jeudi 12 novembre 2009 - par Yohan

Putain !! deux ans pour rien.. ou le côté pernicieux de l’orientation par défaut

A partir de la 3ème de collège, il y a ceux qui sont admis en lycée général et les autres : ceux que l’on oriente vers l’apprentissage ou que l’on déverse dans l’un de ces lycées professionnels (LP). En quelque sorte, des classes préparatoires aux fameux CAP-BEP, des diplômes considérés jadis pourtant comme de bons sésames pour l’emploi.

Le plus souvent, il s’agit d’une orientation par l’échec, tant il est vrai qu’il ne sont pas nombreux ceux qui, de leur propre initiative, rompent leur parcours scolaire à l’âge de 15 ans pour se lancer dans l’apprentissage d’un métier librement choisi.

Orientation par l’échec à laquelle, trop souvent, vient s’ajouter une orientation par défaut.

Autant dire la double peine...

L’orientation par l’échec, c’est dire à un jeune "tu n’es pas assez bon pour poursuivre des études longues, alors tu dois maintenant apprendre un métier".

L’orientation par défaut, c’est dire à un jeune "tu ne connais rien des métiers, alors nous allons te choisir une affectation et il y a ce BEP de comptabilité ou ce CAP de chaudronnerie qui te tend les bras". Une orientation subie.

Autant dire une voie de garage, puisque dans la majorité des cas, un tiers des jeunes finit par abandonner avant la fin du cycle et un tiers des jeunes présentés à l’examen y échoue.

"C’est un fait, la chaudronnerie n’a jamais fait recette ! témoigne Anne, conseillère d’orientation psychologue ...et pourtant, il faut bien les remplir ces filières. Dès lors, on se fait à l’idée que les voeux des élèves les plus faibles ont peu de chance d’être pris en compte"

Quel métier te plait ? Une question qu’il est donc préférable de ne pas poser... tant que le jeune et ses parents ne la posent pas.

"Nous savons que la plupart d’entre eux n’exerceront pas le métier, qu’ils aient ou non obtenu leur diplôme, et ce, pour deux raisons majeures : ils ne l’ont pas choisi ou alors, leur diplôme ne vaut plus rien sur le marché du travail" déplore Guillaume, conseiller d’insertion en Mission Locale, une structure qui accueille nombre de ces déclassés au sortir de leur parcours.

Que vaut en effet aujourd’hui un BEP de secrétariat aux yeux des recruteurs quand on sait qu’avec un BTS, certains peinent à s’insérer ? Quelle valeur accorder à ce diplôme alors même que ceux qui l’obtiennent peinent à rédiger correctement une lettre de candidature ?

Alors, que faire ?

Si une refonte du système est - dit-on - à l’étude, la question de l’éducation des choix à l’école n’est pour l’heure qu’une figure de rhétorique. Et puis, de l’avis des enseignants eux-mêmes, il y a déjà assez à faire avec le niveau des élèves qui ne cesse de chuter dans certains quartiers dits sensibles.

Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que les stages de troisième sont d’une médiocre efficacité. Trop lourd à mettre en place, car les entreprises sont très sollicitées et trop contraintes pour accepter un stagiaire, bien immature de surcroît.

Dans l’idéal, la diversité des métiers est supposée correspondre à la diversité des intérêts, dans l’idéal seulement.... Dans les faits, notre système ne propose guère de choix en matière de filières et reste bien incapable de produire du sur mesure et de répondre aux attentes de chacun.

Pour les jeunes en difficulté scolaire, comme pour ceux qui s’engagent dans les études longues, rien n’est gagné d’avance, rien n’est facile, l’orientation reste un chemin semé d’embûches qu’il faut explorer seul, le plus souvent.

Alors, quand Luc Chatel inaugure en septembre une plate-forme d’orientation en ligne mise au point par l’Onisep, les conseillers d’orientation-psychologue (COPSY) se disent qu’ils vont encore en prendre pour leur grade, coupables qu’ils sont d’être si peu au fait des réalités du monde de l’entreprise.

Un bouc émissaire bien commode quand on sait que le principal responsable de ce chaos est l’État lui-même qui fait de ce sujet un cheval de bataille de rentrée politicienne, depuis quinze ans bientôt.

Quinze ans de promesses déçues, qui ont vu se succéder moult délégués interministériels à l’orientation, moult commissions, moult rapports, dont celui de Richard Descoings, dernier en date.

La montagne aura encore une fois accouché d’une souris, tant il est clair, aux yeux des spécialistes, que ce n’est ni ce nouveau "livret de compétences" pas plus que"le renfort des professeurs principaux" qui mettront fin à cette gabegie.

Pour l’heure, même en période de vache maigre, le nettoyage des écuries n’est pas à l’ordre du jour, malgré le coût exorbitant de certaines de ces formations, ramené au taux d’insertion dans l’emploi.

Certes, il faut se garder de jeter le bébé avec l’eau du bain.

Si le chat est famélique, il y a heureusement quelques réussites ici et là. De ce point de vue, c’est presque une banalité de rappeler l’urgence à encourager et revaloriser les formations manuelles et industrielles, en veillant à ce qu’elles correspondent mieux aux besoins du marché.

Si nos enfants rêvent de métiers parfois inaccessibles, ils savent aussi redescendre sur terre et affronter les réalités pour peu qu’on les y aide, en laissant de côté les grosses ficelles et en mettant fin à cette pratique de l‘orientation par défaut.

Parlons leur salaires, débouchés, conditions de travail, possibilités d’évolution, et surtout montrons leur ce qui sera réellement au bout du chemin...

 

 



21 réactions


  • Fergus Fergus 12 novembre 2009 15:46

    Salut Yohan.

    Le pire de l’orientation par défaut est que, non seulement elle jette trop de gamins dans une impasse, mais qui plus est, elle tire vers le bas de très nombreuses classes technologiques car elle consiste à mêler les élèves qui sont là par défaut à ceux qui sont là par choix. Parfois une réussite (malgré tout !), mais trop souvent un échec cinglant et coûteux, tant pour la communauté que pour les jeunes.

    Bonne journée. 


  • Yohan Yohan 12 novembre 2009 20:08

    Bonsoir Fergus

    Exact. Injecter + de 50% de jeunes pas vraiment motivés dans une classe de LEP, ce n’est ni souhaitable pour le % restant, ni pour les profs qui doivent ramer pour continuer à motiver ceuxqui l’étaient au départ


  • morice morice 12 novembre 2009 20:59

    cette charge contre l’institution scolaire date d’un autre âge ! Les parents sont associés depuis longtemps aux choix qui ne se font pas comme l’auteur les décrit de façon grotesque !


    Pour l’heure, même en période de vache maigre, le nettoyage des écuries n’est pas à l’ordre du jour, malgré le coût exorbitant de certaines de ces formations, ramené au taux d’insertion dans l’emploi.

    Certes, il faut se garder de jeter le bébé avec l’eau du bain.

    Enfiler les platitudes ? pourquoi pas, mais sur le sujet, je vous conseille de vous rendre au moins dans un collège : ce que vous décrivez date des années 70....


  • Yohan Yohan 12 novembre 2009 22:18

    Allez Momo je sais tout

    Je travaille dans le circuit donc je sais de quoi je parle contrairement à toi qui n’enseigne plus depuis belle lurette.


    • morice morice 13 novembre 2009 10:10

      je viens de vous dire que les parents d’élève y participent... je ne sais pas tout, mais je suis aussi parent d’élève et membre d’asso de parents d’élèves... et suis donc au courant, vu que dans ces réunion je croise mes anciens collègues et mon ancienne administration !


  • Alexandre 12 novembre 2009 22:50

    Encore une vision caricaturale de l’orientation et des relations des élèves et des parents avec les profs et l’administration des collèges. Si vous connaissez des élèves qui se font imposer une orientation vers un secteur professionnel qui ne les interesse pas, n’hésitez pas à les interviewer.

    Cette vision très sarko-compatible a pour but de préparer le tranfert de l’orientation des élèves au Medef et aux Chambres des métiers : « Eux y savent », et surtout ils ne pensent qu’à l’intérêt des jeunes.

    Et puis il faudrait vous mettre un peu au courant : Tous les Bep ont été remplacés par des Bacs Pro.


  • Yohan Yohan 12 novembre 2009 22:54

    Alexandre,
    C’est de l’humour, je présume
    Avec vous tout va bien Madame la marquise, pas de problèmes d’orientation, les lycées techno, c’est parfait circulez y’a rien à voir. Allez dire ça aux jeunes qui en sortent. Allez faire un tour das les Missions Locales, allez faire un tour à Pôle emploi


    • Alexandre 12 novembre 2009 23:18

      Vous confondez lycées professionnels et lycées technologiques. Ce qui confirme que vous ne savez pas de quoi vous parlez.
      Ils ne vous est jamais venu à l’esprit que les jeunes qui vont dans les missions locales ne sont pas représentatifs de la grande majorité des élèves de lycée professionnel qui ont un emploi à la sortie du lycée.
      Et puis faire porter la responsabilité du chômage des jeunes qui est d’origine économique et en partie dû aux exigences des chefs d’entreprises (qui ont « du choix ») à l’Education Nationale et à l’orientation est également très sarko-compatible.


    • Yohan Yohan 12 novembre 2009 23:31

      N’essayez pas de dévier, moi je parle des lycées professionnels qui accueillent des élèves marqués par l’échec scolaire en collège et qui de l’avis de tous, sont pour la plupart des filières de relégation. De plus les stats EN sont bidon, car elles ne prennent jamais en compte les abandons en fin de 1ère année. Des stats qui ont pour but de maintenir le système sous perfusion, car il faut bien occuper les profs et les élèves.
      Vous êtes sacrément gonflé de venir nous dire que les jeunes échouant en Mission locale ne seraient que l’écume de tout ce beau succès.


    • Alexandre 12 novembre 2009 23:42

      A vous lire et à voir votre succès d’estime, on comprend mieux pourquoi Sarkozy a été le candidat qui a obtenu le plus grand nombre de voix dans la CSP « ouvriers et assimilés » (avant de fêter cela au Fouquet’s).
       La démagogie a encore de beaux jours devant elle.


  • Yohan Yohan 12 novembre 2009 23:03

    Quand aux Bac Pro, vous me faites rigoler,... Déjà qu’il y a un taux d’échec ahurissant aux CAP BEP, vous m"expliquerez comment vous comptez les mener jusqu’au BAC Pro ? Encore une connerie de plus. Voilà une solution typiquement Education Nationale. On relève le diplôme mais on oublie de relever les jeunes. Vous devriez savoir que ce problème n’est pas soluble dans le diplôme mais dans l’intelligence à amener les jeunes à des métiers qui leur correspondent.


    • Alexandre 13 novembre 2009 08:28

      Ou avez-vous lu que j’approuvais cette réforme ? ?

      Au fait, il parait qu’il n’y a pas de réformes significatives dans l’EN


    • Jurassix Jurassix 13 novembre 2009 09:26

      Le fond de l’article est juste, mais je tiens quand même à apporter une pierre à l’édifice.

      « tu n’es pas assez bon pour poursuivre des études longues, alors tu dois maintenant apprendre un métier »

      Cette orientation est une nécessité, on ne peut le nier. Les filières techniques ne sont pas très sexy, peu valorisée tant aux enfants qu’aux parents. Les jeunes veulent faire quoi comme travail aujorud’hui ? Medecin, Avocat, mais quand vous parlez de l’industrie aux collégiens (vécu recemment lors d’une intervention en classe de 3ème), l’intérêt disparait.

      Il ne sert à rien de tirer ou pousser les élèves vers un bac qui :
      - ne sert à rien
      - est complètement dévalorisé
      - n’est pas une fin en soit
      - rempli les universités dans des filières inadaptées.

      Je me souviens d’un dossier lors d’un JT ou les élèves se plaignaient du peu de places disponibles dans la filière « cinéma » : excusez du terme, mais ces crétins croient qu’il vont ou avec ça ? Dans le mur, et plus ça va vite, plus ils seront heureux !

      Il faut que l’éducation nationale, et surtout les fillères d’apprentissage technique évoluent. Le nombre de place doit être fonction de l’évolution des filières industrielles et des besoins. Garder toujours depuis 10 ans le même nombre d’élèves dans une filière alors que les besoins évoluent est une abération.
      Les élèves sont en difficulté en fin de 3ème. On les arrête là, et pendant les 2 dernières semaines de cours, on les fait travailler dans différentes entreprises et/ou avec des artisans afin qu’ils découvrent différents métiers afin de choisir ce qui leur plait le plus... par défaut.

      Il y en aura toujours qui iront là ou ils ne souhaitent pas, c’est un fait, mais c’est nécessaire. Et avec le temps, certains irotn plus loin, se retrouvant dans des filières moins générales, et pourront passer un bac pro et terminer par un BTS pour les meilleurs d’entre eux. Pour les autres, le travail les attends, c’est un fait.


  • Polemikvictor Polemikvictor 13 novembre 2009 10:00

    quelques reflexions en vrac  :
     Un chaudronnier OHQ qui cherche du travail cela n’existe pas l : on n’en forme plus et ce n’est pas les formations à partir d’eleves en situation d’echec et meprisés par l’enseignement qui pourront les remplacer : cela demande des compétences en traçage ( geometrie descritive et application pratique) du niveau bac une autonomie dans le travail qui ne s’apprend pas au niveau CAP BEP.
    J’ai organisé un forum des métiers il ya quelques années pour que les eleves en sortie de 3eme puissent rencontrer des industriels avant de faire leurchoix. J’avais invité les compagnons du tour de France pour illustrer le fait que dans le batiment il y a des activites interessantes et des gens qui ne connaissent pas le chomage. Réaction de l’inspection d’academie « ne recommencez pas les compagnons ne delivrent pas de diplomes reconnus par l’éducation nationale ! ». quand on est comme ça c’est pour la vie...


  • Manfred Manfred 13 novembre 2009 12:37

    La classe par défaut c’est surtout la filière générale.

    Nombreux sont les élèves qui vont en voie générale par principe, alors qu’ils n’ont pas le niveau. La plupart même auront difficilement leur BAC, mais se débrouilleront pour l’avoir, même au prix d’un redoublement en terminale.

    Tout ça pour quoi ? Pour se confronter à un choix de faculté qui encore une fois se fera par défaut, mais seulement en fac il faut avoir un minimum de niveau. Résultat, des échecs dès la première année de fac, souvent aux alentours de 50%, et des jeunes qui deviennent des échecs complets du système, parce que le BAC ne mène nul part aujourd’hui, et il faut un minimum de BAC+3 dans espérer pouvoir pratiquer le métier de sa spécialité.

    Donc la voie générale n’est sûrement pas mieux lotie que la filière professionnelle. D’ailleurs, c’est même souvent moins le cas, puisqu’en passant par la filière LP on peut aller jusqu’à l’école d’infirmières sans problèmes, juste en ayant perdu une année, mais bénéfique au niveau du programme scolaire.

    Ne me dites pas que je ne sais pas de quoi je parle cher auteur, je suis étudiant et bien placer pour le voir.


    • Yohan Yohan 13 novembre 2009 19:31

      Assez vrai ce que vous dites puisque le choix par défaut n’est pas que l’apanage des jeunes qui sortent du système scolaire au niveau de la troisième mais concerne presque tout le monde en fait. Le problème est que les jeunes choisissent des formations et non des métiers. Ma fille se lance sur des études menant à Master 2 en physique biochimie et à mi-parcours elle n’a toujours eu aucun intervenant pour lui parler des débouchés concrets. De plus, on ne trouve pas de videos métiers sur le web assez représentatives des différents métiers et débouchés. Il faut se démerder seul ou attendre les stages pratiques en entreprise pour découvrir les réalités de ce qui vous attend au bout des études.


  • Traroth Traroth 13 novembre 2009 13:22

    « encourager et revaloriser les formations manuelles et industrielles » : Je ne veux pas me montrer agressif, mais ce type de déclaration ne résiste pas à l’épreuve des faits. Plus le niveau de diplôme est bas, plus le travail sera fatigant, mal payé, peu intéressant, contraignant et même rare. Il y a des exceptions, mais elles ne sont que ça, des exceptions. Une fois cela posé, qu’est-ce que ça veut dire, « revaloriser les formations manuelles et industrielles » ?
    Le problème de base est que les individus qui échouent durant leur scolarité sont très rentables, car faciles à exploiter. Les entreprises ont besoin d’ouvriers et de petits employés, corvéables à merci. Que feraient-elles si tout le monde sortait du système scolaire avec bac+5 ? On se débrouille donc pour en faire échouer une certaine proportion.


    • Yohan Yohan 14 novembre 2009 00:18

      Taroth
      Dans ce cas çi, il faut justement arrêter de faire une fixette sur le diplôme, surtout quand on sait que dans un diplôme de niveau V, type BEP Vente action marchande par exemple, on sanctionne des connaissances qui n’ont rien à voir avec le métier de vendeur. Il suffit de constater les épreuves générales et de coter le nombre d’heures d’examen par discipline. Pas difficile de comprendre comment et pourquoi on fabrique de l’échec programmé...

       Epreuves du BEP Vente action marchande ;
       EP1 Pratique du marchandisage et de la vente (pratique et Oral 1 h 10 )
      - EP2 Travaux professionnels 4(écrite 2 h)
      - EP3 Epreuve économique et juridique (écrite 1 h )

      Epreuves générales :

      - Expression française (1h)
      - Histoire-géographie (1h)
      - Mathématiques (1h)
      - Physique, Chimie (1h)
      - Anglais (1h)
      - Education physique et sportive


    • Yohan Yohan 14 novembre 2009 00:20

      PS : physique chimie ça vous fait pas marrer ?


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 13 novembre 2009 14:35

    La réalité c est celle qui consiste à évaluer les métiers manuels à leur juste dimension .
    Les métiers manuels commes les autres se valent . On a tous besoin les uns des autres.

    Il y a aujourd’ hui des chefs 3 étoiles ayant commencé comme apprentis cuisiniers .
    De grands chefs d’ entreprise détenant un CAP de plombier . Des marchands de franchises en coiffure anciens coiffeurs . Et plein d’ exemples du genre .

    Il est stupide de croire que pour réussir dans la vie qu’ il faille connaître latin , trigonométrie et conjugaison du plus-que-farpait en language courant .

    Il est vrai que pour séduire une pétillante gonzinette c est bien de lui faire entendre que t’ es membre du Conseil , mais si tu lui montres un service trois pièces frétillant elle sera tout à ait ravie .

    A quoi sert de comprendre Teilhard de Chardin si on est con comme un balai ?


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