Pour une grande lessive d’été

C’est consommé, la France est éliminée. Je ne voulais pas publier ce billet avant la déconfiture finale pour ne pas tomber dans une sorte de patriotisme à rebours aussi suspect que l’autre. Pour ma part, après la pitoyable et grotesque fin de semaine que l’équipe de France nous avait fait vivre, j’aurais souhaité qu’on lui fît déclarer forfait et qu’elle soit ramenée dare-dare au pays. Ce n’est évidemment pas ce qui a été décidé même si la suppression de toute prime a été décrétée. C’est la moindre des choses.
La litanie de ce qui sur le plan sportif a été déficient est interminable.
L’entraîneur, la préparation, l’hôtel inutilement somptueux, Rama Yade s’avançant puis, comme d’habitude, se rétractant, la qualité du jeu, les prestations lamentables de Govou et d’Anelka, la honteuse attitude du caïd Ribéry dont les larmes ne m’ont pas touché et dont je pensais à tort que la passion du football l’emporterait chez lui sur tout le reste. L’exil du trop bien élevé, trop beau, trop médiatique, trop gentil Gourcuff, l’intervention de Zidane se mêlant par ricochet de ce qui ne le regarde plus, le piétinement obstiné de Domenech dans une voie sans issue, des vestiaires en proie à la fureur et à la grossièreté, Anelka dans son coin proférant pour son entraîneur qu’il aille "niquer sa mère" à la mi-temps de France-Mexique et ce dernier excusant le joueur et évoquant un affrontement normal. La misérable conférence de presse de Patrick Evra obsédé par "le traître" plus que par le véritable scandale de l’insulte heureusement rapportée, même déformée, par l’Equipe. Des joueurs signant une motion plus ridicule qu’audacieuse lue par Domenech à la fois traîné dans la boue, impuissant et victime complaisante, pour protester contre l’exclusion d’Anelka et se solidarisant avec lui en ne s’entraînant pas. Le préparateur physique en venant aux mains pratiquement avec le capitaine de l’équipe. Une Fédération prenant acte, consternée, de cette fronde. Roselyne Bachelot s’acharnant à soutenir ce qui aurait mérité un traitement politique plus rude. La démission, tout de même, d’un homme écoeuré par ces péripéties vaudevillesques et indignes. Domenech changeant à nouveau de position pour expliquer qu’il pensait le contraire de ce qu’il avait affiché et dit. Les atermoiements et lâchetés de la plupart de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, auraient pu dire un mot, arrêter le massacre et ne pas laisser cette équipe enfoncer, avec elle, notre pays dans l’opprobre et la risée internationale (Le Monde, Le Parisien, Le Figaro, le Journal du Dimanche, L’Equipe, nouvelobs.com).
Il y a eu tout de même le match France-Afrique du Sud, une nouvelle défaite mais on aura tout de même marqué un but en trois matches.
Sans surestimer ma lucidité, je n’ai jamais porté aux nues la plupart de ces joueurs dont l’autarcie, l’absence de classe personnelle, le défaut d’enthousiasme, le visage blasé, la frénésie somptuaire, la faible exemplarité interdisaient à l’admiration et à la fraternité de s’exprimer. J’avoue cependant que je suis déçu de n’avoir pas entendu de voix dissidentes au cours de toutes ces séquences, notamment l’obscène protestation collective. Celles d’un Gourcuff, d’un Toulalan, d’un LLoris, notamment. Le naufrage a été complet. Il n’a permis à personne de tirer son honneur du jeu. Dans les commentaires, il y en a eu qui, pour se distinguer de la réprobation générale, sont tombés dans l’inepte. Je songe à Julien Dray qui n’en finit pas de chercher sur tout une opinion originale et qui se trompe dans le même mouvement, ou à Djamel Debbouze qui "aime cette équipe de France". En revanche, il faut bien rendre hommage à certains anciens comme Lizarazu, Petit et Dugarry qui, depuis longtemps, ont proclamé haut et fort ce dont nous sommes les témoins aujourd’hui. On ne les a pas écoutés parce qu’on a les a crus seulement jaloux alors qu’ils étaient surtout lucides. En revanche, si je partage la dénonciation vigoureuse de cette équipe de France faite par Alain Finkielkraut (France Inter) ou Jacques Attali, je récuse le terme de "petites frappes" et de voyous employé par le premier. Il me semble que c’est une solution de facilité que d’assimiler ces onze joueurs aux "sopranos" alors que je les perçois plutôt, dans leur absurdité sportive et moutonnière, comme des personnalités dépassées par le processus de désordre et d’incohérence qu’elles ont mis en oeuvre et qu’aucune autorité ni compétence n’a eu le courage d’arrêter net.
Crier haro sur les seuls footballeurs serait une grave erreur. Laurent Blanc saura discriminer entre les caractériels, les meilleurs abusés et les apathiques. La récréation va se terminer. Quant à Domenech, on sait depuis longtemps, au moins depuis l’Euro 2008, qu’il n’était ni l’homme ni l’entraîneur de la situation. Cependant, à partir du moment où des incompétents, des lâches ou des tacticiens au petit pied, une bureaucratie irresponsable n’ont pas cessé de lui maintenir leur confiance, ce n’était tout de même pas à lui de s’examiner et de se déclarer mauvais au point de rendre d’initiative son tablier. Il aurait fallu une force de caractère exceptionnelle pour tirer les conséquences, à titre personnel, des échecs et de la grisaille du jeu. Aimé Jacquet, qui a longtemps soutenu Domenech et qui se défausse aujourd’hui, a fait beaucoup de mal. Comme l’équipe de France jouait médiocrement sous son égide mais qu’elle a gagné la Coupe du monde tout de même, Domenech a sans doute espéré que les choses se reproduiraient mécaniquement. Hélas, cette fois-ci, L’Equipe a eu raison !
On voit où je veux en venir. De même que, pour Outreau, la responsabilité de Burgaud engagé dans l’action aurait mérité d’être appréciée moins rigoureusement que celle des instances de contrôle qui ont failli, les véritables coupables sont ceux, personnalités devenues médiatiques et structures collectives comme le Conseil Fédéral, la DTN, la Ligue et tous les parasites accrochés à ces bureaucraties, qui ont choisi puis maintenu Domenech en place. Domenech qui, ensuite, a erré en composant une équipe de France au gré de ses humeurs et contre l’avis même des joueurs les plus avisés. Dominé par l’équipe, il l’a pourtant composée. Les Escalettes, Le Graët, Houllier et autres, le Conseil fédéral qui à une exception près a voté en 2008 la reconduction de Domenech, les inconscients qui ont voulu jouer au plus fin en favorisant une politique du pire, les incapables qui n’ont pas encore démissionné collectivement, ces cliques qui viennent se greffer sur le sport comme des verrues sur un visage - il faut tous les renvoyer, il faut tous les sortir du jeu ! Je ne doute pas que Canal Plus saura, comme pour Houllier, trouver un point de chute à ces inutiles n’ayant même pas trouvé le moyen de voir clair et d’agir juste. Mais ils se contenteront de commenter : ce sera une inutilité moins dangereuse !
Une grande lessive est nécessaire. Pour une fois, les lampistes sont déjà accablés. Le pouvoir du foot a totalement fait fiasco. Le pouvoir sur le foot a viré au désastre. Ce qui hier était passion, salut, lien est devenu prébende, rente et déchirure, envie. Ce serait une originalité d’incriminer, dans notre pays, enfin les vrais, les seuls responsables. Je ne crois pas qu’on parle trop de cette France sportive chassée de la Coupe du monde. Je relierais volontiers ces secousses de toute nature, en Afrique du Sud ou dans l’intimité trouble de la famille Bettencourt, en les considérant comme les symptômes d’un pays agité, sorti de ses gonds et impossible à remettre droit.
La France a été ternie, déclare Roselyne Bachelot qui est enfin sortie de la solidarité sacrificielle pour en arriver à l’essentiel. Alors, une grande lessive d’été !
PS je viens d’apprendre que Lloris, Sagna et Gourcuff, s’opposant dans le car au boycottage de l’entraînement, ont dû "s’écraser", le trio de caïds Abidal, Ribéry et Evra menaçant de leur "casser la gueule" (nouvelobs.com).Un peu de baume !