mercredi 28 septembre 2011 - par Paul Villach

Pisser coûte cher dans Venise !

 « Aes non olet  » - L’argent n’a pas d’odeur – aurait répondu l’empereur romain Vespasien (69 - 79) à ceux qui contestaient sa taxe instituée sur l’urine collectée par les foulons pour le traitement de la laine.

1,50 Euros l’entrée des toilettes

On y pensait cet été à Venise quand on a vu le prix à acquitter dans les diverses toilettes publiques de la ville : le droit de verser un pleur ou davantage se montait à 1 Euro 50 ! Comment faire autrement quand le besoin se fait pressant et qu’on se promène dans Venise du matin au soir ? Or, si on compte deux visites aux WC en cours de journée, au minimum, cela commence à faire cher. En famille avec enfants, c’est un « budget toilettes » qu’il faut prévoir.

Il ne s’agit pas de contester une contribution légitime pour le service rendu. Une ville comme Venise ne peut se permettre de faire de ses ruelles étroites et impasses des latrines à ciel ouvert. L’hygiène minimale commande de canaliser le flot d’égout qu’alimentent quotidiennement les touristes par dizaines de milliers. Des lieux d’aisance propres et parfumés demandent à être entretenus plusieurs fois par jour : le travail des « dames ou sieurs pipi » mérite salaire.

Un cercle vicieux coûteux : boire et éliminer

Mais le prix d’1 Euro 50 la visite ne tend-il pas à être dissuasif, pour peu qu’on se laisse emporter par le cercle vicieux dans lequel la publicité d’une eau minérale française tente d’enfermer ses clients ? « Buvez et éliminez !  », dit son slogan. Dans la chaleur de l’été, on est vite assoiffé à déambuler dans les rues de Venise et les terrasses des cafés sont tentantes, en dehors, bien sûr, de la piazza San Marco et de ses cafés aristocratiques, comme le Florian, le Quadri ou le Lavena, car s’y asseoir seulement à une table est facturé avant même d’avoir consommé quoi que ce soit.

Ailleurs, le prix d’une bière « média » (40 cl) oscillait selon les lieux, les quais et le décor, entre 6 et 8 euros et pouvait atteindre parfois 10 euros. À comparer avec les 3 euros 50 le verre de 50 cl à Vienne en Autriche ! On a même trouvé un café sur un quai le long du Canal Grande, en amont du Pont du Rialto à proximité de la Pescheria, où le prix variait selon le carton disponible sur la table et le livret du menu : le premier affichait 6 euros, le second 6,50. On a pris un malin plaisir à y revenir pour la seule jouissance de contredire le serveur qui exigeait dans un premier temps 6,50 euros et finissait par accepter les 6 Euros quand on lui mettait le menu sous le nez.

Toujours est-il que même à ce prix, il est difficile, quand on transpire, de ne pas aspirer à goûter plusieurs fois la première gorgée de bière fraîche qui seule compte, selon Philppe Delerm (1). Et ce faisant, on met le doigt dans un fol engrenage : plus on boit, plus le besoin pressant d’éliminer se fait sentir. Sans doute, objectera-ton, les cafés offrent-ils à leurs clients les toilettes qui conviennent. Malheureusement, les besoins de boire et d’éliminer ne sont pas synchrones. Il s’écoule un laps de temps avant que le second ne se signale et on a alors, depuis belle lurette, quitté le café où l’on a fait plein. Pas moyen d’échapper aux toilettes publiques qui, ces dernières années, se sont multipliées dans Venise ! Encore faut-il avoir en tête leur localisation, des Giardini Reali, près de la Piazetta, au Campo San Bartolomeo, près du Rialto. À 1 Euro 50 de la partie, ça finit par coûter cher de pisser tout son soûl ! 

Les cartes de courts torrents asséchés ou humides

Certains y regarderaient-ils d’ailleurs à deux fois ? Il a semblé qu’ à l’écart des grands axes où s’écoulent les flux massifs de touristes entre la gare ferroviaire de Santa Lucia et la Piazza San Marco sur les deux rives du canal Grande, des ruelles étroites et ombreuses fleuraient désagréablement une âcre odeur d’urine. Et de fait, pieds de mur et dalles gardaient trace de cartes géographiques laissées par de courts écoulements torrentiels, tantôt asséchés, tantôt encore humides. 1,50 euros, avaient dû se dire ceux qui étaient venus se soulager à l'abri des regards, c’est toujours ça de gagné ! Et quatre fois dans la journée, c’est le prix d’un verre de bière « média » !

 

Heureusement à Venise, un orage en été a vite fait de lessiver les rues tant, en quelques minutes, sur la ville et ses canaux, ce sont des hallebardes qui s’écrasent . Paul Villach

(1) Philippe Delerm, « La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules  », Gallimard, collection l'Arpenteur, 1997



11 réactions


  • ZEN ZEN 28 septembre 2011 11:14

    Voir Venise et mourir...d’un blocage urinaire
     smiley


  • Le Yeti Le Yeti 28 septembre 2011 11:18

    Oui ben autrefois tout le monde faisait pipi dans le caniveau et t’as vu l’état de leurs rues maintenant !?
     smiley


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 28 septembre 2011 13:03

    Au prix où ils vendent une bière, je crois qu’on peut emporter le verre pour pisser dedans, non ? 


  • Patrick Lefèvre 28 septembre 2011 15:43

    Comme en France même si le tarif est moindre

    Service public par excellence et donc normalement gratuit : encore bien présent dans les villages mais par contre à rechercher maintenant dans les villes ou dans les gares par exemple 

    Manifestement, il n’y a pas de petit profit pour financer bien d’autres choses dont l’utilité publique est plus contestable (et/ou accorder des subsides aux copains) 


  • dup 28 septembre 2011 19:11

    j’appelle ça le cycle Parisien. Dans la capitale il y a plus d’endroit pour pisser gratuit . du coup une biere coute presque moins. Alors de café en café on doit prendre une bière ,c’est froid et coûte pas cher. Du coup l’envie prend quelques 100 m plus loin . Re café et ainsi de suite. Autrefois ces comodités étaient gratuites. il parait que c’est le progrès


  • LE CHAT LE CHAT 28 septembre 2011 21:34

    Trouver un endroit pour pisser peinard est encore plus difficile à Londres , avec en plus les pubs qui ouvrent seulement à des horaires restreints , on a le temps d’entendre les clapotis dans les oreilles et d’avoir les dents du fond qui baignent ............


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 28 septembre 2011 23:56

    La solution : la sonde urinaire et une poche en plastique que l’on peut vider discrètement. Dans la société de fous où l’on vit, on peut imaginer qu’une police spéciale serait affectée à la poursuite des videurs de sonde, assistée par une surveillance satellitaire à infra-rouge. Il y aurait aussi des radars anti-pisseurs. Tout ça pour punir et faire cracher au bassinet ceux qui ne voudraient pas pisser dans l’urinoir vendu par des groupes genre Vinci (les racketteurs du parking). L’important serait de culpabiliser l’enfant très tôt : « espèce de salaud de pirate-pisseur, on t’a pris la main dans le sac en train de faire contre un arbre sans payer ! » En punition, les pirates-pisseurs verraient leurs toilettes bouchées à leur domicile pendant 30 jours. On pourrait aussi leur faire porter un écusson d’indignité bien visible avec une goutte jaune. 


  • francesca2 francesca2 29 septembre 2011 02:17

    Pecunia non olet...


  • Bobby Bobby 29 septembre 2011 08:26

    y pas, le scatologique rapporte !


  • docdory docdory 29 septembre 2011 10:07

    Cher Paul Villach

    Je crains fort que la dîme prélevée par le « bon » maire de Paris Bertrand Delanoë sur ses concitoyens pisseurs soit encore plus élevée que celle exigée par son homologue de Venise .
    Les dernières fois que je suis monté à Paris, le tarif était de deux euros !
    En outre, certains bistrotiers parisiens ont le toupet de mettre des portes à leurs toilettes qui ne s’ouvrent qu’en insérant une pièce de cinquante centimes dans un ouvre-porte payant !

    J’ai calculé que , si vingt personnes à l’heure allaient dans ces sanisettes parisiennes à deux euros, cela fait un chiffre d’affaire de 960 euros par jour, soit 350400 euros par an et par sanisette !!! Ceci doit représenter au moins dix fois le prix d’achat de la sanisette ...
    Est-ce en taxant ainsi les mictions que le « bon » maire de Paris finance « sa » mosquée à 28 millions d’euros payée sur fonds publics ?


  • french_car 12 octobre 2011 15:36

    Je retombe par hasard sur l’article de Villach et il est vrai que j’ai constaté cet été que boire un café pour aller pisser à Venise remboursait largement le café !
    Par contre Toctocdory ne doit pas souvent « monter à Paris » car les sanisettes sont gratuites depuis février 2006 c’est a dire un peu plus de 5 ans.
    Et la décision découle de la même analyse : si l’on veut éviter que ça pue à tous les coins de rue il faut que les messieurs puissent se soulager gratuitement.


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