lundi 16 août 2010 - par L’enfoiré

Programme de relaxation en Chine

Deux ans déjà depuis les Jeux Olympiques de Pékin. Où en sommes nous ?


1.jpgAprès ces J.O, j’écrivais "Verso Chine". J’imaginais, avec l’aide de ceux qui en parlaient dans la presse ou ailleurs, les suites de cette démonstration de forces physiques, de cette volonté d’en imposer au monde comme tous pays émergents pouvaient le penser.

"Les choses pourraient devenir bien "insupportables" après 2008", écrivais-je. Critique en prenant les précautions de ne pas dire pour qui. Depuis, les JO, chacun a repris son collier sans vraiment avoir compris les objectifs de l’un par rapport à l’autre.

Dès l’automne 2008, coup de théâtre, l’occident se lançait dans une crise financière dont il ne voit toujours pas la fin avec précision.

Depuis, l’exposition de Shanghaî a pris la relève avec encore plus de faste. Rassemblement de tous les pays du monde qui espéraient récolter un peu de fruits de leurs investissements dans l’opération. Le terme de "dragon de papier" utilisé, à l’époque, par Thierry Wolton s’est transformé en "locomotive de l’économie mondiale" avec parfois des allures de "dragueurs de mines" du monde. 1.jpg

Une réévaluation de l’unité monétaire "yuan" a permis aux Chinois de sortir des habitudes. Cette réévaluation reste limitée, seulement 3% par rapport au dollar pour les douze derniers mois, mais de 15% par rapport à l’euro. Il ne faut cependant pas croire que cette décision soit dictée par la pression internationale. Il s’agirait bien plus de l’intérêt national et de rééquilibrer les données stratégiques dans le concert des nations.

En plus de l’économie, les tremblements de terre, les sècheresses ou les moussons restent les préoccupations de la Chine. Le 10 août dernier, hasard du calendrier, on décrivait le désastre qu’avait apporté les pluies diluviennes entraînant des glissements de terrains et l’écoulement de boues meurtrières dans le Gansu, ce qui a mis, dimanche, le drapeau en berne et le lancement d’une fusée dont une des missions était justement la télédétection des changements climatiques.

Le lendemain, les marchés dégringolaient. Il y était dit, pour le justifier du côté de la Chine, que la croissance ralentissait les ventes de détail, que la croissance et les investissements étaient moins énergiques que prévus.

A la base de cela, lutte contre la surchauffe de l’immobilier et la multiplication de créances douteuses n’est pas un leurre. Limiter les volumes de prêts bancaires à 7500 milliards de yuans (contre 9600 en 2009). Réguler et nettoyer les bilans des banques en réintégrant dans leurs comptes les prêts titrisés.

Explications qui restent à prouver avec le temps.

Ne retournons pas le couteau dans la plaie de la politique à la chinoise, des Droits de l’Homme. Le leitmotiv actuel est ailleurs. L’empire du milieu construit à l’huile de bras, fait peut-être, déjà partie de l’histoire.

Acquérir toujours plus de pouvoir d’achat est devenu la nouvelle préoccupation. La hausse des salaires comme catalyseur suite à des grèves qui ont défrayé la chronique.

A l’horizon, des côtés positifs pour l’orient et peut-être aussi pour l’occident.

Au départ des grandes villes, la classe moyenne chinoise se réveille sensiblement. De productrice, elle devient cliente et consommatrice.

Éviter les propagandes, les partis pris et choisir ce qui pourrait être un sentiment commun et objectif reste toujours une entreprise hasardeuse. Favoriser les informations nourries d’antécédents dans les deux cultures, occidentale et orientale reste l’approche la meilleure.

Un article vu de là-bas, "Quand les Chinois s’éveilleront, le monde dormira tranquille" me servira, cette fois, de repère. Phrase qui éveillerait quelques soupçons pour des yeux effarouchés occidentaux. Des travailleurs chinois qui s’éveilleraient donc pour laisser dormir le monde ? L’article parlait, en effet, d’un ralentissement dans les dépenses intérieure malgré une nette amélioration du pouvoir d’achat. Les ventes de voitures et les investissements dans l’immobilier se tariraient quelque peu, était-il dit.

Alors, à quoi servirait l’augmentation du pouvoir d’achat ? Aujourd’hui, encore, 40% des revenus disponibles seraient économisés. Cela veut dire que la consommation nationale ne représente qu’un tiers, sinon moins, de la croissance économique, alors qu’elle se situe à plus du double dans les économies occidentales tout en tenant compte que ce double se maintient souvent par le seul crédit et que, par cette approche, en reste fragile.

Le yuan, c’est bien, mais qu’en est-il du Renminbi ? Si c’est la même chose, il demeure plus près du peuple rien que par sa traduction "l’argent du peuple". Cela reste à relativiser car la monnaie est toujours strictement orchestrée par le gouvernement chinois. Alors, comme on le dit et on le répète, les exportations devront se transformer lentement mais sûrement en une croissance stimulée par la consommation nationale. Ce qui prendra des formes multiples.

Ce sont encore les vacances. Le temps des congés payés sont entrés dans les moeurs des occidentaux qui en ont oublié jusqu’aux dates de leurs premières vacances. Qu’en est-il en Chine ?

Les Chinois découvrent depuis en masse, les joies et les vicissitudes des congés payés.

Contrairement à ce que je lisais dans ma gazette, ce n’est pas depuis 2008, que des congés payés ont été accordés, mais en 1999. Cette année 2008, les 5 à 15 jours se sont étendus à une troisième semaine, probablement pour jouir de plus du temps aux Jeux Olympiques. Cela fait donc partie des moeurs, avec le vocabulaire local consacré, de "Programme de relaxation".

Pour visiter son pays et peut-être, ensuite, le monde, la route est toute tracée.

Ce sera souvent voyager en masse, chercher à connaître le monde autrement que par la virtualité d’Internet.

On dénombre deux milliards de tickets de transports à l’intérieur de la Chine. Mais, on ne veut plus seulement les "produits du cru".1.jpg

Deux millions de voyages se tournent en dehors des frontières chinoises. Ce qui fait une augmentation de 9% par rapport à l’année précédente.

Le but n’est pas nécessairement de ressourcer ou de laisser prendre du repos aux citoyens chinois, il est probablement bien plus derrière l’envie de relancer la machine par l’intérieur et de faire éclater la fameuse bulle tant décriée comme risque d’une croissance trop forte.

La Chine a une variété de sujets d’intérêts touristiques. Hong-Kong, la Grande Muraille, la région de Guilin qui avec ses reliefs karstiques dessine le long des rivières des "dents de dragon" relèvent l’esprit de la richesse nationale. L’exposition de Shanghaî monopolisera probablement 70 millions de visiteurs à l’heure de fermeture. Sanya et sa Yalong Bay sur l’île Hainan (plus grande que la Belgique) apporte le côté "glamour" à une clientèle chinoise plus fortunée. 670.000 Chinois auraient un compte en banque qui dépasse un million de dollars.

1.jpgLe Club Med s’intéresse à la Chine. Son patron, Henri Giscard d’Estaing de passage à Bruxelles a très bien compris l’avantage à en tirer depuis 2003. Il pense attirer 200.000 clients chinois dès 2015. Marché qui se développera le plus dans le monde, disait-il.

Parmi les destinations étrangères "accessibles", qui ont le Statut de Destination Autorisée (SDA), on compte 135 pays. L’Europe se taille une part importante du marché touristique chinois. Ce seront l’Italie, la France, la Suisse qui attireront le plus. Pays qui doivent renouveler leur "flotte" de vacanciers. Un quart des clients dépensent plus de 1000 euros pour le voyage et la même somme pour les cadeaux qu’ils rapporteront avec fiereté auprès de leur famille et proches.

Ce commerce du voyage dépasse même en nombre les vacanciers japonais, toujours en récession depuis 1992 et les États-Unis qui n’en sortent pas de la crise à la vitesse espérée.

1.jpgLes Chinois moyens savent fêter les grands événements de la vie comme les mariages et le luxe attire comme l’aimant. Se marier sous la Tour Eiffel, sur la Grand Place de Bruxelles, rêver dans les endroits prestigieux et les châteaux qui jalonnent notre vieille Europe a de quoi faire tourner les têtes. Plus modeste que Paris, Bruxelles compte tout de même 80.000 nuités. Ce n’est pas du côté des hôtels et des restaurants que les Chinois dépensent leurs yuans (en moyenne, 50 euros par jour), mais ils sont devenus les champions du shopping.

Sur la Grand Place, des groupes chinois se forment suivis de leur guide, avec des achats plein les sacs plastics. Sous l’Atomium, on a les boules pour la photo souvenir.

On aime être orienté vers les souvenirs les plus représentatifs. Les voyages s’intègrent dans une stratégie globale. Des magasins de luxe de Bruxelles commencent à engager des vendeurs parlant le chinois.1.jpg

Pour les visites en Belgique, il y a Bruxelles, mais aussi, Bruges et de manière plus surprenante, la plus petite ville du pays, Durbuy.

La Chine doit composer avec des prix plus élevés pour exporter, mais en tire avantage à l’étranger. L’occident devra aussi payer plus cher pour les produits chinois importés. Dure, dure, la loi du marché.

Il ne faudrait pas que l’Occicent s’endorme quand l’Orient se réveille.

20080510Shocking en Chine.jpgNous sommes à la croisée des chemins dans l’espace et dans le temps. Se comprendre mutuellement ne sera pas une entreprise exempte de risques.

Un vieux proverbe chinois disait "Il n’y a que les fous et les Européens qui voyagent !". Ce n’est plus tout à fait vrai.

Je pasticherai le pragmatisme de l’article précité dans un paradigme de progrès commun : "Un bon verre de réalisme peut toujours remettre le pied du verre en équilibre. Un verre cassé ne servirait à rien. Quant à la balance, il faudra la tenir à l’oeil et pas seulement l’entrevoir en rêve."

En défintive, les J.O. de 2008 pourrait être profitable pour les deux bords.

 

L’enfoiré,

 

Citations :

  • "Il est aussi noble de tendre à l’équilibre qu’à la perfection  ; car c’est une perfection que de garder l’équilibre.", Jean Grenier
  • "La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre.", Albert Einstein
  • "Il n’y a d’homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie.", Alphonse de Lamartine


2 réactions


  • Fergus Fergus 16 août 2010 14:15

    Salut, L’enfoiré.

    Vaste panorama.

    La Chine est à un tournant de son histoire économique. Entre les revendications salariales de plus en plus fortes, le goût pour les congés en développement, la nécessité de ralentir les programmes de construction pour y introduire des normes de qualité, et la relocalisation d’entreprises occidentales, les taux de croissance devraient sensiblement baisser dans les années à venir.

    Mais bien malin l’économiste qui peut, aujourd’hui, nous dire ce que sera la Chine dans 10 ans, tant ce pays peut se montrer surprenant. N’oublions pas, en outre, qu’il possède une grande partie de la dette américaine, et cet élément peut sans aucun doute jouer un rôle déterminant dans les équilibres économiques et politiques à venir.

    Bonne journée.


    • L'enfoiré L’enfoiré 16 août 2010 14:30

      Salut Fergus,

       Ne comptez pas trop sur moi pour jouer à la boule de cristal.
       Le monde entier se cherche, se faufile dans le concert des nations.
       Les blocs d’antan ne sont plus les seuls pôles d’attraction.
       On se rappelle des Guignols de l’Info qui se faisait l’écho de nos pays comme un musée.
       Aujourd’hui, c’est tout autre chose.
       smiley


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