Qu’est-ce que le trotskisme ?
1. La vérité est toujours révolutionnaire
Mon précédent article intitulé « Il n’y a plus de trotskistes en France ? » a suscité de nombreuses réactions parfois passionnées tant sur Agora Vox que sur FaceBook en particulier sur le groupe de discussion « Révolution Socialiste ou barbarie ! » Comme toujours, la discussion a parfois volé bien bas avec moults insultes, invectives et amalgames. Comme toujours aussi, c’est beaucoup plus sur FaceBook que sur Agora Vox que nombre d’intervenants ne connaissent que cette manière de s’exprimer. Il faut cependant se réjouir du nombre de réactions et de la pertinence des questions soulevées. Il me plait d’avoir bousculé des idées reçues. La télévision et tous les médias de masse, tant décriés à juste titre puisque nous connaissons leurs propriétaires, répètent à l’envi que le NPA, Lutte Ouvrière et les divers lambertistes sont des trotskistes. Dans la « gauche et l’extrême-gauche », tout le monde se targue d’avoir un esprit critique à l’égard de ces médias mais personne n’avait pensé à se demander s’il y avait bien une raison sérieuse pour qualifier tout ce petit monde de « trotskistes ». La réponse à la question allait d’ailleurs de soi : ils sont trotskistes puisqu’ils le disent. A quoi il me suffit de répondre avec la citation de Karl Marx (L’idéologie allemande) : « Dans la vie courante n'importe quel boutiquier sait fort bien faire la distinction entre ce que chacun prétend être et ce qu'il est réellement ».
Car, il fallait y penser, pour savoir si une organisation est trotskiste, il faut définir ce qu’est le trotskisme. Avant même de répondre à la question, nous pouvons déblayer le terrain en disant que le trotskisme n’est pas une religion, ni une croyance, ni un catalogue d’idées ni même une forme de pensée. Et, pendant que nous en sommes au nettoyage préliminaire nous pouvons aussi enlever des potentiels trotskistes le NPA car leurs dirigeants ont eux-mêmes abandonné la référence formelle au trotskisme. Ils incluent d’ailleurs, au fil de leurs pérégrinations diverses des « leaders » comme Ho chi Minh, qui a combattu le trotskiste Ta Thu Thâu, ou Che Guevara qui a contribué, avec Fidel Castro, à éliminer les trotskistes de Cuba. Nous nous demandons pourquoi ils sont encore parfois qualifiés de trotskystes.
Pour donner une première indication sur ce qu’est le trotskisme, à défaut d’en donner une définition, rappelons cette belle citation de Trotsky à propos du titre choisi pas les trotskistes français pour leur journal :
« Votre hebdomadaire s'appelle la Vérité. On a assez abusé de ce mot, comme de tous les autres, d'ailleurs. Néanmoins, c'est un nom bon et honnête. La vérité est toujours révolutionnaire. Exposer aux opprimés la vérité de leur situation, c'est leur ouvrir la voie de la révolution. Dire la vérité sur les dirigeants, c'est saper mortellement les bases de leur pouvoir. Dire la vérité sur la bureaucratie réformiste, c'est l'écraser dans la conscience des masses. Dire la vérité sur les centristes, c'est aider les ouvriers à assurer la direction juste de l'Internationale communiste. C'est là la tâche de votre hebdomadaire… »
La vérité est toujours révolutionnaire. Il faut donc, en principe, compter sur tous ceux qui se réclament peu ou prou du trotskisme pour s’engager dans « la guerre de l’info » que nous avons lancée afin de faire admettre cette vérité : Walter Hallstein était un nazi. Nous avons lancé cette bataille avec l’image que nous joignons pour illustrer le présent article en l’accompagnant du commentaire suivant :
« Walter Hallstein était un nazi.
Oui ! celui qui fut pendant 9 années le président de la CEE (ancêtre de l’UE) était un nazi et même un nazi de premier plan. Les preuves abondent. La plupart ont été avancées par des personnes de profils politique très divers (François Asselineau, Philippe de Villiers, Annie La Croix Riz). J’ai composé à ce sujet le dossier le plus complet.
La vérité éclate sans ambiguïté pour ceux qui veulent regarder les faits. Mais cette vérité est insupportable pour les européistes qui ont des moyens démesurés pour interdire qu’elle émerge. Mes fichiers « hallsteinnazi.html » ont été effacés sur le serveur de mon site web et sur mon ordinateur.
Sur la Wikipédia, la page de discussion concernant « Walter Hallstein » dit clairement que la chasse est faite avec les moteurs de recherche aux mots « Walter Hallstein + nazi » et nous voyons qu’ils ne lésinent pas sur les moyens pour les faire disparaître.
Je vous transmets le dossier complet au format PDF.
Pour faire émerger la vérité. Pour contrer l’intox des milliardaires qui possèdent les médias.
Dupliquez le dossier !
Envoyez-le à tous vos contacts !
http://www.avant-garde-internationaliste.com/articles/pdf/hallsteinnazi.pdf »
J’entends déjà les récalcitrants trouver les arguments ou les prétextes pour se taire : « De Villiers… Asselineau… droite… extrême-droite ». Eh bien non ! Il n’y a pas des vérités de « gauche » et des vérités « de droite ». Vous pouvez penser et dire tout ce que vous voulez sur Asselineau, De Villiers et La Croix Riz. Nous n’en pensons pas moins que vous. Mais, ce qu’il faut faire triompher c’est : La vérité.
Je verse donc une autre pièce au dossier concernant le trotskisme : Le Programme de Transition. Et, je vous invite à lire les deux chapitres intitulés : « contre l’opportunisme et le révisionnisme sans principe » et « contre le sectarisme ». Trotsky condamne ici deux aspects de la politique qui fait obstacle aux révolutionnaires. Il s’agit bien de deux aspects d’une même politique puisque Trotsky précise : « Dans la politique pratique, les sectaires s'unissent à chaque pas aux opportunistes, surtout aux centristes, pour lutter contre le marxisme. » Sectarisme et opportunismes vont de pair. Ce sont les deux faces de la même médaille. Nous voyons clair dans le jeu des révolutionnaires de la phrase qui apparaissent comme des sectaires-gauchistes quand ils condamnent à grands coups d’épithètes les réactionnaires Asselineau et De Villiers. Cette phraséologie ultra-gauche leur sert en fait à masquer une politique opportuniste voire même réactionnaire puisqu’il s’agit pour eux de cirer les pompes aux milliardaires qui possèdent la presse dominante et qui sont les premiers défenseurs de l’UE. Ceux-ci ont imposé des campagnes de presse pour le vote du traité de Maastricht puis pour le référendum de 2005 au cours desquelles toutes les télés, toutes les radios et tous les journaux avaient le même discours : il fallait l’UE, toujours l’UE car sinon le ciel devait nous tomber sur la tête. En fait, il s’agit pour ces révolutionnaires de salon d’appuyer cette politique pro-UE. Cette politique évidemment réactionnaire les amène à se la mettre en sourdine quand nous engageons ce combat pour la vérité : Oui ! Le père de l’Europe, celui qui a présidé la CEE pendant 9 ans était un nazi de premier plan qui a travaillé pour le compte d’Hitler sur un premier projet européen (La Neue Europa) avant de se mettre au service, pour le compte des dirigeants américains, de la CEE qui deviendra l’UE.
2. Le trotskisme débute en 1924
Avançons un peu avec une autre indication sur le trotskisme : sa date de naissance. Le trotskisme débute en 1924 après la mort de Lénine quand Staline et Trotsky se disputent la direction du parti bolchévique, de l’état russe et de l’internationale communiste. Cette date a une importance dans les discussions avec les réactionnaires de tous poils qui ne manquent pas d’expliquer que les trotskistes sont d’abominables révolutionnaires sanguinaires qui ont perpétré une quantité de massacres. Eh bien non ! Répétons-le, le trotskisme débute en 1924, en même temps d’ailleurs que le stalinisme, et aucune personne ne peut se plaindre d’avoir vu une goutte de sang couler du fait des trotskistes. Alors qu’à l’inverse, les trotskistes sont les victimes d’atroces répressions tant de la part du stalinisme que du nazisme. Bien sûr, les réactionnaires essaient de nous entraîner vers une autre discussion sur laquelle nous aurions beaucoup de choses à dire. Ils veulent évoquer la personne de Trotsky, commandant de l’armée rouge lors de la guerre civile et ainsi esquisser le tableau qu’ils adorent : L’armée rouge a agressé de gentilles armées blanches (comme des colombes), pacifiques et chrétiennes pour leur faire subir les pires atrocités. Nous aurions un tableau très différent à dresser mais, passons sur cette discussion, qui est hors sujet, car Trotsky n’était plus commandant de l’armée rouge quand est né le trotskisme. Avant de passer à autre chose, je voudrais tout de même prendre le temps d’attribuer la palme d’or de la réaction à V_Parlier qui est intervenu sur Agora Vox. Il nous a livré une citation particulièrement gratinée de Trotski en russe et en français :
« D’abord en V.O : "Если в итоге революции 90% русского народа погибнет, но хоть 10% останется живым и пойдет по нашему пути — мы будем считать, что опыт построения коммунизма оправдал себя". Ce que je traduirais par : "Si suite à la révolution 90% du peuple russe périt, pourvu que 10% reste en vie et suive notre chemin, nous considèrerons que l’expérience de construction du communisme s’est justifiée".
Il est incapable de fournir la source de sa citation puisqu’il l’a purement et simplement inventée. C’est un aveu tacite. Il écrit d’ailleurs :
"Ce n’est pas pour vous que j’ai posté cela, c’est pour ceux qui pourraient être séduits par vos plaidoyers et dénis, et qui pourront très facilement copier une partie de cette phrase (en Russe) dans Google ou Yandex pour voir si je l’ai inventée."
Cela vérifie que les réactionnaires appliquent volontiers le principe jésuistique qui dit que la fin justifie les moyens. Pour ce qu’il estime être une juste cause, il considère que les plus ignobles procédés sont permis.
Mais, la palme de la falsification revient à un stalinien, version maoïste, nommé Luniterre. Il explique que Staline a laissé la vie sauve à une quantité de bolcheviques de la révolution d’octobre et, à l’appui de sa thèse, il donne la liste suivante : « Boudienny, Kalinine, Kirov, Jdanov, Vorochilov, Kaganovitch, Dzierżyński, Molotov, Joukov, etc… ». Cette liste n’est longue que par les points de suspension qui la terminent. Malheureusement, il y a quatre « bolcheviques » en trop dans cette liste. Korov et Dzerjinski sont morts respectivement en 1934 et 1926. C’est trop tôt pour dire qu’ils ont échappé aux purges staliniennes. Quant à Boudionny et Joukov, ils étaient généraux de l’armée du tsar au moment de la révolution d’octobre.
Les deux lauréats pensaient me faire prendre des vessies pour des lanternes.
Revenons à l'histoire du trotskisme Nous en étions à sa naissance, en 1924, à un tournant de l’histoire particulièrement dramatique. Depuis la révolution de 1917, les bolcheviques veulent étendre la révolution aux autres pays d’Europe en profitant d’une vague révolutionnaire qui déferle en réaction contre la guerre de 1914-18. Ils attendent particulièrement une victoire du prolétariat allemand mais celui-ci subit une première défaite en 1918-19. La révolution spartakiste a en effet échoué et ses deux grands leaders Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht ont été assassinés. Ensuite Lénine et Trotsky essaient de redresser les erreurs du jeune parti communiste allemand (le KPD) qui mène une politique trop sectaire (gauchiste). En 1923, une nouvelle révolution échoue à cause d’hésitations au moment de l’insurrection. Trotsky n’a pas pu se rendre sur place pour organiser cette insurrection. Le parti bolchevique s’y est opposé (voir cette petite vidéo). En Russie une opposition apparaît entre Staline et Trotsky avant même le décès de Lénine. Celui-ci en est évidemment informé. Dans un premier document, il donne son avis sur les défauts et les qualités respectives des deux personnages. Puis, voyant que ses propres décisions sont bloquées par Staline, il décide de l’écarter du pouvoir. Une confrontation de Lénine et Trotsky ensemble contre Staline n’aurait assurément pas laissé beaucoup de chances à ce dernier. Malheureusement Lénine meurt avant que la confrontation ait lieu.
3. Une définition du trotskisme qui exclut Lutte Ouvrière
Aussitôt Staline prend l’avantage sur Trotsky et il va imposer un nouveau cours à l’Internationale Communiste. L'opposition est désormais ouverte entre les deux hommes. C'est à partir de ce moment qu'on commence à parler de trotskisme et de stalinisme. A l’époque le terme « trotskisme » n’est d’ailleurs utilisé que par les partisans de Staline. Nous pouvons dès lors essayer d’avancer vers la définition de ce qu’est le trotskisme.
Après l'échec de la révolution de 1923, que tout le monde continue à observer ce qui se passe en Allemagne. Ce qui n’étaient que des erreurs dans la politique sectaire-gauchiste du KPD va se transformer en une politique criminelle impulsée pendant dix années par Staline. Celui-ci ne cherche plus une victoire en Allemagne car il veut asseoir le « socialisme dans un seul pays » en Russie. J’explique plus en détail en quoi a consisté cette politique du KPD dans mon livre « De François Mitterrand à Jean-Luc Mélenchon » aux pages 194 et 195. Cela va amener à la catastrophe de la prise du pouvoir par Hitler en 1933 après l’élection d’Hindenburg en 1932 qui n’est pas sans nous rappeler l’élection de Macron. En effet, les Besancenot et Présumey de l’époque avaient appelé à voter pour Hindenburg, en se bouchant le nez, afin, d’après eux, de voter contre Hitler. Trotsky écrivait :
"Descendant de marche en marche à la recherche du "moindre mal", la social-démocratie (NDLR menant la politique des Présumey et Besancenot de l'époque) a fini par voter pour le feld marschall réactionnaire Hindenburg, lequel, à son tour, a appelé Hitler au pouvoir. Démoralisant les masses ouvrières par les illusions de la démocratie dans le capitalisme pourrissant, la social-démocratie a privé le prolétariat de toutes ses forces de résistance."
Être trotskiste s’est aussi avoir assimilé cette leçon.
A partir de 1933, le trotskisme entre dans une seconde phase. De 1924 à 1933, Trotsky voulait redresser le cours de l’internationale communiste. A partir de la victoire du nazisme, il estime que ce n’est plus possible et il décide donc en 1938 de proclamer la IVème internationale dont il précise le projet révolutionnaire dans le célèbre « programme de transition ».
Avec cette histoire très (trop) brève des premières années du trotskisme, nous voyons poindre une première définition de ce qu’est le trotskisme. Le trotskisme c’est le combat pour le socialisme qui passe par l’organisation d’une internationale révolutionnaire regroupant des partis de plusieurs pays eux-mêmes engagés dans ce combat. Il ne peut pas être question de trotskisme sans cette perspective d’une internationale révolutionnaire. Sur plusieurs points le programme de transition doit être modifié mais il reste, dans les grandes lignes, parfaitement valable et il doit donc être aussi une indispensable référence du trotskisme.
Le trotskisme est donc défini en premier lieu par ces deux points fondamentaux :
- Le regroupement et l’organisation d’une internationale révolutionnaire.
- La référence au programme de transition que nous voyons comme un condensé de l’expérience révolutionnaire depuis Marx jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale.
Nous voyons que cette définition rejette d’emblée hors du champ du trotskisme ceux qui ne s’intéressent pas à cette lutte pour l’internationale révolutionnaire à savoir Lutte Ouvrière et l’AGIMO. Les premiers ont eux-mêmes écrit : « Lutte Ouvrière s’est construite indépendamment des diverses organisations se réclamant de la IVème internationale ». Ah bon ! Et pourquoi cela ? Les dirigeants de Lutte Ouvrière estiment-ils que Léon Trotsky était un grand révolutionnaire mais que, sur ses vieux jours, il a eu cette lubie de vouloir une IVème internationale sans doute parce qu’il était un peu sénile ? A moins qu’ils estiment qu’il s’agissait d’une décision sans importance prise sur un coup de tête. Assurément, Trotsky n’aurait pas accepté que les militants de Lutte Ouvrière se réclament de lui.
Passons aux seconds : l’AGIMO. C’est nous ! Il faut sans doute que je souligne que si j’ai choisi le titre « Il n’y a plus de trotskistes en France » ce n’est pas la même chose que si j’avais écrit « Il n’y a plus que nous comme trotskistes en France ». En effet, il semblerait que des amateurs de polémique ne savent pas bien lire puisqu’ils nous ont attaqué sur le thème : Pour qui vous prenez-vous donc à estimer être les seuls… ? Nous estimons que ce n’est pas une mince affaire que d’essayer de mettre en place une internationale ouvrière et nous n’avons la prétention ni de pouvoir le faire dans l’immédiat ni de représenter à nous seuls une telle internationale. Alors, je ne peux que répéter ce que j’ai écrit à la fin de l’article :
« Avec l'AGIMO (Avant-Garde Internationaliste du Mouvement Ouvrier), nous ne pouvons pas prétendre assumer la continuité du trotskisme, avec notamment sa dimension internationale, (…) Il faudra bien, pour que le socialisme triomphe, qu'à un moment le combat à l'échelle internationale revienne à l'ordre du jour mais nous n'avons pas actuellement les moyens d'agir dans ce sens. Avec l'AGIMO, notre objectif est compatible avec ce combat mais il est plus limité. »
Il existe probablement dans le mouvement ouvrier des militants qui ne s’embarrassent pas de tant de scrupules et sont prêts à fanfaronner qu’ils sont trotskistes. Cela ne coûte pas cher. Qu’il nous soit permis de juger du contenu du flacon sans nous arrêter à l’étiquette qui est collée dessus !
Il reste la question d’une possible renaissance du trotskisme qui est à peine esquissée à la fin de mon article et qui a été soulevée dans les discussions. Un militant écrit :
« Il faut savoir que tant que les inégalités sociales existent la lutte de classes existera et de fait, l'élément subjectif qui traduira les revendications des travailleurs en un programme pour changer la société existera aussi. Vous pouvez lui mettre le nom que vous voulez mais il sera toujours là en France, en Algérie, en Allemagne et dans tous les pays du monde parce que le capitalisme vole les travailleurs dans tous les pays du monde. "Travailleurs de tous les pays unissez-vous" »
Ce militant a raison. La lutte des classes impose ce mouvement et c’est pourquoi je crois que le trotskisme renaîtra de ces cendres. Il faut cependant ajouter que le mouvement objectif de la lutte des classes ne peut pas en lui-même générer un programme révolutionnaire et qu'il faut, le plus possible, bénéficier de l'héritage de la lutte menée par les générations précédentes. C'est en cela que ce que nous lèguent Marx, Lénine, Trotski ... est important. La lutte inévitable des exploités pour plus de justice et de liberté va dans ce sens mais il faudra renouer avec cet héritage. En cela la rupture que connaît actuellement le mouvement ouvrier est dramatique. Par quels chemins, le trotskisme renaîtra-t-il ? Je ne suis pas en mesure de le dire. Il n’y aura aucune génération spontanée. Il faudra bien que des hommes conscients prennent des initiatives dans ce sens. Je ne vois pas actuellement ce qu’il faut faire mais je sais que cette question, actuellement en suspens, doit restée présente à notre esprit.
Nous avons commencé le ménage en sortant du champ des trotskistes le NPA et Lutte Ouvrière. Nous avons par ailleurs expliqué que nous ne sommes pas pleinement en mesure d'appliquer le programme trotskiste avec sa dimension internationale. Pour Lutte Ouvrière , il y a plein d’autres arguments pour montrer qu’ils ont bien peu de points communs avec le trotskisme. Je renvoie ceux qui veulent creuser la question à l’excellent article du site « Maghreb socialiste » intitulé « Lutte ouvrière : au nom du « trotskisme », une soumission totale au stalinisme et à ses avatars ».
4. Les lambertistes ne sont pas trotskistes
Il reste à traiter le cas des lambertistes de toutes tendances. J’ai expliqué comment ils ont trahi en 1981 dans mon livre « De François Mitterrand à Jean-Luc Mélenchon » aux pages 158 à 163. Le groupe de Daniel Gluckstein (le POID) s’est particulièrement illustré plus récemment en crachant son mépris sur les gilets jaunes. J’ai stigmatisé leur attitude dans deux articles auxquels je renvoie le lecteur (celui-ci et celui-là). Pour montrer qu’une telle attitude n’a rien de commun avec le trotskisme c’est plus à Lénine qu’à Trotsky que je fais référence. Vous voudrez bien m’accorder qu’ils avaient sur ce point comme sur beaucoup d’autres la même pensée. Voici la citation de Lénine qui me parait tout particulièrement adaptée pour parler des gilets jaunes :
« La révolution socialiste en Europe ne peut pas être autre chose que l'explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement - sans cette participation, la lutte de masse n'est pas possible, aucune révolution n'est possible - et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais, objectivement, ils s'attaqueront au capital, et l'avant-garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d'une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l'unir et l'orienter, conquérir le pouvoir, s'emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes !) et réaliser d'autres mesures dictatoriales dont l'ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme, laquelle ne "s'épurera" pas d'emblée, tant s'en faut, des scories petites-bourgeoises. »
A côté des plus opprimés de la classe ouvrière, ceux que Hollande appelle les « sans-dents », nous trouvons chez les gilets jaunes des « scories petites bourgeoises » et des « ouvriers arriérés » qui viennent avec leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Nous ne trouvons pas les professionnels de la politique et du syndicaliste dument affublés du label « mouvement ouvrier » décerné par Daniel Gluckstein. Mais voilà, « objectivement » les gilets jaunes s’attaquent au capital.
Ceux qui se réclament du trotskisme devraient, en pareille circonstance, se comporter comme une avant-garde qui cherche à exprimer « cette vérité objective d'une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité » pour tenter de l’unir et de l’orienter vers la conquête du pouvoir. A l’inverse, le POID rejette avec mépris ces gilets jaunes qu’ils ont enfouis sous un flot de calomnies tout comme d’ailleurs les militants de CPS (Combattre pour le Socialisme).
Il reste le POI qui a appelé à voter pour Jean-Luc Mélenchon et il n’est pas le seul. Ce qui est à l’ordre du jour, notamment lors des élections présidentielles, autant lors du premier tour que du second, c’est de faire prendre conscience de sa force à la classe ouvrière. Il faut qu’elle réalise l’unité de ses organisations. L’obstacle réside tout en entier dans la trahison des directions. La classe ouvrière peut lors des présidentielles battre tous les candidats du capital. C’est ce que devraient demander ceux qui se réclament du trotskisme. Quant à prendre un exemple, je prendrais celui des prochaines présidentielles, au cas où nous ne pourrions pas faire sortir Macron avant. Je suis intervenu récemment à l’occasion d’un millième article des militants de la FI qui se torturent pour choisir le prochain candidat. Excusez-moi d’avoir à l’occasion usé d’un style un peu relâché :
« Mélenchon, Ruffin ou Tartempion on s’en fout. PCF, PS ou FI on s’en fout. Nous exigeons 1 seul candidat pour les 3 grandes organisations ouvrières. En 2017 s’il y avait eu 1 seul candidat à la place de Mélenchon et Hamon il aurait été élu.
Un seul candidat. Il sera élu et il va en chier. Qu’il ne compte pas qu’on le laissera faire comme Mitterrand ou Tsipras. Qu’il ne compte pas qu’il s’en tirera en expliquant que c’est de la faute des allemands s’il ne peut pas tenir ses promesses. Qu’il ne compte pas qu’on le laissera obéir à l’UE. Ils ont tous voté pour offrir 300 milliards aux banques. Il faudra qu’il les récupère. Il ne faudra pas qu’il vienne nous expliquer qu’on a des dettes parce qu’il faut payer aux banques des intérêts sur le fric que nous donnons aux banques (…) »
Et dans une autre intervention, dans le même état d’énervement, j’ai écrit :
« j’ai toujours eu (aussi) d’énormes points de divergences avec ce traitre-rénégat de Mélenchon qui se fout de la gueule des militants de la FI. J’ai écrit tout un livre à ce sujet.
Cela ne m’empêche pas d’avoir toujours été pour un candidat unique des partis ouvriers lors des élections présidentielles quand ce qui est à l’ordre du jour c’est de battre les candidats du capital. Je le faisais hier comme aujourd’hui en disant bien que la seule chose qu’on attend de cette démarche c’est battre les candidats du capital. Nous savons très bien que c’est un traître qui sera ainsi élu et qu’il ne faut pas lui faire confiance. Il faut se préparer à se battre contre lui.
Si Mélenchon était élu, on sait comment il trahira. Il s’y prépare déjà. Il dira qu’il ne peut pas respecter ses promesses à cause de Merkel et des allemands. Vous êtes les pires des nationalistes. Il n’a pas et il n’a jamais eu l’intention d’appliquer le programme qui lui sert à vous berner. Mais on a l’impression que ça vous fait plaisir de vous faire promener en bateau par lui.
Au fait ! Mon principe de défense inconditionnel aux victimes de la répression... et autres mesures arbitraires s’applique aussi à propos de la censure faite pour tous les partisans du Frexit. (Je venais de rappeler que j’ai soutenu Mélenchon dans l’affaire des perquisitions). Même ceux qui sont contre le Frexit devraient se prononcer contre cette censure comme je me prononce pour la défense de Mélenchon (que je déteste) quand il est victime du camp adverse.
Mais, je crois que vous ne tirerez jamais le bilan de la prise du pouvoir par Hitler. Pour vos petits intérêts mesquins de boutiquiers de la FI vous êtes prêts à vous réjouir quand d’autres que vous sont victimes de la répression. C’est avec des connards raisonnant ainsi qu’Hitler a pris le pouvoir. Et en plus ils votaient pour Hindenburg en se pinçant le nez comme ceux qui votent pour Macron en se pinçant le nez pour, disent-ils, ne pas voter pour Le Pen.
J’en ai ma claque de ces révolutionnaires de salon qui votent pour Macron et défendent l’Union Européenne.
Bonne promenade. »
Je viens d’expliquer ici ce qu’est la politique du Front Unique Ouvrier qui est aussi un aspect essentiel du trotskisme. De même, l’unité des rangs ouvriers contre la répression et par conséquent le soutien à toute victime quel que soit son appartenance politique devrait être un principe de tout le mouvement ouvrier et il appartient donc aux trotskistes de ne pas transiger à ce sujet.
Je crois avoir suffisamment expliqué ce qu’est le trotskisme et au terme de ce tour d’horizon, je pense avoir confirmé qu’il n’y a plus de trotskistes en France.
5. L’UPR, l’AGIMO ou les révolutionnaires de salon
Je vais pour terminer aborder une question qui est hors sujet mais qui revient inévitablement dans les discussions : celle de mon passage à l’UPR. Je me suis déjà longuement expliqué à ce sujet. Mais, bien évidemment, mes contradicteurs sont toujours dans la démarche ultra-gauche des sectaires qui veulent masquer ainsi leur opportunisme. L’argument suprême est que j’aurais été contaminé par la réaction en passant à l’UPR.
Je rappelle que l'UPR n'est pas un parti politique mais un rassemblement provisoire de militants qui veulent le Frexit. François Asselineau dit que c'est une organisation sans "clivage gauche/droite". Je lui sais gré de tenir parole. J'ai pu défendre dans l'UPR les mêmes idées que celles que je défends ici. Aucune autre organisation n'aurait toléré que je fasse la même chose en son sein. Prenez-les toutes les unes après les autres pour voir et dîtes moi laquelle aurait accepté. Cela m'a permis de forger quelques outils notamment les deux livres "De François Mitterrand à Jean-Luc Mélenchon" et "Macron démission. Révolution" dans lesquels je ne fais aucune concession. J'ai écrit aussi une quantité d'articles sur Agora Vox, sur FaceBook et sur mon blog de Médiapart, ce qui permet en plus de discuter de chacun d'eux. J'en suis ressorti prêt pour la proclamation de l'AGIMO qui a maintenant son site web avec une douzaine d'articles et son groupe de discussion sur FaceBook avec 750 membres. Le bilan de mon passage à l'UPR est globalement positif. J'ai une audience sur AgoraVox et sur FaceBook avec suffisamment de contacts pour proclamer l'AGIMO.
Je n’avais pas calculé à l’avance que je procèderai ainsi pour proclamer l’AGIMO. Au départ, j’ai fait le tour des organisations qui sont favorables au Frexit tant il est évident que la réaction défend l’UE par toute la propagande qu’elle fait sur les médias dominants. Cette propagande est accompagnée par un blackout complet des partisans du Frexit et l’expression d’une profonde haine à leur encontre. Il faut être aveugle pour ne pas voir qu’il n’est pas possible de combattre l’ennemi de classe sans se prononcer pour le Frexit. J’ai évidemment cherché quelles organisations ouvrières étaient favorables au Frexit. Je n’ai trouvé que le POI, le POID et le PRCF. J’ai vite compris que je ne pourrais pas exprimer mes idées dans ces organisations notamment pour avoir été un temps membre de l’OCI. C’est pourquoi je me suis tourné vers l’UPR qui était l’organisation qui luttait le plus clairement pour le Frexit. Je me demandais si j’y serais vraiment accepté car, certes leur charte dit qu’il n’y a pas de « clivage gauche/droite » mais le seul discours qu’on entend est celui de François Asselineau qui est assurément un discours gaulliste et donc anti-communiste. J’ai eu quelques frictions avec des militants réactionnaires mais, je le répète, François Asselineau, qui était informé de mon orientation, m’a laissé m’exprimer autant que je l’ai voulu. Ma démarche était donc la bonne. Je serais curieux qu’on m’explique ce que j’aurais pu faire d’autre. Aurait-il mieux fallu que je rejoigne les révolutionnaires de salon et que j’aille voter avec eux pour Macron en me taisant sur la politique réactionnaire de l’UE et sur le fait que Walter Hallstein était un nazi ? Ce dernier fait est symbolique et significatif. A travers le combat pour faire triompher la vérité nous voyons clairement apparaître le clivage entre collaborateurs et résistants. Celui-ci ne correspond pas exactement au clivage entre exploités et exploiteurs mais il n’y a pas lieu d’hésiter sur le camp qu’il faut choisir.