samedi 8 janvier 2011 - par
PPDA blanchi par son « nègre » ? L’interview qui tue !
Il paraît qu’on vit une époque de transparence. La simple affaire du plagiat de PPDA, biographe d’Hemingway, tendrait à prouver le contraire. Un écran opaque de leurres grossiers est dressé pour tenter de discréditer la représentation de la réalité la plus fidèle, extorquée de l’examen rationnel du pluralisme d’indices réunis.
L’analyse des trois premiers exemples publiés par Jérôme Dupuis dans L’Express à l’appui de sa dénonciation de plagiat, ne souffre pas la moindre contestation (1). On l’a soi-même montré sur AgoraVox : elle révèle que le texte de PPDA est une copie conforme du texte original de Peter Griffin, le biographe d’Hemingway, et que les différences observées ne sont que des leurres cousus de fil blanc qui masquent moins la copie qu’ils ne trahissent les efforts laborieux pour tenter de la dissimuler : changement de temps, usage de synonymes, inversions de mots et de groupes syntaxiques, ajouts redondants et omissions bénignes. (2)
L’information donnée peu crédible livrée par la défense
Contre cette évidence, éditeur, « auteur » et « nègre » dressent la même ligne de défense et dans les mêmes termes. Ils se copient mutuellement ! On reconnaît une information donnée calibrée, soigneusement passée au crible de leur autocensure. Les communicants, toujours prêts à multiplier les catégories sans nécessité, en violation du principe de Guillaume d’Occam, pour jeter la confusion, appellent cette information donnée, soigneusement configurée, des « éléments de langage ». Ainsi l’éditeur Arthaud, PPDA et son « nègre », Bernard Marck, parlent-ils en chœur de « précipitation », d’une inversion de versions et de « couac dans la relecture ». C’est, à vrai dire, le seul argument qu’ils pouvaient avancer !
Il est toutefois peu crédible pour deux raisons :
1- La première est qu’obligé de choisir entre deux maux, le soupçon de manque de professionnalisme et celui de malhonnêteté, l’éditeur choisit évidemment le moindre : nul être sain ne livre l’information susceptible de lui nuire le plus. Et tant pis si PPDA apparaît aussi peu attentif à « son œuvre » ! Il n’aurait même pas pris le temps de la relire avant de s’empresser de la dédicacer aux journalistes destinataires d’un plan-médias sur mesure.
2- La deuxième raison est que, si « la version de travail » alléguée montre effectivement un travail, c’est celui de la dissimulation par des leurres grossiers de la copie éhontée du travail d’autrui. Est-ce composer une biographie que de piller celle d’autrui en tentant d'en dissimuler les preuves ?
L’interview du « nègre » qui tue
Interrogé, le 7 janvier 2011 par Le Parisien/Aujourd’hui, sur les exemples qu’a publiés Jérôme Dupuis, le « collaborateur » de PPDA, Bernard Marck fait lui-même , malgré lui, voler en éclats cette ligne de défense de fortune. C’est l’interview qui tue.
1- La stratégie du secret
Il avoue qu’une stratégie de secret absolu a été adoptée par l’éditeur Arthaud et PPDA : « J'ai donné ma parole, dit-il pour se justifier, je ne peux pas répondre directement. Patrick est profondément affecté, il s'impose le silence, et moi, on me l'impose » ! Tout est dit ! L’information qui leur est nuisible, est légitimement refusée par les intéressés. Mais le secret gardé ne leur est-il pas aussi dommageable en confirmant implicitement le soupçon de plagiat ? À croire qu'ils n'ont le choix qu'entre confirmation explicite ou confirmation implicite !
2- Les autres arguments de B. Marck ou renforcent aussi ce soupçon implicitement ou livrent un leurre de diversion lui-même suspect.
- Le rôle de « nègre » et ses méthodes de copie
Au sujet de son rôle dans « la rédaction » de cet ouvrage, B. Marck nie farouchement être « nègre » : « En tout cas, corrige-t-il, je ne le conçois pas comme ça ». Or, on peut très bien ne pas vouloir être ce qu’autrui dénonce ce que l’on est, et l’être tout de même. Qu’est-ce qu’un « nègre » dans l’édition ? « Quelqu’un qui aide celui qui n’a pas grand chose à dire et qui ne sait pas comment le dire », explique en substance avec humour ce « nègre » qui vit si mal sa condition dans l’excellent film de Laurent Tirard, « Trahisons et mensonges et plus si affinités » (2004) ?
- B. Marck ne nie pas en tout cas avoir pris part à la rédaction de cet « ouvrage », comme tout « nègre », même quand il veut en attribuer le mérite à PPDA : « (Il) a fait le gros du travail, soutient-il sans rire, (il) s'est beaucoup investi sur le livre ». N’en déduit-on pas que lui, le « nègre », a fait le reste ? Mais peut-il inverser les rôles sans rompre sans doute les termes au moins tacites de son contrat ? Nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire. Même s’il l’a effectuée, il ne peut donc revendiquer la majeure partie du travail d’un livre qui sera signé par un autre dont la notoriété, fût-elle usurpée, garantit un minimum de ventes.
- B. Marck révèle même ses méthodes de travail contestables en croyant minimiser l’erreur commise par l'éditeur entre version inachevée et version définitive.« Quand vous écrivez une biographie, avoue-t-il, vous cherchez les proches, mais vous partez aussi de ce qui existe. En écrivant une bio de Guynemer, je m'étais rendu compte à la relecture que mon travail était un pur recopiage d'un livre de Jules Roy, que j'avais utilisé. »
Par quelle opération du Saint Esprit, - Grands Dieux ! - un auteur peut-il retrouver dans son texte des passages entiers d’un autre auteur ? B. Marck donne sa recette : il réécrit à sa façon une biographie déjà publiée : « Pour Hemingway, explique-t-il, la bio de Griffin, je l'ai chez moi. Je l'ai même utilisée pour mon livre sur Lindbergh. Elle est riche mais manque de nerf dans l'écriture, alors que la jeunesse de Hemingway est nerveuse. Griffin, c'est trop linéaire. Il ne s'agit pas de recopier mais d'apporter un autre ton, d'autres infos. » Il suffit de se reporter aux trois exemples publiés par J. Dupuis, pour savoir ce que B. Marck entend par « apporter un autre ton » ! C’est accablant !
- Un leurre de diversion : le leurre d’appel humanitaire
Enfin B. Marck tente une sortie de la nasse où il est enfermé avec ses compères, par un leurre de diversion suspect. Il cherche, à l’aide d’ un leurre d’appel humanitaire, à déclencher un réflexe de compassion envers PPDA. Il a le culot d'inverser à cette fin la distribution manichéenne des rôles : bien que soupçonné de plagiat, PPDA est présenté comme la victime qui mérite la compassion ; il est, dit-il, « profondément affecté » par l’affaire. Dans le camp d'en face, les bourreaux, ce sont « des gens (qui) lui en veulent. Il y a un règlement de comptes dans cette histoire, »accuse-t-il sans preuve ! Ou comment transformer un suspect en innocent et des innocents en coupables ?
À vouloir blanchir à tout prix PPDA, son « nègre » démolit en fait à lui seul la fragile défense élevée par l’éditeur et répétée en boucle par chacun. L’aveu du secret exigé de lui, l'explication de ses méthodes de travail qui incluent sans vergogne la copie du texte d’autrui, et un leurre de diversion ne font qu’accroître le soupçon qu’il prétend combattre. Albert Camus disait qu’on vaut souvent ce que valent les procédés qu’on emploie. Au lecteur de juger des leurres grossiers utilisés par l’éditeur Arthaud, filiale de Flammarion, PPDA et son « nègre », et de la confiance que ces derniers méritent qu’on leur accorde. Paul Villach
(1) Jérôme Dupuis, « Trois exemples du plagiat de PPDA », L’Express, 4 janvier 2011.
(2) Paul Villach, « PPDA et son Hemingway : le dur métier de plagiaire-maquilleur », AgoraVox, 6 janvier 2011.