vendredi 25 mai 2012 - par Mmarvinbear

Préparation H ( 2/3 )

L’amour est un sentiment assez ambivalent. Tout le monde le recherche et une fois trouvé, tout le monde souhaite à ses enfants de connaître le même bonheur.

Pourtant, une fois ce jour arrivé, il se produit parfois un phénomène étrange. La tension s’installe rapidement dans le groupe. La stupeur fait place au désarroi, à la colère, au mépris. Parfois, la violence s’installe. Verbale d’abord. Physique parfois.

Puis une fois que la tension s’apaise, vient le temps des reproches mutuels. Mais qui que soit le coupable potentiel, les deux parents sont d’accord sur l’essentiel.

Mais qu’est-ce qu’il lui a pris, à leur enfant, de tomber amoureux d’une personne de son propre genre ?

L’urbanisation massive de la côte Est des USA après la seconde guerre mondiale a permis l’émergence de quartiers peuplés d’homosexuels. La chose n’est pas étonnante aux USA ou les immigrants avaient l’habitude de passer les premières années entre eux dans des quartiers spécifiques : Little Italy, Spanish Harlem et Chinatown ne sont pas des légendes cinématographiques. Aussi les homosexuels avaient-ils pris l’habitude de se retrouver sur Christopher Street, à New York, et de sortir le soir dans de rares bars qui acceptaient de leur servir de l’alcool, chose qui leur était interdite de consommer à cette époque.

Le « Stonewall » n’avait rien de ragoutant. C’était un petit bar miteux, tenu par un mafieux notoire. Pour rester ouvert malgré son absence de licence, le gérant n’oubliait pas d’arroser le poste de police local, au vu et au su de tout le monde. Le bar faisait l’objet de descentes de police, mais de façon assez codifiée : la descente avait lieu tôt en début de soirée, les clients étaient invités par le patron à aller faire un tour un moment afin qu’ils puissent revenir ensuite. Mais le 28 juin 1969, une descente eu lieu à 1 h 30 du matin, sans qu’elle ne soit annoncée. Volonté de marquer les esprits ? Zèle trop poussé histoire de faire du chiffre ? Nul ne le sait. Toujours est-il que les policiers choisirent mal leur moment. Ce jour, les funérailles de Judy Garland avaient été célébrées. L’ancienne actrice avait toujours été considérée comme étant une icone gay avant l’heure et sa disparition avait été vivement ressentie. Autant dire que l’ambiance dans le bar n’était pas au beau fixe, et tendait plus vers l’orage.

Personne n’est en mesure de savoir comment tout a commencé car les versions divergent entre toutes. La seule certitude, c’est qu’une canette de bière fut lancée au visage d’un des policiers qui gardaient l’extérieur du bar pendant que leurs collègues relevaient les identités de ceux qui osaient violer la loi en portant des vêtements dévolus à l’autre sexe.
 
Ce geste fut plus tard interprété comme étant l’expression de la frustration et de la rancoeur qui rongeaient la population en butte aux vexations policières. Les jeunes noirs et maghrébins contrôlés vingt fois par jour parfois par les mêmes policiers connaissent désormais eux aussi ce petit bonheur...

La couverture médiatique apportée à l'événement aboutit à deux résultats : d'une part les médias ont compris que désormais les homosexuels allaient désormais répliquer. D'autre part, ils allaient s'affirmer aux yeux du monde.


La clientèle, ce jour, se révolta donc. En infériorité numérique, les policiers se réfugièrent dans le bar qu’ils visitaient avec arrogance depuis des années. Les renforts affluèrent de toutes part, policiers en plus contre manifestants plus nombreux. Malgré les dégâts causés, il n’y eu que quelques blessés légers. La population du quartier manifesta et protesta cinq jours durant. La presse s’en donna à coeur joie mais cela eu pour conséquence de populariser et de médiatiser l’événement. Cependant, devant la grande prudence médiatique de nombreuses associations homophiles qui craignaient que l’événement ne porte atteinte à leur image, les participants et leurs supporters fondèrent leur propre mouvement.

L’année suivante, grâce à un procès gagné deux heures avant l’heure prévue pour le départ du défilé, le Front de Libération Gay, fondé à la suite de la rixe, effectua le dernier week-end de Juin la première marche commémorative de l’émeute.

L’année suivante, la marche fut à nouveau organisée, et eu lieu également à Los Angeles et Chicago. Avec un public et des participants plus nombreux. L’année d’après, Dallas, Boston, Paris, Berlin et Stockholm rejoignirent les rangs.

Depuis, les week-end du mois de Juin sont consacrés aux défilés commémoratifs de l’événement, même si les basses et les mesures binaire de la techno ont remplacé les « we’re here, we’re queer, gets used to it ! » ( Nous sommes là, nous sommes pédés, il faudra vous y faire désormais !) des premières années. Il est amusant de noter que le bar en lui-même ferma définitivement ses portes dans les semaines qui suivirent l’émeute. L’immeuble existe toujours aujourd’hui, il a été déclaré Monument Historique en 1999.

Les déclarations en faveur du mouvement se multiplient alors. L’ Etat du Québec, au Canada, interdit la discrimination légale dans les lois votées par le parlement local en 1977, mesure portée au niveau fédéral en 1995. Et avec le temps, les législations restrictives occidentales se voient amoindries, puis supprimées.

Le Danemark devient, en 1989, le premier Etat à reconnaitre les unions civiles entre homosexuels. Après quelques péripéties parlementaires, la France créé le PACS dix ans après.

En 1990, l’ OMS retire l’homosexualité de la liste des affections mentales pouvant frapper les humains : de fait, aucun travail scientifique n’avait jamais justifié cette inscription, réalisée uniquement sur des a priori.

Le paragraphe 175 du code pénal allemand, qui portait la majorité sexuelle des jeunes homos à 18 ans au lieu de 15 pour les hétéros, est abrogé en 1994, bien que dans les faits cet article n’ai plus été utilisé depuis des années.

Le raz-de-marée institutionnel en faveur, dans un premier temps, de la dépénalisation, puis de la reconnaissance de l’ homosexuel en tant que couple reconnu, concerne la moitié de la planète.

Les Pays-Bas en 2000. La Belgique en 2003. La très catholique Espagne et le Canada en 2005. L’ Afrique du Sud en 2006. la très luthérienne Norvège en 2008. La Suède en 2009. Le Portugal, l’ Islande et l’ Argentine en 2010 légalisent la possibilité pour un homme ou une femme d’épouser une personne de même sexe. L’ Afrique du Sud engage le mouvent dans une Afrique encore majoritairement homophobe. Sans oublier neuf Etats Américains, avec les districts de Washington et de Mexico. La Slovénie et Taiwan étant sur le même chemin.

Une partie du globe reste à ce jour opposé à toute évolution sur la question, appliquant des lois de restrictions et d’interdiction plus ou moins sévères selon les pays, la riposte légale allant de l’ amende à la peine de mort selon les pays.

Mais même au sein du monde occidental, tout n’est pas rose pour les gays (je sais, mais vous espériez que je la fasse, celle-là...).

Le refus, le rejet, le déni constituent un des pires obstacles de la condition homosexuelle. L’homophobie pouvant se manifester de façon simplement verbale, ou physique, au sein de la famille ou envers de parfaits étrangers.

L’origine de l’homophobie est assez complexe à définir, mais elle procède de trois sources : la société, la religion, la peur.

Une bonne moitié de la planète possède encore un arsenal législatif contre l’homosexualité. Et ce n’est pas un hasard si c’est également dans ces pays si la population s’épanche le plus facilement à ce sujet : l’ Homme est un animal social, grégaire. Il a une tendance naturelle à suivre le mouvement de façon plus ou moins volontaire et à tout faire ou presque pour bien se faire voir des autorités.

C’est d’autant plus vrai que dans beaucoup de ces pays, la religion possède encore un poids d’importance dans la société civile, et aucune des grandes religions ne voient les rapports entre êtres de même sexe d’un bon oeil. Même les mouvements qui semblent gay-friendly comme le Bouddhisme désapprouvent en fait de tels rapports et de telles unions. Il n’est dès lors peu étonnant de voir rabbins, muftis et prêtres prendre la tête ou la suite de mouvements homophobes.

Mais l’élément le plus déterminant, en fait, est la peur.

Une grande constante dans l’homophobie est de voir que dans la majorité des cas, le rejet ne concerne que les rapports entre hommes. Les rapports féminins sont sujets à des railleries et des attaques moindres comparées à ce que leurs homologues masculins endurent. Ne négligeons pas non plus le fait que dans beaucoup de films pornos hétéros, une scène lesbienne est souvent présente, histoire d’aguicher le mâle encore plus, alors que les rapports masculins laissent les femmes indifférentes.

Ce qui pose donc le plus problème, ce sont donc les rapports entre hommes. Cela tient sans doute au fait que lors des rapports hétéros, la pénétration est effectuée par l’Homme. Ce schéma est inconsciemment décalqué sur le couple d’hommes, dont le pénétré devient assimilé à une femme.

Quand l’hétéro y songe, il se rend alors compte que lui aussi, en théorie, pourrait être sodomisé. C’est cette idée qui le fait en général disjoncter. Ce d’autant plus qu’élevé dans une société à domination masculine, il est culturellement programmé pour aller à l’avant de ses conquêtes : il est le chasseur, celui qui entreprend de draguer les femmes qui sont ses proies. Voir, ou même simplement savoir que des hommes font ça entre eux lui fait prendre aussi conscience que lui aussi, il pourrait se retrouver dans la position de la proie, une chose à laquelle il n’a jamais ( ou très peu ) été préparé psychologiquement.
Dès lors, la violence devient pour lui une forme de protection. Cette protection sera d’autant plus violente si en plus de cette crainte, vient se greffer une autre phobie : celle, éventuellement, d’aimer cela.

Pendant des décennies, alors que les hétéros raillaient les homos, ces derniers n’étaient pas en reste, faisant souvent allusion à une possible homosexualité refoulée sous la pression sociale ou familiale de leurs agresseurs. Cette croyance était soutenue par certaines affaires médiatiques de pasteurs ou de politiques violemment homophobes dans leurs discours, et retrouvés au petit matin en galante et masculine compagnie par des policiers arrivés soit par hasard, soit prévenus par une âme compatissante que le giton qui accompagnait le monsieur n’avait certainement pas encore 18 ans ( ce qui parfois était vrai, et parfois faux ).

Pour en avoir le coeur net, en 1996, l’ Université de Géorgie se livra à une expérience aux résultats des plus intéressants.

Sous le couvert d’une étude portant sur les différentes formes d’excitations, les chercheurs réunirent 64 hommes hétéros ( tous ayant déclaré n’ayant eu aucune relation homosexuelle et n’ayant jamais eu l’intention d’en avoir ), répartis en deux groupes selon les résultats d’un questionnaire préliminaire afin de juger à la base de la présence ou non d’un fond homophobe pré-existant.

Les volontaires, équipés d’électrodes et d’un anneau sensible à la pression attaché autour de leur sexe, visionnèrent des vidéos pornographiques, certaines hétéros, d’autres homos ou lesbiennes. Tous devaient noter leur degré d’excitation sur une feuille, mais aucun ne savaient que la scène était filmée à leur insu.

Les résultats furent intéressants.

Dans le groupe des hétérosexuels a priori non-homophobes, 66 % d’entre eux ne déclarèrent aucune excitation aux séquences homosexuelles. 20 % furent un peu excités et 14 % déclarèrent le furent franchement. Chiffres corrélés par les vidéos.

Dans le groupe des personnes homophobes en revanche, aucun d’entre eux ne déclarèrent d’excitation aux scènes masculines, alors que les vidéos et les diagrammes de pression montraient franchement et clairement une érection chez près de la moitié d’entre eux : http://web.archive.org/web/20040202035152/www.apa.org/releases/homophob.html

Il existerait donc bien un fond de vérité quand à la légende qui prête aux homophobes les plus virulents une homosexualité réprimée par la famille ou la société. Les chercheurs ont toutefois fait valoir que le groupe testé était d’une représentativité moyenne, et que l’anxiété ressentie par les homophobes à l’idée de devoir visionner des scènes gays pouvait jouer un rôle dans leur état d’excitation.

Cette étude est d’ailleurs corrélée avec une autre, plus récente, menée par une université californienne, qui semble démontrer qu’ un comportement homophobe a pour base soit une méconnaissance, soit un rejet de sa propre nature pour près des deux tiers des sujets observés aux USA et en Allemagne.

Il reste que cela permet de voir d’un oeil différent les personnalités les plus virulentes à ce sujet. Y compris le pasteur anglican Peter Akinola, qui déclara, un jour ou il aurait mieux fait de se taire, que « même les bêtes ne s’abaissent pas à de pareilles pratiques. »

Ce qui est plus qu’inexact, nous le verrons une prochaine fois.
 



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