samedi 16 juin 2012 - par Whackangel

Panem et Circenses

Le vendredi 15 juin 2012, les Bleus de l’Equipe de France ont voulu disputer leur deuxième match de cette édition de l’Euro 2012. Manque de bol, le projet tombe pour ainsi dire à l'eau. Je souhaite donc saisir cette opportunité, conjointement à celle présentée par le week-end des 24H du Mans, ma ville d’adoption, et la célébration de mon dixième article AgoraVox (le nombre étant éminemment représentatif dans le domaine sportif), pour proposer quelques regards sur le sport.

J’inviterais tout d’abord le lecteur à (re)découvrir un Réquisitoire des Flagrants Délires de Pierre Desproges, adressé le 6 mai 1981 à Henri Pescarolo. Ca ne nous rajeunit pas, mais je me dois de citer mes références culturelles. Et c’est sur ce thème majeur qu’est le football que j’enchaine.

Souvenez-vous de la liesse générale procurée par la victoire des Bleus, portés par Zizou, en 1998. Ce soir là, je me trouvais au pied de l’Etendard, un glacier alpin que je m’apprêtais à escalader le lendemain matin. Je n’ai donc pas suivi le match, je n’ai pas pris part à l’allégresse générale, et je n’ai jamais voulu voir aucune des rediffusions. Je ne serais même pas capable de vous dire qui étaient les trois fameux buteurs. Et, en 2002, quand la Coupe du Monde a été disputée en Corée et au Japon, je me souviens également de la folie dont étaient pris les médias français, voyant déjà l’équipe des Bleus, édition 2002, arriver au sommet : des millions et des millions d’euros avaient été mis sur la table dans la perspective d’une deuxième victoire consécutive. Et c’est peut-être le seul moment de ma vie où j’eus le sentiment qu’un souhait profond, ardent et sincère de ma part ait été exhaussé : les Bleus n’ont pas marqué un seul but, et sont rentrés la queue entre les jambes, si j’ose m’exprimer ainsi. Mais, étonnamment, aucune trace d’humilité, de prise de recul, de la part des joueurs ni des gens qui avaient mis tant d’argent à la poubelle. Même Zizou, star française par excellence (je doute que Papin ait eu un tel succès, à son époque), n’a pas perdu de son charisme aux yeux des français.

Quatre ans plus tard, on décide tout de même de faire profil bas en Allemagne, où tout se passe finalement plutôt bien. Jusqu’à la finale. Là encore, malgré un geste manquant totalement de professionnalisme, Zizou semble intact dans l’opinion des français. Surement parce qu’il s’est excusé publiquement de son geste. N’empêche, à ce niveau, mieux vaut prévenir que guérir. Cet athlète n’a, à mes yeux, jamais été autant vénéré qu’un autre, en particulier par les enfants. Par son geste (légitimé ou pas), il décrédibilisera l’image du sport d’être un lieu de partage et de fair-play, il décrédibilisera la question de la maturité, du self-control, qui devraient être le point fort de tous sportifs. Mais ce n’était malheureusement pas fini.

2010, en Afrique du Sud, c’est Anelka qui détruit un peu plus cette image, en insultant son entraineur. L’opinion publique commence à se déchainer, mais y a-t-il eu une véritable prise de conscience ? Je ne sais pas : on en a plus voulu à Raymond Domenech ne n’avoir pas pu maîtriser ses joueurs et les booster plus loin que le premier tour, qu’à Anelka d’avoir littéralement dessoudé l’équipe.

Petite parenthèse sur 2010, avant de passer à l’Euro 2012 : de la même façon que le geste de Zizou en 2006 était d’une violence inouïe pour un match de football, je n’ai rarement vu un match aussi fou et grotesque que celui de la finale, entre les Pays-Bas et l’Espagne.

Enfin, 2012 et l’Euro. Parce que la compétition se passe entre la Pologne et l’Ukraine, on voit apparaître une nouvelle mode : le mixage entre le tourisme sportif et le tourisme sexuel. Comme le tourisme sportif est une affaire légale en or, on laisse passer le tourisme sexuel, qui n’est pas si grave, en fin de compte. Ca ne choque personne. J’en ai presque honte de pointer le sujet du doigt.

Pour finir sur les délires égo-maniaques des sportifs, je veux simplement revenir sur la prestation de Nasri pendant le match contre l’Angleterre, du 11 juin dernier. Le fait d’adresser un « Ferme ta gueule » à je ne sais quel journaliste hypothétique après avoir marqué un but, montre une immaturité que je n’ai pas vu depuis le début du collège (si on met, bien sur, de coté les débats des personnalités politiques de ces dernières années). Si critique il y a eu dans les journaux sur Nasri, son style, son jeu, est-ce ainsi qu’il comptait réellement rattraper le coup ? Est-il a se point si peu confiant en ses capacités, pour déclamer un « Ferme ta gueule » de justification après son but ?? Encore une fois, l’ego a pris le dessus, là où l’équipe et le professionnalisme devraient prévaloir.

En fait, quand on voit les attitudes générales des supporters devant un match, que ce soit à la télé ou "en vrai", on est en droit de se dire qu'il n'y a pas un supporter pour sauver un sportif, et vice-versa, les deux s'engouffrant tant et plus vers un cercle vicieux de bassesses.

Je profite de l'occasion pour parler, de façon très brève, de Lance Armstrong qui a été enfin "formellement accusé de dopage" le mercredi 13 juin. C'est un homme qui a gagné sept Tours de France, rien que ça. Je pose donc ces questions : sera-t-il jugé pour son acte, vraisemblablement avéré pour les années 1998 à 2011 ? Devra-t-il rembourser la totalité de ses gains pendant ces années où il s'est dopé pour vaincre ses adversaires ? Va-t-il présenter des excuses aux supporters, aux concurrents, aux sponsors ? Mon petit doigt me dit que, pour chacune de ces questions, la réponse sera évidemment non. Là encore, ça ne choque personne.

J’en viens maintenant aux 24H du Mans, jolie bourgade où j’ai élu domicile. Il n’est pas très compliqué de voir les aspects tordus que peut provoquer le tourisme sportif : parce que l’évènement attire énormément de monde, un arrêté décrète formellement l’interdiction aux supermarchés la vente d’alcool, sur 50km à la ronde autour du circuit, le temps de la course, pour éviter les débordements. Rien n’est dit pour la vente d’alcool de la part des bistrots et des restaurants, ni pour ce qui concerne les journées d’avant ladite course. De fait, les magasins mettent de l’alcool a foison (et le terme est certainement trop léger) partout, dans leurs entrées, en tête de gondole, et les lieux de restauration quadruplent le nombre de leurs tables et de leurs pompes à pression. Et c’est à la population mancelle de vivre, une semaine durant, avec des soulards à tous les coins de rues et à toute heure, et aux gentils employés municipaux de récurer lesdites rues des dizaines de flaques de vomi élégamment déposées là. Du bonheur assuré.

Tout n'est pas aussi beau que sur cette dernière photo...

Après « Panem et Circenses », que demande le peuple ? « de la bière, des putes, et du sport ».

J’ai le réel sentiment que jamais je ne trouverais les bons mots pour exprimer à quel point tout ceci est ubuesque au possible. Où est le sport là-dedans ? Le respect ? Le challenge ? Le fair-play ? Le dépassement de soi ? L’esprit d’équipe et de camaraderie ? L’humilité ? Tout est-il réduit au simple attrait du fric ? Peut-on vraiment tolérer, en tant que supporter ou simple spectateur, que des gens puissent être payés si grassement à être à ce point dans l’excès de gloriole, de luxe et d’égo, jusqu’à en bafouer les règles premières du sport ? Il faut croire, en tout cas, que la crise est vite oubliée quand on la confronte au sport. 



7 réactions


  • Caroline Courson Caroline Courson 16 juin 2012 07:41

    Churchill s’en glorifiait : « No sport ! »


    Et « panem et circenses », c’était le début de la décadence de l’Empire Romain".

    Alors...

  • Radix Radix 16 juin 2012 10:31

    Bonjour

    « Sport professionnel » est un oxymore, on devrait plutôt parler de spectacle.

    Quant à déplorer que le fair-play en soit absent, autant se plaindre de l’absence de franchise et d’honnêteté dans la politique !

    Radix


  • CARAMELOS CARAMELOS 16 juin 2012 15:05

    Ils ont pu descendre du bus cette année ?


  • CARAMELOS CARAMELOS 16 juin 2012 15:11

    Circus médiatus, fricus , encore heureux qu’il y a encore des rencontres circus-footballistiques pour les vendeurs de saucisses, et pour moi c’est important, je fabrique des grilles pour les barbecues !


  • CARAMELOS CARAMELOS 16 juin 2012 15:19

    @ WHACKANGEL
    Bonjour
    En attendant bien vu !
    Bel article, on aimerait en lire un peu plus souvent de cette veine !
    Bonne journée.


  • ARMINIUS ARMINIUS 16 juin 2012 18:01

    Tout à fait d’accord avec l’article, ,il y a vraiment longtemps ,qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du sport, l’idéal de Pierre de Coubertin (personnage très douteux malgré sa belle idée) a été sacrifié au dieu pognon. J’ai autrefois porté les couleurs de la France pour la pratique d’un sport mineur : non seulement nous n’étions pas payé mais en plus nous en étions souvent de notre poche pour les déplacements internationaux, difficile à croire non ? Et maintenant faute de mieux, je regarde encore ces matchs de foot...c’est un spectacle comme un autre...


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