Qu’aurait pensé Barthes de la communication et de la pub actuelles ?
En ce centenaire de la naissance de l’écrivain Roland Barthes il est légitime de poser la question : qu’aurait pensé Roland Barthes de notre univers culturel, celui qui s‘est développé à partir des années 80 ?
Dans un article d’introduction à la sémiologie publié dans la revue Communications en 1964, Roland Barthes illustrait le mécanisme de la connotation à partir d’une affiche publicitaire des pâtes Panzani : « son signifiant est la réunion de la tomate, du poivron et de la teinte tricolore (jaune, vert, rouge) de l'affiche ; son signifié est l'Italie, ou plutôt l’italianité ; ce signe est dans un rapport de redondance avec le signe connoté du message linguistique (l'assonance italienne du nom Panzani) »*.
Cette affiche est aussi le symbole de la complétude du signe, l’union d’un signifié - l’italianité - et d’un signifiant- les couleurs de l’affiche. Dans sa simplicité elle était pourtant parente des productions ambitieuses de la littérature et de l’art, où Roland Barthes a désigné le sens « déceptif », « pluriel », ou « indécidable ».
A partir de l’affiche Panzani, à travers sa simplicité, Roland Barthes découvrait la richesse d’une sémiologie. Que déchiffrerait-il dans la « communication » publicitaire tellement plus envahissante et prétentieuse d’aujourd’hui ?
La « communication » des années 80 et d’aujourd’hui se caractérise par l’appauvrissement du signe et du sens : omniprésence du désir sexuel, prolifération des jeux de mots, des mots anglais… Exemple de jeux de mots : cette publicité d’une chaîne de magasins pour ses livraisons promotionnelles : nous vous délivrons de vos soucis.
Autre exemple : la généralisation du « concept » dans le monde du commerce : avec les concepts de boutiques, les concepts d’hôtels, comme l’hôtel Costes. Le « concept » consiste à inventer un design, un décor puis à exploiter le nom en créant des produits dérivés ; le concept se réduit au signifiant… Appauvrissement du sens qui rime avec la prétention des mots empruntés au langage des intellectuels : concept, éphémère, vintage… ou encore ce promoteur qui donne à son hôtel le nom « adagio ».
Appauvrissement du signe encore dans ce centre commercial qui inscrit sur ses escaliers seulement des verbes à l’infinitif, « rêver », « imaginer », « se détendre »… on dirait un écolier qui aurait des difficultés avec les conjugaisons !
Le signe, le mot n’ont plus une fonction de signification mais de marchandise. Ils font vendre. La « communication » n’est plus qu’un bruit : celui du tiroir-caisse…
* http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1964_num_4_1_1027