise en place de l’excellent plan Borloo, en interdisant formellement toute vente à la découpe, en réglementant les conditions imposées par certains propriétaires, en régulant le prix des locations ?
  • Ne faudrait-il pas baisser d’une manière drastique toutes les charges fiscales dues par les entreprises, en ne créant qu’un seul et unique impôt dont le taux ne dépasserait pas le seuil des 15 % ? En ce qui concerne les salariés, ceux-ci ne devraient avoir qu’à payer un seul et unique impôt direct, dont le taux ne dépasserait pas le seuil des 15 %.
  • Ne faudrait-il pas supprimer immédiatement tous impôts et taxes, comme l’ISF, la taxe foncière, les impôts locaux, la taxe sur l’audiovisuel, la RDS, la CSG, les droits de succession, la taxe professionnelle, qui sont de véritables freins à l’emploi ?
  • Ne faudrait-il pas supprimer la dégressivité des allocations chômage, qui est la véritable porte ouverte à la précarité, à la pauvreté et à la misère ? Ne faudrait-il pas, en appliquant le principe de rétroactivité, faire en sorte que tous les allocataires du RMI perçoivent des allocations de chômage conformes au coût réel de la vie, payées, non plus par les caisses d’allocations familiales, mais par les ASSEDIC ?
  • Pourquoi faire supporter aux professionnels de la santé, aux malades, le trou de la sécurité sociale, alors que, et c’est bien connu, celui-ci est creusé par un évident manque de cotisants patronaux et salariaux ?
  • Ne faudrait-il pas taxer les licenciements de masse, lorsque ceux-ci sont concoctés par des entreprises pourtant bénéficiaires, le produit de ces taxes servant à résorber les trous de la sécurité sociale et de l’UNEDIC ?
  • Ne faudrait-il pas renforcer l’autorité de l’école, et responsabiliser lourdement les familles jugées trop laxistes face aux délits ou violences commises par leurs enfants ?
  • Ne faudrait-il pas revoir les conditions d’entrée d’immigrés sur notre sol dans le cadre des regroupements familiaux ?

Ces réformes de bon sens ne suffiraient peut-être pas à enrayer toutes ces violences dans les banlieues. Encore faudrait-il punir très sévèrement tous ces fauteurs de trouble en les invitant à rembourser leurs victimes, grâce au travail qui leur serait fourni pour l’occasion.

Les premières mesures prises par le gouvernement de Villepin, sont, certes, courageuses... Mais sont-elles suffisantes ? En tous les cas, il est bel et bien dommage qu’on ait attendu le déclenchement de ces insurrections urbaines et le décès violent de quatre innocentes victimes pour prendre vraiment conscience de ce malaise profond, qui existe et perdure depuis tant d’années.



5 réactions


  • (---.---.5.141) 23 novembre 2005 09:58

    Completement d’accord Ce texte meriterait d’etre lu a l’assemblee,en y ajoutant la liste des associations (Emaus-Restos du coeur-Secours catholique-Fondation abbe pierre-Fondation de france------) qui se sont ajoutees les unes aux autres depuis 50 ans pour palier a la carence des gouvernements successifs J’oubliais l’une des dernieres en date :Le SAMU social qui s’occupe des presque morts sur les trottoirs


  • www.jean-brice.fr (---.---.7.204) 20 février 2006 22:13

    Nos institutions permettent de faire un changement complet de nos élites qui, depuis trente ans se sont laissée corrompre par un vichysme ambiant (Gicard et Mitterrand) : pour cela, il y a lieu de faire une AUTRE POLITIQUE et d’élire un président qui ne soit ni énarque et légitimé par le peuple. Voir site www.jean-brice.fr.


  • Dominique Dutilloy Dominique Dutilloy 22 février 2006 20:26

    Attention ! Lorsque vous parlez de « Vichysme ambiant », le néologisme, « VICHYSME » n’existant pas, vous commettez une erreur, ainsi qu’un abus de langage totalement diffamatoire pour Vichy et sa population... Il faut bien que vous sachiez :
    - QU’IL N’Y A JAMAIS EU DE GOUVERNEMENT DE VICHY, DE REGIME DE VICHY, DE POLICE DE VICHY, DE CRIME DE VICHY, DE MILICE DE VICHY,
    - QUE VICHY EST UNE VILLE ET NON UNE PERSONNE,
    - QU’IL N’Y A EU QU’UN GOUVERNEMENT INSTALLE A VICHY : CELUI DU MARECHAL PHILIPPE PETAIN, QUI, AVEC SON PRESIDENT DU CONSEIL, PIERRE LAVAL, DIRIGEAIT L’ETAT FRANCAIS !

    Pour vous en convaincre, vous pourrez lire mon article, « Commémorer la Shoah ne doit pas servir de prétexte », paru le samedi 25 juin 2005 sur AGORAVOX dans la rubrique « TRIBUNE »...

    Par ailleurs, je vous invite à lire, ci-dessous, une proposition de loi, qu’en tant que Vichysssois, j’appuie de tous mes voeux :

    Proposition de loi de Gérard Charasse, Député de l’Allier, visant à substituer, dans les communications publiques invoquant la période de l’État français, aux références à la ville de Vichy, l’appellation « dictature de Pétain » Visible sur ce lien : http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion0729.asp

    No 729 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mars 2003 ; 13 février 2003. PROPOSITION DE LOI visant à substituer, dans les communications publiques invoquant la période de l’État français, aux références à la ville de Vichy, l’appellation « dictature de Pétain ». (Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.) PRÉSENTÉE par M. Gérard CHARASSE, Député. Langue française.

    EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, Depuis plus de cinquante années, diverses appellations utilisant le nom de la ville de Vichy servent à désigner le régime de l’État français né du vote du 10 juillet 1940. Tandis que, d’année en année, l’opposition des quatre-vingts parlementaires ayant voulu défendre la République reçoit un hommage grandissant, l’utilisation du nom de la ville de Vichy dans un sens négatif s’étend, allant jusqu’à prendre des formes substantivées censées désigner la trahison ou l’esprit de capitulation. Or, après l’appel du 18 juin du général de Gaulle, cette ville a accueilli le deuxième acte de résistance : celui des quatre-vingts parlementaires qui ont refusé d’installer un régime d’exception et xénophobe. Afin que ce second événement prenne le pas dans l’expression, comme il l’a pris dans l’Histoire, sur la seule installation du régime de l’État français à Vichy, il convient d’inciter, dans les textes d’origine privée, et d’obliger, dans les textes officiels, la substitution d’une dénomination de nature à rappeler le mode d’avènement de ce régime et son caractère autocratique à celles se référant à la ville de Vichy. Les travaux menés depuis plusieurs années par le Comité en l’honneur des quatre-vingts parlementaires du 10 juillet 1940, avec des historiens, des parlementaires et des citoyens, a permis de proposer l’appellation « dictature de Pétain ». Tel est l’objet de la présente proposition. PROPOSITION DE LOI Article 1er La dénomination « dictature de Pétain « , de nature à rappeler le mode d’avènement du régime de l’État français et son caractère autocratique, est destinée à remplacer, dans les communications publiques, les références à la ville de Vichy. Article 2 La dénomination « dictature de Pétain » est adoptée pour tous les textes officiels se référant à cette période.

    Article 3 L’utilisation d’une appellation du régime de l’État français faisant référence à la ville de Vichy ou à ses habitants permet à toute personne y ayant intérêt l’utilisation du droit de réponse prévu à l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881. Article 4 Est considérée comme une imputation portant atteinte à l’honneur ou à la réputation, au sens de l’article 13-1 de la loi du 29 juillet 1881, toute appellation tendant à assimiler le nom de la ville ou de ses habitants à des comportements de trahison, de capitulation ou d’outrage au régime républicain.

    Article 5 Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de la présente loi. _____________________ N°729 - Proposition de loi de M. Gérard Charasse visant à substituer, dans les communications publiques invoquant la période de l’État français, aux références à la ville de Vichy, l’appellation « dictature de Pétain ».

    Depuis plus de cinquante années, diverses appellations utilisant le nom de la ville de « Vichy » servent à désigner le régime de l’État français né du vote du 10 juillet 1940. Tandis que, d’année en année, l’opposition des quatre-vingts parlementaires ayant voulu défendre la République reçoit un hommage grandissant, l’utilisation du nom de la ville de « Vichy » dans un sens négatif s’étend, allant jusqu’à prendre des formes substantivées censées désigner la trahison ou l’esprit de capitulation. Or, après l’appel du 18 juin du général de Gaulle, notre ville a accueilli le deuxième acte de résistance : celui des quatre-vingts parlementaires qui ont refusé d’installer un régime d’exception et xénophobe. Afin que ce second événement prenne le pas dans l’expression, comme il l’a pris dans l’Histoire, sur la seule installation du régime de l’État français à « Vichy », il convient d’inciter, dans les textes d’origine privée, et d’obliger, dans les textes officiels, la substitution d’une dénomination de nature à rappeler le mode d’avènement de ce régime et son caractère autocratique à celles se référant à la ville de « Vichy ». Les travaux menés depuis plusieurs années par le Comité en l’honneur des quatre-vingts parlementaires du 10 juillet 1940, avec des historiens, des parlementaires et des citoyens, ont permis de proposer l’appellation « dictature de Pétain ». L’utilisation de cette expression peut vous choquer et il me semble utile de revenir sur sa genèse qui, finalement, rend aux faits leur place, quand cette période reste le plus souvent décrite sous une influence passionnée, l’histoire cédant alors par trop de terrain à des positionnements qui lui sont étrangers. Devant la débâcle de nos armées, en juin 1940, le gouvernement se replie à Bordeaux. Un débat se fait jour : signer l’armistice ou continuer le combat.

    Cette deuxième position, qui peut étonner aujourd’hui, était liée à l’état des forces françaises en Afrique du Nord. Selon l’inventaire détaillé établi par le général Merglen, nous y comptons alors huit divisions d’infanterie, une division et deux brigades de cavalerie, plus des unités diverses soit 10.000 officiers et 400.000 hommes de troupes et sous-officiers entraînés depuis huit mois sur ce terrain. L’équipement des militaires est constitué de 400 chars, 1200 pièces d’artillerie et 800 avions modernes avec leurs équipages transférés, le 16 juin 1940, sur ordre du général Weygand. La Marine a reçu l’ordre de Darlan de gagner les ports d’Afrique du Nord. La logistique suit et l’on fait état de réserves en pièces de rechange et munitions pour plusieurs mois ainsi que de vingt pétroliers et plusieurs navires marchands. Il faut également rappeler qu’à la fin de1938, après Munich, Edouard Daladier, président du conseil des ministres, désireux de disposer d’une une aviation supérieure à celle l’Allemagne, avait fait commander 1.000 avions aux Etats-Unis et qu’une usine de montage avait été construite à Casablanca. Les premières livraisons avaient eu lieu en décembre 1939. De plus, les marines anglaise et française ont la maîtrise de la Méditerranée avec les bases de Gibraltar, Malte, Alexandrie, Tunis, Mers-el-Kébir et sur l’Atlantique Casablanca et Dakar. Le « pont espagnol » nécessaire à l’Allemagne pour venir combattre la France en Afrique du Nord est de plus fragile avant d’être catégoriquement refusé à Hitler par Franco le 3 octobre 1940. L’idée de continuer le combat n’était donc pas une utopie comme, encore maintenant, certains voudraient le faire croire. Néanmoins, une partie de ses ministres se ralliant à l’idée d’un armistice, le 16 juin 1940, Paul Reynaud démissionne. Le maréchal Pétain lui succède et forme un nouveau gouvernement composé de militaires et d’hommes politiques assez partisans d’un armistice. Le lendemain 17 juin, le maréchal Pétain dit de cesser le combat et s’adresse à l’Allemagne pour connaître ses conditions pour conclure un armistice. Les ministres du nouveau gouvernement Pétain, même s’ils étaient tous partisans de l’armistice, ne le souhaitaient pas à n’importe quelles conditions. Le 19 juin 1940, dès que l’Allemagne accepte de discuter des conditions d’un armistice, le gouvernement se réunit et décide, en accord avec Pétain, que, pour entamer les discussions, il convient que le gouvernement ne soit pas à la merci de l’ennemi. Il est donc décidé de son transfert à Alger avec un départ vers Port-Vendres dès le lendemain, 20 juin 1940, dans l’après midi. Le président de la République et les présidents des Chambres devaient partir pour Alger alors que Pétain resterait en France avec quelques ministres - essentiellement des militaires - pour discuter l’armistice. Les pouvoirs sont donc délégués à Camille Chautemps, vice-président du Conseil, pour gouverner depuis Alger si les conditions proposées par l’Allemagne sont jugées inacceptables. Un paquebot, le Massilia, est mis à la disposition des parlementaires décidant de suivre le gouvernement, ce paquebot devant également transférer les archives et le personnel des Chambres en Afrique du Nord. Pétain et Alibert, son secrétaire d’Etat, firent volontairement échouer ce départ auquel ils étaient opposés, en décidant de conclure l’armistice avant que son gouvernement ne soit à l’abri. Lorsque Paul Baudoin, ministre des affaires étrangères, demanda à Pétain ce qu’il ferait si le président de la République persistait dans cette décision de départ, Pétain répondit « Eh bien, je le ferai arrêter ». L’armistice fut signé le 22 juin avec l’Allemagne et le 24 avec l’Italie, prenant effet le 25 juin à zéro heure. Le 23 juin, Laval entrait au gouvernement comme ministre d’Etat et le 28 juin, il en devenait le vice-président en remplacement de Camille Chautemps qui avait démissionné de ce poste dès la signature de l’armistice..../... Le 10 juillet 1940, les parlementaires, réunis en Assemblée nationale accordèrent le pouvoir constituant au gouvernement de la République présidé par le maréchal Pétain en votant, par 569 voix contre 80, le projet de loi qui leur était présenté. Dans les jours qui précédèrent le vote, les déclarations successives de Laval affichant son désir d’une constitution calquée sur celles de l’Allemagne et de l’Italie, firent naître des contestations tant chez les députés que chez les sénateurs au point que le 9 juillet, Pétain et Laval n’étaient plus assurés de recueillir une majorité sur leur projet de loi. Ils lui ont donc apporté une modification majeure en ajoutant au début de la dernière phrase du projet de loi que « [la nouvelle constitution] sera ratifiée par la nation et appliquée par les assemblées qu’elle aura crées ». Le gouvernement présidé par Pétain devait donc, jusqu’à la ratification d’une nouvelle constitution, gouverner dans le cadre de la Constitution en vigueur. Cette modification du projet de loi explique, en grande partie, son approbation par 569 voix. Ces précisions démontrent, sans équivoque, que la vérité historique est un rien éloignée de ce que nous transmet la mémoire collective lorsqu’elle indique que « le 10 juillet 1940, les parlementaires ont accordé les pleins pouvoirs au maréchal Pétain ». En contradiction avec le texte voté et ses dispositions instaurant un contrôle des chambres législatives, Pétain va signer trois actes constitutionnels, non ratifiés. Par ceux-ci, le gouvernement de la République est censé ne plus exister car Pétain s’arroge le titre de Chef de l’Etat, supprimant le poste de Président de la République ; il ajourne les Chambres et abroge l’article de la Constitution qui en fixait les conditions de convocation. Pour terminer, il s’accorde les pouvoirs législatif, exécutif et in fine le pouvoir judiciaire. Les 12 et 13 juillet, il constitue un nouveau gouvernement à sa dévotion qui n’est plus le gouvernement de la République à qui le pouvoir constituant avait été délégué. Dans ce nouveau gouvernement, Laval reste vice-président et Alibert ministre de l’intérieur. Par deux remaniements ministériels des 17 juillet et du 6 septembre, Pétain élimine tous les parlementaires avant, le 4 octobre, de demander à rencontrer Hitler à Montoire, rencontre qui débouchera, le 30 octobre, sur « l’entrée de la France dans la collaboration », c’est-à-dire la mise au service de l’Allemagne nazie de tout le potentiel français (administration, police, agriculture, industrie) allant ainsi bien au delà du texte de l’armistice, signé dans les conditions décrites ci-dessus. L’accaparement du pouvoir judiciaire par Pétain est souvent discutée. L’histoire du régime est pourtant émaillée de preuves. Il peut s’agir de créer des juridictions d’exception où les droits ne sont plus garantis comme les 20 juillet 1940 avec la création de la Cour Suprême de Justice, 4 octobre 1941 avec le tribunal de justice politique qui propose des peines que Pétain prononce. Le régime multiplie également les peines administratives comme les 3 septembre avec la loi autorisant les préfets à prononcer des mesures d’internement administratif, le 7 août 1941 avec la création de sections spéciales par région qui peuvent condamner à mort, sans recours, les personnes désignées par le régime. Enfin, ce régime prend des mesures contraires aux textes constitutionnels comme le 27 août avec l’abrogation du décret réprimant les injures raciales et religieuses ou le 8 octobre avec la loi sur le statut des juifs. A lire froidement cette histoire, tout rapproche ce régime d’exception de la dictature. Qu’elle soit comprise dans sa définition de l’encyclopédie, comme un régime politique dans lequel les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont entre les mains d’un même individu, d’un même groupe d’individus, aucune forme de contestation du régime n’étant tolérée, ou dans celles, plus abouties, des philosophes politiques comme Hannah Arendt, Montesquieu et même Platon, le régime mis en place par Philippe Pétain a toutes les caractéristiques de cette forme de gouvernement. La présomption d’élection - qui est historiquement fausse mais assez répandue - n’y changerait rien, pas davantage d’ailleurs que l’histoire personnelle d’un héros de la Nation qui, l’âge et la veulerie alentour aidant, se retrouvera dans les habits d’un tyran ordinaire. Il ne sera ni le premier ni le dernier homme politique de l’histoire à servir avant de se servir et, sous le coup d’une dérive cent fois expliquée, à glisser, sûr que son jugement seul valait mieux que celui des Français réunis, vers le pouvoir personnel et les penchants détestables qui toujours l’accompagnent. La dictature, comme parenthèse dans un régime républicain, est répandue dans l’histoire. La dictature constitutionnelle, simple parenthèse de césarisme telle qu’elle exista à Rome ou sous le second Directoire (1797-1799), la Constitution de l’an VIII (13 décembre 1799 ) qui prévoyait la suspension de l’« empire de la Constitution » (art. 92 ), le recours abusif à ces ordonnances sous la présidence de Hindenburg, de 1925 à 1934 qui transforma progressivement la république de Weimar en un régime présidentiel autoritaire, les pleins pouvoirs donnés à Hitler en 1933 par le Reichstag pour refondre progressivement les « lois fondamentales » et installer le IIIème Reich, tous ces régimes répondent à cette définition. La France n’a qu’intérêt à reconnaître cette période telle qu’elle fut. Il ne s’agit pas de juger ceux qui, un instant ou plus longtemps, ont pu penser ou pensent encore du bien de cette parenthèse. Il ne s’agit pas davantage de nier l’histoire de Pétain qui reste un acteur de la première guerre mondiale. L’objet unique de ce texte est de faire que la France regarde enfin cette période en face et qu’elle dise, sans y attacher l’un ou l’autre, ce que fut ce régime afin que le mécanisme de cette dérive connu, les signes avant-coureurs en soient identifiés. Telles sont les raisons qui m’ont conduit à faire cette proposition. Elle choquera sans doute et je nourris l’espoir qu’elle puisse déboucher sur un débat qui puisse enfin faire accepter, comme un morceau de notre histoire, cet épisode dont nous devons tirer leçon. Dans le cadre de ce débat, l’appellation que je propose peut naturellement évoluer.


  • wwww.jean-brice.fr (---.---.108.245) 27 février 2006 22:34

    C’est vraiment vous chercher des poux dans la tête : je n’ai jamais voulu attenter aux vichissois... Par contre, votre attitude est légèrement TOTALITAIRE...


  • Dominique Dutilloy Dominique Dutilloy 28 février 2006 18:20

    je ne vois pas en quoi, lorsque je m’attaque à ce que je considère comme de la diffamation à l’égard de ma Ville, VICHY, mon attitude peut être considérée comme légèrement TOTALITAIRE ? Je ne comprends absolument pas votre réaction ! Si vous étiez Vichyssois, vous en auriez particulièrement marre de voir votre ville attaquée continuellement !

    Appelons un chat : un chat ! Il n’y a eu qu’un gouvernement, INSTALLE A VICHY : le Gouvernement de l’Etat Français


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