lundi 15 février 2021 - par Bruno Hubacher

Partenariat public-privé

 

Après quarante ans de guerre d’usure, le Cheval de Troie du néolibéralisme, le partenariat public-privé, finira bien par avoir raison de la « res publica ». En tous cas, depuis le lancement, le 18 novembre 1983, de l’outil de propagande du Congrès américain, le « National Endowment for Democracy » par le regretté Président Ronald Reagan, les politiciens autour du globe semblent finalement être mûrs pour le second tour.

C’est donc avec fierté que le gouverneur démocrate de l’état du Nevada, bastion du jeu de hasard, Steve Sisolak, annonce son intention de soumettre au législateur un projet audacieux de « création de zones d’innovation technologique » d’un type nouveau dans la ville de Carson City, un projet par ailleurs chaudement applaudi par le chef républicain du groupe minoritaire au Sénat du Nevada, James Settelmeyer. (LRV Las Vegas)

Monsieur Sisolak veut en finir avec le concept dépassé des rabais fiscaux et autres forfaits incitatifs, financés par les pouvoirs publics, dans le but de persuader des entreprises de s’établir sur sol « nevadien ». Il envisage dorénavant la création de zones économiques de haute technologie, entièrement gérées par les entreprises qui s’y établiront et quand Monsieur Sisolak parle de « gérer » il veut dire « gérer ».

En effet, ces zones seraient administrées par un comité de trois commissaires, nommé par les propriétaires des lieux, investi de pleins pouvoirs, politiques et judiciaires, tels que l’imposition d’impôts locaux, la création d’écoles ou la gestion de la voirie, des fonctions réservées, en temps normaux, à un conseil communal composé de parlementaires élus.

Le ticket d’entrée serait fixé à 250 millions USD, couplé d’un plan d’investissement d’un milliard USD sur dix ans, ainsi que l’achat d’un minimum de 20'000 hectares de terres inhabitées. Le style d’entreprise que Monsieur Sisolak a en tête serait du genre robotique, intelligence artificielle, biométrie ou technologie sans fil.

Il y aurait déjà des clients dans les starting-blocks à ce qu’il paraît. En 2018 déjà, le « crypto-millionnaire » Jeffrey Burns, fondateur de la société « Blockchains LLC », inconnue au bataillon par ailleurs, aurait investi la somme de 170 millions USD dans un terrain près de la ville de Reno pour y installer une « communauté expérimentale » et où sortiraient de terre des résidences, écoles, unités commerciales et de productions dont la pièce maîtresse serait justement sa société « Blockchains LLC ». (NYT)

La société « Blockchains LLC » aurait développé une sorte de « registre central » pour la comptabilisation de transactions de crypto-monnaies, une façon rêvée par les aficionados de « contourner le système », notamment celui des banques privées et des banques centrales, par l’émission de crypto-monnaies, gérées par une technologie « neutre et inviolable », et, selon Monsieur Burns, « une technologie qui rendra aux gens ordinaires la gestion de leurs données personnelles sans dépendre des grandes compagnies de technologie ou du gouvernement », une technologie, sans aucun doute, « différente » de celle utilisée par « facebook » « twitter » « Instagram » « Snapchat » et autres « WhatsApp ».

Toujours est-il, ce concept anarchiste semble avoir séduit le gouverneur Sisolak, d’autant plus que Monsieur Burns avait précédemment fait quelques efforts pour le convaincre. On parle d’une généreuse contribution de 50'000 USD au PAC démocrate » (political action committee) « Home Means Nevada », 10'000 USD aux campagnes électorales du gouverneur démocrate et de son adversaire républicain en 2018, 50'000 USD au Parti démocrate de l’état de Nevada en 2019, ainsi que de dons divers et variés entre 1'000 USD et 5'000 USD à des élus locaux des deux partis. (LRV Las Vegas)

Ce n’est donc pas non plus une surprise que l’administration démocrate du nouveau Président Joe Biden soit particulièrement passionnée par la technologie, truffée d’anciens dirigeants des grandes compagnies de technologie, dont l’ancien patron du moteur de recherche « Google », Eric Schmidt, figurant accessoirement à la tête d’un nouveau comité, crée en 2016 par le Pentagone, ayant pour but « d’étudier l’apport des innovations de la Silicon Valley à l’armée américaine » serait particulièrement intéressé par un poste clé au Département de la défense par un des siens, le nouveau Président saura sans doute se montrer reconnaissant envers ses donateurs.

En faisant d’une pierre deux coup, c’est pourtant l’entreprise « WestExec Advisors » qui décroche le jackpot avec son fondateur Antony Blinken à la tête du Département d’Etat et une ancienne collaboratrice, Avril Haines à la tête du renseignement national.

Le carnet de clients du cabinet de conseil se lit comme le « who is who » de la finance et de la haute technologie, Bank of America, Banque Lazard, Royal Bank of Scotland, Gilead, McKinsey, facebook, Uber, Softbank, Linkedin, ainsi que la sulfureuse compagnie de big data « Palantir Technologies » aux services des différentes agences de renseignements.

Dans une interview avec le média « The Intercept » du magnat touche à tout, Pierre Omidyar, la malheureuse candidate au poste de Secrétaire à la Défense, Michèle Flournoy, déclara que « « WestExec » cherche à embaucher des gens quittanr des postes gouvernementaux, disposant d’une expertise solide et d’un vaste carnet d’adresses, tout en veillant à ce que ceux-ci ne soient enregistrés quelque part en tant que lobbyistes, de sorte à ce qu’ils puissent réoccuper d'autres postes à responsabiité politique ultérieurement sans autres formalités. »

Il y avait une boutade qui circulait dans l’ancienne Union des Républiques Socialistes Soviétiques qui disait qu’une nuit le Président Ronald Reagan se réveilla d’un cauchemar, couvert de sueur. Assistant à un congrès du Comité central du parti communiste il entendit soudainement le secrétaire général donner la parole au premier secrétaire du comité du district de Washington, le camarade Reagan. La réalité semble avoir rattrapé la fiction.



19 réactions


  • Clark Kent Séraphin Lampion 15 février 2021 10:26

    Le « partenariat » public-privé, c’est : « je finance, je compense, tu empoches ».

    Les autoroutes et les concessions d’eau minérale en sont l’illustration.


    • scorpion scorpion 15 février 2021 11:57

      @Séraphin Lampion
      Mais alors on nous aurait menti à l’insu de notre plein gré ?


    • Clark Kent Séraphin Lampion 15 février 2021 13:01

      @scorpion

      « Plus le mensonge est gros, plus il passe. »–Goebbels

      « Plus c’est gros, mieux ça passe » -Sarkozy


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 15 février 2021 13:46

      @Séraphin Lampion

      « Ça dépend par où tu veux passer  »
      La poutre de Bamako.


    • Clark Kent Séraphin Lampion 15 février 2021 14:16

      @Aita Pea Pea

      « Ad augusta per angusta ».
      L’œil de Caïn


    • JPCiron JPCiron 15 février 2021 22:44

      @Séraphin Lampion

      Le « partenariat » public-privé, c’est : « je finance, je compense, tu empoches ».

      Les autoroutes et les concessions d’eau minérale en sont l’illustration.>


      Mais non ! Je n’y crois pas ! C’est une Fake News pétillante !

      Un tel système mafieux n’existe que dans les pays latins !




    • jmdest62 jmdest62 16 février 2021 08:31

      @Séraphin Lampion
      Bonjour
      Il n’y a pas que Le « partenariat » public-privé ......la « délégation de service public » ça fonctionne bien aussi.
      @+





  • Francis, agnotologue Francis 15 février 2021 15:38

    Jeffrey Burns, fondateur de la société « Blockchains LLC » ? De la famille de Charles Montgomery Burns propriétaire de la centrale nucléaire de Springfield  ?


  • PaulP 16 février 2021 09:06

    A quand des marchés publics digne de ce nom ? Telle est la question


  • Réflexions du Miroir Réflexions du Miroir 16 février 2021 09:40

    @Bruno,

    Bravo, vous avez tout compris.

     « La réalité semble avoir rattrapé la fiction »

    Elle ne semble pas, elle dépasse la fiction des tsunamis 

    Chez nous, j’écoute actuellement l’émission « C’est vous qui le dites ». 

    Il y est question de la demande qu’internet soit considéré comme besoin essentiel au même titre que l’eau et l’électricité rendu publics. 

    Il y a toujours des récalcitrants qui disent ne pas avoir besoin de la connexion internet.

    Ils seront balayés insensiblement ou très sensiblement.

    On n’arrête pas les évolutions.

    A la sortie de la caverne de Platon va encore nous faire découvrir bien des choses bonnes ou mauvaises. 



  • Eric F Eric F 16 février 2021 10:07

    " ces zones seraient administrées par un comité de trois commissaires, nommé par les propriétaires des lieux, investi de pleins pouvoirs, politiques et judiciaires"

    Des compétences communales comme l’administration locale, la voirie et les équipements, à la limite ça pourrait se comprendre, mais le pouvoir « judiciaire » ça fait frémir !


  • I.A. 16 février 2021 18:20

    Nous savons tous que la finalité est de supprimer l’état, garant des droits, des biens publics et de la répartition des richesses. Peut-être laisseront-ils des « marionnettes-fusibles »au sommet, pour les cérémonies et manifestations publiques.

    Le salarié quant à lui sera la propriété économique, politique, idéologique, judiciaire et administrative de son employeur (corps et âme). 

    L’intelligence humaine ressemble de plus en plus à une maladie vénéneuse.


    • Xenozoid Résistance is futile 16 février 2021 18:27

      @I.A.

      Nous savons tous que la finalité est de supprimer l’état, garant des droits, des biens publics et de la répartition des richesses. Peut-être laisseront-ils des « marionnettes-fusibles »au sommet, pour les cérémonies et manifestations publiques.

      Le salarié quant à lui sera la propriété économique, politique, idéologique, judiciaire et administrative de son employeur (corps et âme). 

      L’intelligence humaine ressemble de plus en plus à une maladie vénéneuse.

      c’est déja comme ça (dans le fond ,la forme varie avec l’histoire)), la finalité est donc ailleur,
      PS:l’intelligence humaine est un puit sans fond, car on est les seuls a pouvoir en débatre


    • Réflexions du Miroir Réflexions du Miroir 16 février 2021 19:15

      @I.A.
       Ah, vous ignorez qu’il n’y a pas règles de droits, de répartitions de richesses dans les entreprises privées ? Que la collusion entre les entreprises et les politiciens de l’Etat ? 
       Détrompez-vous.
       Les hiérarchies y ont des ramifications bien subtiles.
       Je vous propose de regarder ce soir « Murdoch » sur ARTE.
       Même le CEO au sommet a un devoir de rendement qu’il devra défendre lors de l’Assemblée générale des actionnaires.
       S’il ne répond pas aux attentes, il sera remplacé.
       L’intelligence humaine, une maladie vénéneuse....
       Cette réflexion me plait.  smiley


    • Réflexions du Miroir Réflexions du Miroir 16 février 2021 19:19

      @Résistance is futile
       Je suppose que I.A. n’a pas choisi son pseudo au hasard...
       Aujourd’hui, nous sommes encore à l’intelligence artificielle faible.
       Mais cela ne restera pas ainsi.
       Quand elle deviendra forte.... Lisez peut-être le résultat dans le livre de Zoé Sagan (une écrivaine qui veut rester anonyme en écrivant « Kétamine ».  smiley


    • Réflexions du Miroir Réflexions du Miroir 16 février 2021 19:21

      @Philippe Huysmans, Complotologue
       Salut ma poule...
       M’étonne pas que tu reviennes quand tu ne comprends pas... 


    • Xenozoid Résistance is futile 17 février 2021 16:12

      @Réflexions du Miroir

      ketamine

      commentaire je cite :

      Ce talent infini des français à devenir verbeux


  • Spartacus Lequidam Spartacus Lequidam 17 février 2021 11:02

    Le titre n’a absolument rien a voir avec le texte.

    Créer des zones d’incitation a investir n’est pas un partenariat public-privé.


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