jeudi 15 octobre 2009 - par Yohan

Pas de printemps pour marner

Les moissons de Pôle Emploi ont eu lieu cet été et les opérateurs privés chargés d’accompagner les licenciés économiques sont maintenant sélectionnés.
Pour les gagnants, pas de surprise. On retrouve pèle mêle des cabinets de taille comme Sodie, BPI, ou encore Altedia, fondé par Raymond Soubie, (ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy), des agences d’intérim comme Manpower, Randstadt et quelques organismes de taille plus modeste et nettement moins en vue que les premiers. 
 
Seul gros opérateur privé à avoir été écarté du marché est le groupe australien Ingéus France.
Evidemment, son PDG, Erik Pillet, a du mal à avaler la pilule. Et de se plaindre maintenant d’une concurrence qui aurait drastiquement tiré les prix vers le bas.
 
Chez Ingéus qui, hier encore, profitait des largesses de feu l’Unedic, ce sont surtout les licenciements qui inquiètent.
 
Certains salariés n’hésitent plus à dire que leur boite faisait de toute façon « du fric sur le dos du marché de l’emploi » et qu’un climat de « terreur » pesait sur les salariés « contraints à faire du chiffre au détriment du temps passé en accompagnement ».« La prestation, c’est du vent…on nous demande de mettre le paquet sur les employables (job ready) et de désinvestir les « cas sociaux ».
 
Inquiétant quand on sait que leur prestation d’accompagnement se facturait alors autour de 3.200€ en moyenne.
 
Imaginons ce qui pourrait advenir avec la prestation « Trajectoire emploi » qui s’est conclue à la baisse par rapport au format précédent.
 
Inquiétant en effet quand on sait à quel "presse-citron" sont généralement soumis les consultants chargés de l’accompagnement des chômeurs dans les cabinets privés.
 
Certes, il y avait urgence. Une grave crise qui nous tombe dessus et plus de 500.000 chômeurs à reclasser dans l’emploi, tâche au dessus des moyens de Pôle Emploi, en l’état actuel de la fusion.
 
Du coup, il se pourrait que cette fabulette que je vous livre ici, devienne réalité. Un scénario à la Hitchcock, pour sûr...
 
Après un parcours plus ou moins chaotique, la consultante du cabinet Abnégation décréta que pour un gars comme moi, mieux valait effectuer au plus vite un BCA. Plus catch que coach, j’ai bien failli lui céder ce jour là, pris dans l’étau et sonné par son coaching de percussion.
 
Une drôle d’histoire que je m’en vais vous conter sans attendre...
 
Mon Contrat d’Avenir arraché de haute lutte venait tout juste de s’achever sur une belle poignée de main au collet. Il est vrai que les oiseaux de mauvais augure m’avaient mis en garde contre la propension de ces gens à vouloir prolonger un contrat qui ne leur coûte rien.
 
Un CDPPR (contrat de plus pour rien) étant devenu ma psychose, je m’étais presque résigné à signer pour un CIE. Mais, ayant déjà bénéficié d’un CIVIS par le passé, je me voyais mal devoir en passer à nouveau par une ECCP.
 
Quelques jours plus tôt, je venais de frôler l’EDEN, rapport à mon petit projet de bizness sans prétention, mais le ton de la conseillère du POINTCHANCE me signifia qu’il fallait lire sur l’écriteau du jour : Point de Chance.
 
« EMT dans le cadre de l’ACCRE » m’avait-elle administré sans l’ombre d’un doute, en guise de potion âcre.
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Trop vieux pour un emploi tremplin et ayant déjà épuisé toute la panoplie des mesures proposées par ma chargée d’insertion, je me suis dit « mon gars, il est temps que tu sortes de cette nasse, sinon tu vas finir bientôt au RMA ou, pire encore, la corde autour du cou »
 
« Allons voir à Pôle emploi s’ils ont quelque chose pour un jeune et innocent demandeur d’emploi » me suis-je lancé en guise de défi.
 
Arrivé à mon agence de quartier, fraîchement repeinte sous son nouveau logo, et trahi par un col de chemise laissant passer un rai de néon, la chargée d’accueil me dirigea derechef vers le service en charge d’orienter les chômeurs vers une de ces fameuses prestations. 
 
Une affiche sur le mur vantait les mérites du RSA. Au cadran de l’horloge, l’aiguille indiquait que ses piles étaient mortes depuis le Plan Barre, au moins. 
 
Alors que j’entamai un roupillon discret, une formatrice enflée de soupçons m’interpella en ces termes « ce monsieur là, il vient pour un TRAJECTOIRE ou pour un CIBLE ?
 
Devant mon agacement, elle me lance comme pour rattraper le coup « c’est tout ce que nous avons actuellement à proposer, et vous avez bien de la chance de pouvoir bénéficier d’un accompagnement en ce moment de disette.
 
« Mais, moi je viens pour un emploi ! » lui ai-je répondu du tac au tac.
 
Dans ce cas, il vous faudrait des vêtements plus appropriés » lâche la dame, lèvres pincées, reniflant le décès de mon teinturier.
 
Ne vous tracassez pas ma bonne dame, avec tous vos sigles, j’en ai le vertigo, alors maintenant moi, je rentre à la maison illico ! ».
 
« Comment ça, à la maison ? » me reprend aussi sec la dame, avec ce ton qu’affectionne les mères supérieures 
 
 « A la Maison de l’Emploi , voulais-je dire ! » me dicte Sainte Prudence du Chômedu, mère de la radiation évitée.
 
« La MDE, c’est à deux pas d’ici au n°17. Vous pouvez même y aller à pied, surtout avec ce beau temps printanier ! »
 
« Pas de printemps pour marner ! » lui ai-je aussi sec répliqué, en me dirigeant tout droit vers la Taverne de la Jamaïque, pour reprendre mes esprits avec un petit verre de rhum.


3 réactions


  • Yohan Yohan 15 octobre 2009 20:50

    Bonsoir Waldgänger

    Pas grand monde sur un sujet tellement dans l’actualité pourtant, car c’est l’Ubu monde qui attend ceux qui vont bientôt perdre leur boulot.
    Les cabinets de reclassement ont une si belle vitrine. Ils ne sont pas nombreux et ils prospèrent sur les plans sociaux. C’est une affaire juteuse avec très peu de concurrence potentielle, car il est difficile de se frayer un chemin. En effet, lorsqu« un gros employeur licencie, il préfèrera toujours prendre un cabinet huppé, pour éviter toute critique sur les résultats futurs (qu’il sait d’avance médiocres). Ainsi, il pourra faire front aux critiques en clamant haut et fort  »et pourtant j’ai payé cher pour que vous ayiez le meilleur cabinet sur le marché"


  • Fergus Fergus 16 octobre 2009 09:19

    Salut Yohan.

    D’accord avec toi, il est bien dommage qu’aussi peu de monde se mobilise sur les problèmes de reclassement. Il sont pourtant au coeur des difficultés de notre société et concernent des millions de familles.

    Sans doute faudra-t-il que tu reviennes à la charge avec un article de fond, plus percutant que cet amusant clin d’oeil à Hitchcock que j’ai bien apprécié. Ton avis et ton expérience, combinés aux dénonciations exprimées par Fabienne Brutus, pourraient se révéler fort utiles.

    Bonne journée.


  • Yohan Yohan 16 octobre 2009 10:12

    Salut Fergus

    Je pense que j’y reviendrai avec un peu plus de matière.


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