Putain !! deux ans pour rien.. ou le côté pernicieux de l’orientation par défaut
A partir de la 3ème de collège, il y a ceux qui sont admis en lycée général et les autres : ceux que l’on oriente vers l’apprentissage ou que l’on déverse dans l’un de ces lycées professionnels (LP). En quelque sorte, des classes préparatoires aux fameux CAP-BEP, des diplômes considérés jadis pourtant comme de bons sésames pour l’emploi.
Le plus souvent, il s’agit d’une orientation par l’échec, tant il est vrai qu’il ne sont pas nombreux ceux qui, de leur propre initiative, rompent leur parcours scolaire à l’âge de 15 ans pour se lancer dans l’apprentissage d’un métier librement choisi.
Orientation par l’échec à laquelle, trop souvent, vient s’ajouter une orientation par défaut.
Autant dire la double peine...
L’orientation par l’échec, c’est dire à un jeune "tu n’es pas assez bon pour poursuivre des études longues, alors tu dois maintenant apprendre un métier".
L’orientation par défaut, c’est dire à un jeune "tu ne connais rien des métiers, alors nous allons te choisir une affectation et il y a ce BEP de comptabilité ou ce CAP de chaudronnerie qui te tend les bras". Une orientation subie.
Autant dire une voie de garage, puisque dans la majorité des cas, un tiers des jeunes finit par abandonner avant la fin du cycle et un tiers des jeunes présentés à l’examen y échoue.
"C’est un fait, la chaudronnerie n’a jamais fait recette ! témoigne Anne, conseillère d’orientation psychologue ...et pourtant, il faut bien les remplir ces filières. Dès lors, on se fait à l’idée que les voeux des élèves les plus faibles ont peu de chance d’être pris en compte"
Quel métier te plait ? Une question qu’il est donc préférable de ne pas poser... tant que le jeune et ses parents ne la posent pas.
"Nous savons que la plupart d’entre eux n’exerceront pas le métier, qu’ils aient ou non obtenu leur diplôme, et ce, pour deux raisons majeures : ils ne l’ont pas choisi ou alors, leur diplôme ne vaut plus rien sur le marché du travail" déplore Guillaume, conseiller d’insertion en Mission Locale, une structure qui accueille nombre de ces déclassés au sortir de leur parcours.
Que vaut en effet aujourd’hui un BEP de secrétariat aux yeux des recruteurs quand on sait qu’avec un BTS, certains peinent à s’insérer ? Quelle valeur accorder à ce diplôme alors même que ceux qui l’obtiennent peinent à rédiger correctement une lettre de candidature ?
Alors, que faire ?
Si une refonte du système est - dit-on - à l’étude, la question de l’éducation des choix à l’école n’est pour l’heure qu’une figure de rhétorique. Et puis, de l’avis des enseignants eux-mêmes, il y a déjà assez à faire avec le niveau des élèves qui ne cesse de chuter dans certains quartiers dits sensibles.
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que les stages de troisième sont d’une médiocre efficacité. Trop lourd à mettre en place, car les entreprises sont très sollicitées et trop contraintes pour accepter un stagiaire, bien immature de surcroît.
Dans l’idéal, la diversité des métiers est supposée correspondre à la diversité des intérêts, dans l’idéal seulement.... Dans les faits, notre système ne propose guère de choix en matière de filières et reste bien incapable de produire du sur mesure et de répondre aux attentes de chacun.
Pour les jeunes en difficulté scolaire, comme pour ceux qui s’engagent dans les études longues, rien n’est gagné d’avance, rien n’est facile, l’orientation reste un chemin semé d’embûches qu’il faut explorer seul, le plus souvent.
Alors, quand Luc Chatel inaugure en septembre une plate-forme d’orientation en ligne mise au point par l’Onisep, les conseillers d’orientation-psychologue (COPSY) se disent qu’ils vont encore en prendre pour leur grade, coupables qu’ils sont d’être si peu au fait des réalités du monde de l’entreprise.
Un bouc émissaire bien commode quand on sait que le principal responsable de ce chaos est l’État lui-même qui fait de ce sujet un cheval de bataille de rentrée politicienne, depuis quinze ans bientôt.
Quinze ans de promesses déçues, qui ont vu se succéder moult délégués interministériels à l’orientation, moult commissions, moult rapports, dont celui de Richard Descoings, dernier en date.
La montagne aura encore une fois accouché d’une souris, tant il est clair, aux yeux des spécialistes, que ce n’est ni ce nouveau "livret de compétences" pas plus que"le renfort des professeurs principaux" qui mettront fin à cette gabegie.
Pour l’heure, même en période de vache maigre, le nettoyage des écuries n’est pas à l’ordre du jour, malgré le coût exorbitant de certaines de ces formations, ramené au taux d’insertion dans l’emploi.
Certes, il faut se garder de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Si le chat est famélique, il y a heureusement quelques réussites ici et là. De ce point de vue, c’est presque une banalité de rappeler l’urgence à encourager et revaloriser les formations manuelles et industrielles, en veillant à ce qu’elles correspondent mieux aux besoins du marché.
Si nos enfants rêvent de métiers parfois inaccessibles, ils savent aussi redescendre sur terre et affronter les réalités pour peu qu’on les y aide, en laissant de côté les grosses ficelles et en mettant fin à cette pratique de l‘orientation par défaut.
Parlons leur salaires, débouchés, conditions de travail, possibilités d’évolution, et surtout montrons leur ce qui sera réellement au bout du chemin...