mercredi 3 août 2011 - par Louis Debelle

Peut-on penser le drame d’Oslo ?

Un drame implique deux façons de réagir, deux façons parfois complémentaires, parfois antagonistes : pleurer et réfléchir. On peut pleurer un drame puis vouloir réfléchir sur les circonstances qui l’ont produit, le contexte dans lequel il fut engendré. On peut aussi en être tellement affligé que toutes tentatives de réflexion sur sa nature et ses causes sont perçues comme indécentes sous le prétexte classique que comprendre, c’est en partie justifier. A propos du double attentat à Oslo du 22 juillet 2011, il apparaît que nous soyons dans le deuxième cas de figure. Tous ceux qui voulurent ne serait-ce que tenter d’initier un débat sur les causes réelles de cette tragédie furent tout de suite catalogués comme personnes cherchant à la relativiser, voire à l’instrumentaliser. L’affaire Laurent Ozon, intellectuel aujourd’hui conseiller de Marine le Pen, en est la preuve la plus éclatante : ayant mis sur Twitter que l’une des causes d’une telle barbarie pourrait bien être l’immigration en Norvège multipliée par six en dix ans, une grande partie de la classe politique (à commencer par Marine Le Pen elle-même !) et des journalistes lui sont tombés dessus immédiatement. Ce qui est moins dit, en réalité, c’est que l’incrimination de Laurent Ozon participait d’une interprétation tout aussi subjective de l’événement, celui-ci devait être le fait unique de l’extrême-droite, sans autre raison qu’une haine indue et folle, et quiconque ne pensant pas ainsi, ou du moins pas seulement, devait être classé parmi les complices de la tuerie. Que Laurent Ozon fût du Front National permit aussi largement cette manière de voir, car par ce biais on put voir ce que l’on avait envie de voir : une soi-disant droite extrême qui, essayant d’analyser, ne faisait en fait que légitimer Anders Behring Breivik, c'est-à-dire un de ses enfants. En dépit de cette analyse manichéenne, émotionnelle et tout à fait politique, essayons toutefois de penser quelque peu ce drame.

Premier point : il ne viendrait à l’idée de personne (ou du moins de pas grand monde) de trouver indécent un débat sur la colonisation israélienne après qu’un palestinien se soit fait exploser dans les rues de Tel-Aviv. Au contraire, ce débat paraitrait à la majorité absolument nécessaire. De la même façon, on cherche légitimement à réfléchir sur les conditions de travail en entreprise lorsque plusieurs employés d’une même boîte se suicident. Chaque drame doit donc amener sur la table un débat, une réflexion sur les conditions dans lesquelles celui-ci meurtrit une société. Tenter de comprendre, c’est moins tenter de justifier que de prévenir, afin que justement un tel drame ne se reproduise pas. Dirait-on qu’Hannah Arendt chercha à justifier le totalitarisme lorsqu’elle écrivit le célèbre « Les origines du totalitarisme » ?

Deuxième point d’analyse : Xavier Raufer, célèbre criminologue, explique dans un entretien sur Radio Courtoisie du 26 juillet 2011 (disponible sur internet) que les attentats de ce qu’on appelle les « loups solitaires », c'est-à-dire des crimes perpétrés par des individus seuls, agissant de leur propre chef, s’inscrivent souvent dans le contexte d’une société fermée au débat, hermétique à la parole – l’on pourrait dire, en quelque sorte, hypocrite –, en particulier dans les sociétés bourgeoises et luthériennes. Le cas du criminel Whitman en 1966 au Texas, du Lycée Columbine en 1999 et celui d’Oslo rentreraient dans ce schéma là. Les criminels en viennent à penser, dans leur folie, que le seul moyen de s’exprimer, de faire passer un message, est de le cheviller à un acte extrême et cruel. Qui se serait intéressé au livre de 1500 pages de Breivik sans son acte monstrueux ?

Corolaire de ce deuxième point : si ce que nous dit Raufer est vrai, alors vouloir créer le débat sur le multiculturalisme, l’immigration et l’Islam en Europe, qui sont des réalités indéniables, qu’on le veuille ou non, loin de travailler à l’apparition du tueur d’Oslo, permettrait au contraire de désarmer de tels criminels. Quand des Joffrin ou des Rokaya Diallo nous disent que des intellectuels comme Zemmour ou Finkielkraut, ou des partis politiques comme le Front National, qui posent ces questions dans le débat public, innerveraient d’idées des monstres comme Breivik, ils se tromperaient lourdement : évoquant les problèmes, et ce médiatiquement, ils canaliseraient au contraire les frustrations, et laisseraient entrevoir des solutions pacifiques à ce qu’ils perçoivent comme des problèmes majeurs. Plus une chape de plomb sera mis sur ces difficultés, plus on s’exposera à des explosions meurtrières, à des raptus incontrôlés. Un truisme veut que ce soit le désespoir qui conduise au pire.

Troisième point : d’après les dires du premier ministre norvégien et des commentateurs bien-pensants français, il faudrait aller encore plus loin dans la tolérance et l’ouverture aux autres pour se prémunir contre des actes aussi terribles. Ainsi, leur solution serait de nier encore plus les problèmes qui ont conduit à la tuerie d’Oslo. Les niant, et si ce que nous venons de dire plus haut est vrai, ils feraient l’exact inverse de ce qu’il faudrait faire, et ils prêteraient ainsi le flanc à de nouveaux actes monstrueux et désespérés.

L’attentat d’Oslo résonne en réalité sur les mots mêmes de David Camerone, Angela Merckel et Nicolas Sarkozy, qui déclarèrent cette année que le multiculturalisme avait été un échec en Europe. Pourtant, aucun de ces trois dirigeants en Europe n’est d’extrême-droite, et personne ne pourrait imaginer que Breivik et sa folie meurtrière soit le produit de ces trois personnages. Ils se bornèrent à constater, et la tuerie d’Oslo peut être légitimement appréhendée comme une preuve de ce constat malheureux. De même, il faut savoir que tout changement de société profond, brusque et imposé, amène obligatoirement des situations d’anomies, et en définitive de violence. Quand Laurent Ozon explique sur Twitter que l’immigration en Norvège a été démultipliée ces dernières années, ce qui induit un changement en profondeur de la société norvégienne, il cherche à démontrer cette vérité. Breivik, si fou soit-il, n’en reste pas moins un symptôme, une conséquence tragique, non un mal indépendant de tout le reste, Satan incarné, le mal en soi.

La question est donc : les mobiles de Breivik sont ils réels ou sont ils complètement fantasmés ? Il ne s’agit pas là de justifier son acte, il faut le dissocier au contraire des causes, car ce ne serait pas la première fois qu’une cause juste et légitime s’exprimât de façon indigne et monstrueuse : les attentats ignobles commis parfois par des écologistes extrémistes signifieraient-ils que l’écologie n’est pas un problème majeure de notre temps ? Evidemment non. Y a-t-il donc un problème, aujourd’hui, d’immigration, de multiculturalisme et d’Islam en Europe ? Si oui, alors, qu’on le veuille ou non, un débat sur ces questions est absolument nécessaire, et c’est, qu’on le veuille ou non encore une fois, Laurent Ozon qui a raison contre tous ceux qui ne veulent que pleurer ou voir un ventre encore fécond d’une bête immonde qui arrange beaucoup de monde.



8 réactions


  • jaja jaja 3 août 2011 10:22

    L’auteur devrait aller aller au procès de l’assassin y plaider sa cause...

    "Il ne s’agit pas là de justifier son acte, il faut le dissocier au contraire des causes, car ce ne serait pas la première fois qu’une cause juste et légitime s’exprimât de façon indigne et monstrueuse :"

    Les causes de cet acte criminel sont le racisme et l’islamophobie distillés par l’extrême droite sur des esprits malades. Le but étant de diviser la classe des opprimés suivant des critères ethniques et religieux au plus grand profit de l’oligarchie capitaliste.

    Ces gens deviennent de plus en plus violents et menaçants mais lorsqu’ils auront franchi un certain seuil en s’auto-intoxiquant sur leur popularité supposée ils risquent d’être fort surpris par les réactions massives de gens hostiles à leur monde de haine.


    • xray 3 août 2011 23:07


      La NORVÈGE 

      La tuerie du 22 juillet 2011,
      Il est peut probable qu’une telle action soit l’œuvre d’une personne isolée. 
      Dans le passé, on a souvent prêté ces actes à un illuminé de passage. Cela n’a jamais été vrai ! Derrière,  il y a toujours de la manipulation,  une fourniture d’armes, des spécialistes, un suivi.

      Contrairement à ce que l’on nous fait croire,  dans ce pays riche, la Norvège, tout n’est pas rose. Loin s’en faut. 
      Le gouvernement gaspille beaucoup d’argent sur les marchés financiers (encore eux). 

      De plus, la richesse de ce pays réfractaire à l’euro est convoitée par l’Europe des curés. 


      Cette affaire pue la manipulation. 
      Anders Behring Breivik est étiqueté « extrême droite », mais il n’appartenait plus à aucun mouvement de droite. Il était donc manipulable par n’importe qui. 
      Derrière tout cela, l’armée n’est pas loin. 

      Les Norvégiens vont devoir s’aligner sur l’heure européenne. 
      Au menu, misère pour tout le monde. Dans cette Europe des curés, seuls les voleurs auront le droit d’être riches. 

      Le 9/11 
      Une opération menée par l’armée américaine. 
      http://mondehypocrite501.hautetfort.com/ 

      Une maison a t-elle un devoir de mémoire ? 
      http://mondehypocrite.midiblogs.com/archive/2009/06/21/une-maison-a-t-elle-un-devoir-de-memoire.html 


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  • LeGus LeGus 3 août 2011 10:55

    Article ridicule !

    Ses motivations on les connait par son manifeste de 1500 pages, c’est le délire néo-con du chocs des civilisation et de l’eurabia.

    -Comprendre les motivations d’ABB, c’est lire son manifeste.
    -Relativiser c’est de dire comme vous le faites que ses motifs pourraient être légitimes.

    Votre article revient à rejeter la faute sur les victimes.


  • Iren-Nao 3 août 2011 11:05

    Il n’est pas d’effet qui n’aient des causes a leur origine.

    Se contenter de dire que l’assasin est siphone, meme si il en a manifestement un tour n’explique en rien son geste.

    J’ai vecu quelques annees la bas au debut des annees 80, pas une maison qui n’ait le drapeau national flottant dans le jardin, et le rappel incessant des glorieux temps Viking.

    Il est difficile de croire que ces gens la dont la flexibilite mentale n’etait pas la caracteristique principale soient devenus des adeptes convaincus du multiculturalisme, deja ils tenaient les lapons pour des Bougnoules.

    Donc Breimachin ne tombe pas du ciel et je doute que cette malheureuse histoire n’ait pas de suites profondes.

    Et comme JMLP on peut s’etonner a juste titre que les autorites Viking n’aient pas vu venir le probleme, tout comme une bonne majorite d’abrutis Francais.

    L’incompetence de leur police signe leur angelisme coupable et cet angelisme est ausssi coupable du nombre de victimes.

    Un peu de lucidite ferait du bien a certains.

    Iren-Nao

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  • Scual 3 août 2011 13:23

    Les motifs sont-ils réels ou fantasmés ?

    La question c’est si les motifs sont valables et justes ou s’ils émanent d’un délire meurtrier anti-social. De toute façon je signale à l’auteur qu’on ne peut pas dissocier le motif de l’acte.

    Par exemple, imaginons quelqu’un qui n’aime pas les écoles parce que y en a marre, les enfants gueulent et crient dans la cour le matin alors qu’il a travaillé toute la nuit et veut dormir le matin. Il a raison, c’est un vrai motif et un vrai problème de son point de vue. Mais s’il tue tout les gosses après avoir aussi posé une bombe dans le lycée d’à coté... c’est le même motif, mais même s’il est vrai, il n’est plus du tout valable par rapport à l’acte.

    Le pire c’est que même si on peut comprendre son point de vue personnel, les écoles et les enfants qui jouent ça reste bien globalement en vérité.

    Bien sur le cas Breivik, c’est avant tout de la folie égoïste et égocentrique ulltra-individualiste, qui transforme le point de vue personnel en réalité objective nationale ou mondiale, dans un pure délire mégalomane. « Je pense que l’immigration est un danger, je tue tout ceux qui sont pas d’accord pour sauver l’humanité »... Il aurait pu faire ce que j’ai dis dans les écoles, ou contre les femmes, les flics, les supporters de foot ou peu importe, c’est la même chose. Mais la question n’est pas là. Évidement qu’il est fou.

    J’ai l’impression que l’auteur veut faire croire que la question est, « y a t-il de l’immigration ou pas ? » et sous-entendu c’est forcément un problème. En réalité la question est « l’immigration est elle un problème ou pas et à quel point ? ». Et là je vous assure que le point de vue est loin d’être si évident que l’auteur semble le croire.

    Moi je vois pas trop de problème avec l’immigration. Y a bien un problème d’État stupide ne sachant pas comment la gérer et l’intégrer, qui en plus la stigmatise et rend les choses bien plus difficiles surtout dans un contexte économique morose... mais tout ça c’est des questions de politique, l’immigration en elle-même reste quelque chose de plutôt positif tant que le rythme n’est pas trop élevé.

    Bref à force de penser que son point de vue est LA vérité on peut s’enfermer dans un délire qui est loin d’être LA vérité. L’immigration n’est un problème que pour ceux qui ont un problème avec l’immigration. Simple question de point de vue et généralement d’expérience personnelle.

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  • storm storm 3 août 2011 21:37

    salut,

    la culture, « la tradition », vit au travers des géénrations, si une génération lui tourne le dos, elle disparaitra

    je vois très peu d’européens pencher vers l’islam, par contre, une acculturation l’acculturation qu’on on la vit depuis 30 ans, c’est coca-cola, madonna (lady gaga maintenant), hollywood, la manière de s’habiller, de manger...


    • storm storm 3 août 2011 21:38

      salut,

      la culture, « la tradition », vit au travers des générations, si l’une d’elles lui tourne le dos, elle disparaitra

      je vois très peu d’européens pencher vers l’islam, par contre, une acculturation qu’on on vit depuis 30 ans, c’est coca-cola, madonna (lady gaga maintenant), hollywood, la manière de s’habiller, de manger...


  • furio furio 4 août 2011 07:48

    On est mal au front national ! Ben oui voila à quoi aboutissent votre propagande de haine de l’autre !! Ah ! vous saviez pas !


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