mardi 8 janvier 2008 - par minijack

Parole d’hommes

La politique est devenue un exercice de poker-menteur consistant à piéger l’adversaire dans ses propres contradictions, surtout quand on détient les médias auxquels il n’aura pas accès pour démentir...

La politique n’est-elle qu’une partie de poker-menteur ?
La politique devrait être l’art loyal et transparent de diriger la société au mieux des intérêts des membres qui la composent, toutes classes confondues.
Hélas, depuis des siècles déjà, elle n’est plus qu’une sourde lutte pour gagner ou conserver un pouvoir de classe au détriment des humains qu’elle est censée protéger.

Ceci est vrai autant à gauche qu’à droite, et, si la « dictature du Prolétariat » marxiste a fait long feu, celle du « Capital » du même Marx dure encore... Avec les mêmes innommables procédés, une classe continue d’humilier l’autre, déconsidérant du même coup la démocratie en son entier puisque on ne peut même plus se permettre de croire en la parole de « l’Autre »...
La politique est devenue un exercice de poker-menteur consistant à piéger l’adversaire dans ses propres contradictions, surtout quand on détient les médias auxquels il n’aura pas accès pour démentir. C’est la raison pour laquelle toutes les révolutions commencent par prendre les radios et les télévisions.
Faut-il donc n’être qu’un doux rêveur pour continuer à croire que tous les hommes sont frères et pourraient s’entendre pour le bien commun ?

On se prend à regretter l’Ancien Régime, le temps du Moyen Âge... Au temps des chevaliers, les papiers d’identité n’existaient pas, pas même un nom patronymique, on avait un nom de baptême et un lieu d’origine et voilà tout. On n’avait pas à « prouver » son identité, il suffisait de la dire, on ne croulait pas sous les paperasses ou les expertises, mais au moins, la parole était sacrée ! Même celle d’un adversaire ! Et l’on pouvait faire confiance à celui qui jurait sa foi à son geôlier qu’il ne chercherait pas à s’enfuir. Le prototype de ce genre d’homme fut sans aucun doute Bertrand du Guesclin qui alla jusqu’à fixer lui-même le montant de sa rançon !...
Nous sommes aujourd’hui bien loin de tels héros. C’est devenu un concept surréaliste que de croire en la parole d’un homme. Mais c’est pourtant toujours l’une des meilleures façons de le discréditer en présentant les faits de manière tronquée...
L’aventure du petit Juan-David, alias Emmanuel, en est la dernière illustration.

Libéré volontairement et par anticipation d’une condition en laquelle il n’était pas possible d’assurer sa survie, et mis en pension sous un faux nom à Bogota, il n’en était pas moins détenu au sens de l’état civil par les FARC dont personne n’était censé connaître le magnifique geste humanitaire qu’elles avaient déjà consenti - sans conditions - en l’envoyant dans un orphelinat « en pays ennemi » si j’ose dire...

Au plan moral, elles étaient donc légitimement fondées à laisser croire qu’elles le détenaient encore avec sa mère, même si ce n’était que virtuel et que sa détention ne portait plus que sur le secret de son identité. Ce n’était pas même un mensonge puisque, officiellement, c’était un enfant dénommé Juan-David qui se trouvait à Bogota, et non Emmanuel.

En découvrant que cet enfant était en réalité le petit Emmanuel, des autorités colombiennes réellement démocratiques auraient dû immédiatement se réjouir de sa « libération » et faire savoir à la famille des otages que son petit-fils était sain et sauf entre leurs mains... Mais c’eût été sans doute donner trop de joie à des adversaires intégrés à la société politique colombienne, et se priver du même coup d’un argument frappant à l’égard des FARC, autres adversaires politiques, mais autrement plus dangereux ceux-là puisque opposants armés.

Et c’est là qu’on se rend compte du machiavélisme d’un tel raisonnement, qui lamine et passe par pertes et profits les sentiments humains, à seule fin de DÉCONSIDÉRER l’adversaire aux yeux du monde en présentant faussement comme un mensonge délibéré de sa part ce qui n’était qu’une erreur politique : celle d’avoir relâché pour raisons humanitaires en amont de toute négociation, un enfant qui n’avait pour seul défaut que d’être celui d’une otage et d’un geôlier.

La prochaine fois, si toutefois on peut encore espérer qu’il y en ait une, nul doute que les FARC ne libéreront pas par avance un gosse innocent. Elles préféreront le laisser crever dans la jungle plutôt que de passer pour des menteurs.

Dans une telle affaire, le plus grand menteur des deux n’est pas les FARC !
C’est le président URIBE !

Les chances de voir rapidement libérer Ingrid et les autres otages s’éloignent de plus en plus !



5 réactions


  • Bobby Bobby 8 janvier 2008 18:18

    Très bon article... Hélas, l’air, où l’erre du temps risquent bien d’avoir bien besoin d’un nombre de plus en plus important de ces mensonges, de contrôles, pour cacher sa propre déliquescence... un ordre nouveau (on peut se demander en quoi !) dont le effluves émanent (entre autres) de projets tels que « New Américan Century » tant cité ces derniers temps... et pas pour rien !

    Dans ce jeu qui n’en est pas un, les réactions armées ne font que répondre aux sollicitations d’un pouvoir qui y trouve son intéret !

    La vente d’armes ne cesse de croître de par le monde, c’est le budget le plus lourd de tous (23 fois + important que les dépenses pour les besoins primordiaux pour l’eau, l’alimentation et les frais médicaux ensemble, au niveau mondial... (chiffres officiels du PNUD pour 1999... en consatnte augmentation))... que le simple citoyen alimente en payant ses contributions, pas nécessairement connues, à l’écôt national.

    Le paysant, le monsieur tout-le-monde, est-il capable de faire la différence lorsqu’il s’agit de prendre les armes ? cetains probablement, mais pour ceux qu’il y auront touché... la solution est toute trouvée, elle semble autojustifiante ! Malgré tout, le geste des FARC me paraît apporter quelques bémols, sinon un démenti certain à cette affirmation... je ne puis que m’en réjouir !

    Je voudrais croire qu’il y a une alternative au conflits face à la pénurie d’énergie (prévisible et prévue) à moyenne échéance, mais ai bien peur que ceci ne constitue qu’une Utopie.

    Bien cordialement


    • Francis, agnotologue JL 9 janvier 2008 09:06

      @ Bobby : «  »l’air, où l’erre du temps risquent bien d’avoir bien besoin d’un nombre de plus en plus important de ces mensonges, de contrôles, pour cacher sa propre déliquescence... «  »

      « L’erre du temps » ... n’est-ce pas ça qu’évoque l’expression : « il faut laisser du temps au temps » ? smiley


  • bernard29 candidat 007 8 janvier 2008 18:20

    Eh bien alors où était le problème ? Il suffisait aux Farcs d’annoncer que le petit Emmanuel était déjà libéré et non de retarder la libération des deux femmes restantes ?

    Par ailleurs les Farcs auraient pu aussi libérer la mère avec l’enfant au lieu de les séparer pendant plus de deux ans, non ?

    Ce qu’il y a d’extraordinaire avec votre présentation, c’est que vous en arrivez à légitimer les enlèvements, la prise et la rétention d’otages pour obtenir des bénéfices politiques ou comme moyen politique.


    • minijack minijack 9 janvier 2008 11:35

      Vous vous trompez, je ne cherche absolument pas à légitimer les enlèvements bien sûr. Je souhaitais juste remettre les pendules à l’heure quant à la soi-disante "Démocratie" colombienne ou ce qu’on voudrait bien nous présenter comme telle, et l’interprétation que l’on peut donner d’un même fait selon qu’on tient les médias sous contrôle ou pas...

      Evidemment, puisque l’enfant était déjà "libéré" depuis trois ans, les FARC auraient pu libérer les autres otages femmes indépendemment de celui-ci. Mais Où ?... En quel endroit ?... puisque le Pouvoir Colombien faisait volontairement manoeuvrer ses troupes le long de frontières, contrairement à la nécessaire démilitarisation d’une zone suffisante...

      Il faut être bien naïf pour penser que les FARC sont les salauds dans cette affaire. Cette libération serait très inopportune pour Bogota et tant militairement aue politiquement, le Gouvernement colombien préfère en rester au statut quo. (autant dire d’ailleurs Gouvt américain, car il existe des centaines voire des milliers de "conseillers militaires" US entraînant les Milices de Uribe) 


  • fourreau 9 janvier 2008 01:17

    Les mensonges, les duperies, les fourberies etc. sont devenus des éléments aussi vitaux que l’est le sang ! Et déjà au moyen-âge ! La bassesse est l’horizon de tout pouvoir humain. Plus rien de ce qui émane d’un pouvoir n’élève l’homme à son digne rang originel.


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